ACTUSEN
Contribution

La guerre de succession a-t-elle déjà démarré ?

L’histoire de l’humanité nous apprend que les successions ont toujours posé de sérieux problèmes au niveau des Etats, y compris même ceux qui sont régis par les règles les plus strictes, comme les dogmes religieux, dans le cadre des théocraties.

La succession des pères fondateurs est rarement une réussite.

Des empires ont volé en éclat, des dynasties se sont disloquées, des guerres sanglantes ont opposé des familles régnantes au niveau des empires, des royaumes et même des Etats.

De nos jours, l’Afrique n’a pas encore dépassé la règle qui consiste à ériger les Pères fondateurs comme les seules constantes, les seuls capables de maintenir la flamme qu’ils ont allumée. Il faut le signaler, ils ont une grande part de responsabilité dans les conflits post-mortem parce que n’ayant pas eu la grandeur ou le courage de bien préparer leur succession avant leur disparition.

En général, seule la mort est capable de les démettre de la tête des entités qu’ils ont mises en place.

D’ailleurs, dans la plupart des cas, mêmes dans le coma, ils continuent de « diriger » leur machin, maintenus par ceux qui profitent du système qu’ils ont intérêt à perpétuer envers et contre tous.

Pour le cas du Sénégal précisément, nous assistons à une recomposition, voire à un renouvellement, pour ne pas dire à un rajeunissement de la classe politique.

Depuis quelques années et surtout avec l’avènement de Macky Sall, « jeune cinquantenaire » arrivé au pouvoir, à la tête d’un jeune parti, l’APR, de plus en plus, des voix s’élèvent pour exiger une alternance générationnelle.

Aujourd’hui, cette alternance générationnelle, longtemps vue comme un conflit de générations, ou une simple insolence d’une certaine jeunesse effrontée, prétentieuse, ingrate et irrespectueuse, au regard de nos traditions qui consistent à vouer une révérence sans condition aux aînés, est devenue plus qu’une réalité.

Celle-ci est confortée par la toute dernière élection présidentielle du 24 février, soldée par la victoire tant décriée par l’opposition du premier président sénégalais né après l’indépendance du Sénégal.

Le fait que Macky Sall amorce son dernier mandat-malgré les craintes d’une possible tentative de se représenter en 2024- déclenche prématurément la guerre de succession au niveau de la classe et des appareils politiques.

En effet, parmi les cinq candidats à l’élection de février 2019, seul Ousmane Sonko a la certitude de pouvoir se représenter sans ambages et sans incohérences à la présidentielle de 2024.

Dans une certaine mesure, la prochaine candidature d’Ousmane Sonko peut être considérée comme une demande sociale, un rendez-vous que le peuple sénégalais lui a fixé, non sans condition quand même.

Il en a la légitimité de par son jeune âge, de par le résultat honorable et honoré, enregistré lors de la récente élection présidentielle, de par l’offre politique qu’il propose aux Sénégalais, et enfin, de par son leadership exercé au niveau de son parti, le PASTEF.

Macky Sall n’a plus le droit de se représenter, au regard de la constitution qu’il a lui-même verrouillée, très justement pour éviter le syndrome Abdoulaye Wade en 2012.

Bon, Abdoulaye Wade l’avait fait!

Cependant, eu égard à ce qui s’est passé en 2012, on pense que Macky Sall aura la clairvoyance de résister à ceux qui seraient tentés de le pousser, par des arguties juridiques, à emprunter la même voie que Wade.

Espérons seulement que le pouvoir ne rend pas aussi fou !

Quant à Idrissa Seck, non seulement il prend de l’âge, mais aussi et surtout il a fait plusieurs tentatives sans succès.

Madické et El Hadj Issa Sall ont des limites objectives.

Ainsi, il est normal que la guerre de succession ait lieu dans les appareils dirigés par Macky Sall (APR) et Idrissa Seck (REWMI).

C’est dans cette perspective qu’il convient d’envisager les différentes sorties et les actes posés par certains membres relativement influents de ces appareils politiques.

En dehors des mouvements politiques et de soutiens à un certain nombre de cadres du parti de Macky Sall qui naissent ça et là, les sorties médiatiques des pontes de l’APR et de REWMI permettent de soutenir la position selon laquelle la bataille de la succession est déjà enclenchée.

Elle s’annonce longue, âpre, impitoyable et même fratricide.

Dans ce cadre, il est à retenir deux cas de figure : les positions de Moustapha Cissé Lo, personnalité politique qui, contrairement à une certaine opinion, n’est pas aussi « épidermique » qu’il ne le laisse « volontairement » apparaître.

Il a une expérience politique avérée et en a montré des preuves incontestables : soutien à Macky Sall dans un « mortal kombat » contre Wade, sa « fausse candidature » à la présidence de l’Assemblée nationale, ses « déménagements politique » de Touba à la Patte d’Oie et, récemment, de la Patte d’Oie à Ouakam.

Après Moustapha Cissé Lo, voyons à présent la sortie du porte-parole du parti REWMI, Abdourahmane Diouf qui, malgré la contestation des résultats par sa coalition, déclare reconnaître Macky Sall comme président de la République.

Abdourahamne Diouf, même s’il prend le soin de ranger sa déclaration dans le cadre de la légalité-différente de la légitimité-, pose un acte qui intrigue plus d’un.

Le questionnement sur  cette attitude d’un porte-parole attitré est d’autant plus légitime, que le concerné a jugé nécessaire de souligner dans un wolof-français que ce qu’il dit n’engage que sa propre personne (Lima wakh man la engager).

A-t-on besoin de cette précision pour dire quelque chose d’aussi normal que de reconnaître un président élu au suffrage universel, à 58, 27%, selon le Conseil constitutionnel d’un pays ?

Il reste à savoir si un porte-parole peut se permettre, dans de pareilles circonstances, de prendre des positions politiques personnelles.

Abdourahmane Diouf est-il simplement en train d’assumer sa part d’indépendance d’esprit ?

Seul l’avenir nous dira si cette sortie a un rapport avec la guerre de succession inévitable dans le landerneau et les partis politiques.

Rappelons que cette bataille qui n’a pas épargné bon nombre de partis politiques sénégalais (PS, AFP, PDS…) avait été enclenchée au REWMI par un certain Oumar Sarr.

En tout cas, une chose est sûre, ce dernier mandat de Macky Sall sera très politique.

Malheureusement, nous risquons encore cinq années de théories.

Dommage pour la phase 2 du PSE !

Dr. Amadou SOW

Ecole du parti

Pôle Formation et Débats

PASTEF

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