En ce 21e siècle naissant, marqué par un progrès fulgurant des Ntic (nouvelles technologies de l’information et de la communication), le Citoyen du Monde découvre avec émerveillement que les frontières physiques ne sont plus un obstacle à son épanouissement intellectuel et à sa quête légitime de nouveaux horizons du Savoir et de diversification de ses échanges avec ses congénères, résideraient-ils à l’autre bout de la planète. Le rêve d’un brassage culturel fécond et de partage du Savoir, en prélude à cette «Civilisation de l’Universel», concept si cher à notre défunt président-poète, serait-il en passe de n’avoir vécu que le temps d’une rose ?
Le virus de la censure sur Internet semble étendre ses tentacules sous nos cieux, avec l’adoption de la loi n°28/2018 portant Code des Télécommunications électroniques, qui est passée comme lettre à la poste, ce mercredi 28 novembre 2018, à l’Assemblée nationale. En attentant sa promulgation. En ce monde dominé par la prégnance du virtuel, où la circulation de l’information est instantanée, au grand bonheur du Citoyen du Monde, les blogueurs, journalistes et autres internautes lambda constateront bientôt – si cette loi venait à être effective -, qu’il deviendra de plus en plus difficile d’accéder aux contenus recherchés. Impuissants, ils assisteront désormais à une «Perestroïka» à rebours, qui tombera comme un cheveu dans la soupe d’une société moderne qui venait à peine de se targuer d’avoir libéré les énergies créatrices de ses membres, en balisant à la conscience collective une rayonnante avenue, s’élargissant crescendo. Un sentier lumineux où étaient censées parader notre sacro-sainte Démocratie et son précieux corollaire qu’est la Liberté d’expression, qui avaient quasi-définitivement acquis leurs lettres de noblesse, dans une Afrique en proie à la pensée unique et à l’intolérance idéologique.
En effet, en son article 27 (qui fait toujours polémique chez nos élus), ladite loi met en péril l’accès des Sénégalais à des applications évoluées de téléphonie mobile, très prisées par les consommateurs sénégalais du Net, risquant ainsi de compromettre les avancées non négligeables enregistrées par notre pays dans la démocratisation de l’accès au numérique et de saper les fondamentaux de la liberté de création et d’expressions virtuelles. Tel qu’en dispose ledit article : «L’Autorité de régulation peut autoriser ou IMPOSER toute mesure de gestion du trafic qu’elle juge utile pour, notamment, préserver la concurrence dans le secteur des communications électroniques et veiller au traitement équitable de services similaires». Il n’est pas besoin d’être savant pour comprendre que cette disposition vise notamment les applications de communication quasi-gratuites (prises en charge par une connexion), comme WhatsApp, Messenger, Skype, Viber, Facebook, face aux tarifs exorbitants des opérateurs de téléphonie classique. Ce qui serait une injustice notoire, infligée aux consommateurs à revenus moyens, notamment dans leurs échanges avec leurs interlocuteurs de la diaspora. Une disposition qui confère un pouvoir exorbitant à ce nouveau gendarme sénégalais du Net, qu’est l’ART, qui se voit désormais habilitée, en partenariat avec les opérateurs classiques, à filtrer voire ralentir les accès des modestes usagers sénégalais, au profit de ces multinationales milliardaires de la téléphonie. Même si l’intention (du reste louable) est de réguler le secteur, en mettant notamment un bémol aux dérives récemment déplorées, il reste constant que si l’on y prend garde, cette loi va provoquer des embouteillages monstres dans le flux des bases de données, et conséquemment des restrictions sévères dans les accès aux sites de la presse en ligne, dans les live sur Facebook des activistes et objecteurs de conscience, en sus d’inévitables entorses à la liberté de mouvement des surfeurs, dans les réseaux sociaux !
Sachons surtout tirer des leçons du passé ! A cet égard, nous ne saluerons jamais assez le sage «rappel à l’ordre» du doyen Amadou Tidiane Wone (ci-devant ministre de la Culture), largement reprise dans la presse du lundi 26 Février dernier, soulignant en substance que «les nouveaux médias (les réseaux sociaux) sont devenus des lieux de résistance contre la pensée unique. Laquelle, en usant de la corruption, met au pas des organes de presse, qui en oublient jusqu’au sens de leur mission, en devenant les porte-voix des intérêts du Pouvoir. Oublie-t-on que les milliers de sujets débattus sur ces supports, incontrôlables par l’État, contribuent à forger l’opinion d’autant d’électeurs ? Le temps des bravades et des menaces est révolu. Le monde est en pleine mutation et l’arbre à palabre a pris racine sur le web»!
Le Président Macky Sall n’est d’ailleurs pas en reste, dans ce concert de louanges à la gloire des réseaux sociaux, comme en témoigne sa pertinente analyse livrée sur la 2stv – au lendemain de la révolte populaire du 23 juin 2011 devant l’Assemblée nationale, alors qu’il était candidat à la Présidentielle de 2012: «La magie du CLIC fera désormais face, à travers les réseaux sociaux, à la toute-puissance du FRIC et du FLIC. Les gouvernants ne peuvent plus se permettre de faire ce qu’ils veulent et de faire voter n’importe quoi à leurs parlements sans que les citoyens, qui ont repris en main leur souveraineté, ne réagissent»!
Le RDS invite le Président Macky Sall à ne pas promulguer cette loi liberticide, et à faire précéder sa ratification présidentielle d’une ultime concertation, réellement inclusive, impliquant la Société civile, les organisations consuméristes et les acteurs de la presse en ligne. Le RDS exhorte le chef de l’État du Sénégal à refuser d’intégrer le «Top 10», peu honorable, des pays «censureurs» d’Internet, dont la Chine, la Corée du Nord, l’Arabie Saoudite et l’Iran (de vrais «modèles» de démocratie!) occupent le haut du podium. Pendant que leur font «brillamment» écho, sur le continent africain, le trio éthiopien, érythréen et tunisien ! L’enjeu de la préservation de notre légendaire image de «vitrine de la démocratie africaine» en vaut véritablement la chandelle !
Dakar, le 29/11/2018
Le Secrétaire général du RDS
Mame Mactar Guèye
mamemactar@yahoo.fr