Face à la polémique qui ne cesse d’enfler au sujet de contrats controversés je me suis résolu à reprendre mon clavier pour tenter d’en décortiquer la quintessence afin d’aider tous ceux qui s’y intéressent, de quelque bord qu’ils se trouvent, à mieux comprendre leurs contenus et ainsi mieux asseoir leur position d’accusateurs ou de défenseurs.
Bref rappel historique sur la Recherche – Exploration
A- Chronologie
- De 1917 à 1932: découverte d’indices de bitume, d’huile et de gaz dans des puits et des forages d’eau au Cap-Vert
- 1952: découverte de pétrole lourd (1 milliard de barils) dans le Dôme Flore dont la gestion est confiée à l’Agence de Coopération entre le Sénégal et la Guinée Bissau (AGC)
- entre 1961 et 2002: plusieurs petits puits de pétrole et de gaz naturel sont découverts dans la zone de Diamniadio. Le gaz naturel, le seul a être exploité (environ 350 millions m3) a été utilisé pour produire de l’électricité et le condensat, cédé à la SAR.
- 2014: découverte de pétrole (473 millions de barils) à Sangomar offshore Profond
- 2015: découverte de gaz naturel (17 à 20 TCF) à Saint-Louis offshore profond
- 2016: découverte de gaz naturel (5 Tcf soit 140 milliards m3) à Cayar offshore profond
Nombre de compagnies impliquées
De 1952 à 2014, plus de 20 compagnies pétrolières dont Shell, Exxon, Tullow, VancoEnergy, Hunt, Cairn, ConoPhilips, FAR, etc. ont mené des travaux d’exploration dans le bassin sédimentaire. Ces compagnies ont eu à effectuer plusieurs travaux de recherche avec l’acquisition de plus de 60.900 km de sismique 2D (sondage pour faire simple) et plus de 12.200 km² de sismique 3D. Elles ont eu à forer un total 168 puits dont les 160 ont été secs, donc seuls 8 puits ont contenus des huiles ou du gaz.
Ces importants travaux ont été effectués avec peu de succès de 1952 à 2014, grâce à des investissements se chiffrant à plus de 500 milliards FCFA entièrement supportés par les compagnies privées. C’est ainsi que beaucoup de ces compagnies pétrolières, ayant subi des pertes énormes, ont dû quitter le Sénégal à la fin de leur contrat (Exemple ; SHELL, Tullow, Hunt, etc.).
Ces résultats négatifs successifs n’ont pas milité en faveur de l’attractivité du bassin sédimentaire sénégalais rendant ainsi très laborieux sa promotion. Cette situation a amené le législateur sénégalais à réviser le code pétrolier de 1986 pour y introduire, dans celui de 1998, des dispositions incitatives comme la suppression du bonus de signature à verser en une fois à PETROSEN en cas de signature (excusez la répétition), qui les gère pour le compte de l’Etat. Il s’y ajoute d’autres mesures incitatives d’ordre fiscal comme l’exonération de tous les investissements durant la phase de recherche-exploration et la défiscalisation des opérations de cession de parts durant cette période ; ces dernières étant juste des transferts d’engagements (donc de risques) ne générant par conséquent aucun flux financier.
Dans la phase de recherche-exploration, les recettes de l’Etat sont insignifiantes et se résument essentiellement aux:
- Taxes de surface: entre 5 et 15$/km²/an
- frais de formation et de promotion du bassin: de l’ordre de 300.000 $US/an
- bonus de signature symbolique: 500.000 $US, payable un fois (pas obligatoire)
- fonds sociaux: autour de 150.000 $US/an
Au même moment les dépenses engagées dans les opérations sont de l’ordre du milliard USD :
- Coût journalier d’un appareil de forage offshore: +1 million USD
- Coût d’un puits: entre 20 et 100 millions USD
- Taux approximatif de succès d’un puits : entre 10 et 15%
Engagements de travaux dans un Contrat de Recherche :
1ère période d’exploration : | 1000 km de sismique 2D | 5 millions $US |
2ème période d’exploration : | 500 km sismique 2D
1 forage |
7.5 millions $US |
3ème période d’exploration : | 250 km sismique 3D
1 forage |
10 millions $US |
Il importe de noter que les engagements contractuels de travaux sont assortis d’engagements financiers qui constituent la pénalité que la compagnie doit payer à l’Etat si les travaux ne sont pas effectués à date, ils sont couverts par une caution bancaire exécutable le cas échéant.
Situation des Découvertes jusque là obtenues :
Les premiers succès sont Diamniadio avec une production est de l’ordre de 235 millions m3 de gaz et 100.000 barils de condensats et pétrole léger et Gadiaga avec une production de 300 millions m3 de gaz naturel.
Ces hydrocarbures extraits du sous-sol sénégalais sont utilisés localement pour approvisionner essentiellement la Senelec et la Sococim dans la génération d’électricité et le raffinage par la SAR pour de faibles quantités.
SITUATION DES BLOCS OPERES PAR KOSMOS ENERGY
Dans les blocs de Saint-Louis offshore Profond et Cayar offshore Profond, la recherche a commencé avec la Société Africaine de Pétrole (Elf) vers 1967, suivie par Shell, Husky, Shell de nouveau, VancoEnergy et Kampac Oil.
Contrat d’association (Joint Operation Association):
Initialement, la société PETROTIM détenait sur chacun des deux blocs 90% et PETROSEN 10% (porté). Par la suite, PETROTIM a transféré la totalité de ses parts à TIMIS CORPORATION qui fit venir KOSMOS à qui elle a cédé 60% pour ne garder que 30%.
La société KOSMOS ENERGY SENEGAL, en joint-venture avec BP Sénégal Limited, a créé une filiale dénommée KOSMOS BP SENEGAL LIMITED à laquelle elle a transféré l’intégralité de ses 60%.
Aujourd’hui la répartition des parts s’établit comme suit : BP Senegal Limited qui détient 49,99% des parts de KOSMOS BP SENEGAL LIMITED a acquis la totalité des 30% de parts de TIMIS COPRPORATION LIMITED.
Nouvelle répartition (avec arrondi) dans chacun des deux blocs : BP SENEGAL LIMITED (60%) – KOSMOS BP Limited (30%) – PETROSEN (10%).
Chronologie de l’Affaire PETRO-TIM/KOSMOS/BP
- 8 décembre 2011, signature d’un MOU entre TIMIS et le Sénégal
- 17 janvier 2012 signature du contrat PETRO-TIM/PETROSEN/ETAT (Ministre d’Etat Karim Wade)
- 23 Mai 2012 création de Petro Tim Sénégal
- 19 juin 2012 décrets d’approbation n°2012-596 et 2012-597pour les blocs de Saint-Louis et de Cayar (Président Macky Sall)
- 4 juillet 2012 mise en place de la société PETRO-TIM Sénégal
- Août 2014 cession de 60% des parts de PETRO-TIM à KOSMOS sous forme d’engagements de travaux.
- Février 2017 Entrée de BP à travers KOSMOS BP LIMITED (Cession filiale)
- Cession des parts TIMIS CORPORATION LIMITED à BP SENEGAL LIMITED mai 2017
Découverte sur Saint-Louis Offshore profond : le gisement dénommé “Grand Tortue Ahmeyim” (GTA) possède des réserves de gaz naturel estimées entre 17 et 20 TCF (500 milliards de m3) pour production attendue vers 202. Quant à la découverte sur Cayar offshore Profond, les réserves de gaz naturel sont estimées à 5 TCF (140 milliards de m3).
Les revenus financiers de l’Etat
A l’exploitation une part 75% (stop oil) de la production brute sera réservée au remboursement des investissements consentis depuis le début de l’exploration (cost oil). Les 25% restants, considérés comme bénéfice (profit oil) fera l’objet d’un partage entre l’Etat d’une part et l’association composée des compagnies privées et Petrosen d‘autre part selon la clé suivante :
Production journalière en nombre de barils ou équivalent gaz | Part de l’Etat | Part de l’Association |
0 – 30 000 | 35% | 65% |
30001 – 60 000 | 40% | 60% |
60 001 – 90 000 | 50% | 50% |
90 001 – 120 000 | 54% | 46% |
120 001 et plus | 58% | 42% |
Ainsi les parts initiales de l’Etat varient selon le niveau de production entre 35% et 58%. A cela il s’y ajoute les parts de Pétrosen qui est partie prenante de l’association et qui détenait initialement 10% des parts de l’association mais qui, s’il y a découverte peut passer immédiatement à 20% selon les termes contractuels.
Cela lui confère des parts allants de 13% (20% de 65%) au maximum à 8.4% (20% de 42%) au minimum.
Enfin après partage l’Etat applique l’impôt sur le bénéfice qui est de 25% aux membres de l’Association. Cela donne :
Production journalière en nombre de barils ou équivalent gaz | Part de l’Association | Part Petrosen | Parts Des Compagnies privées | Impôt sur le bénéfice des sociétés 25% |
0 – 30 000 | 65% | 13% | 52% | 13% |
30001-60 000 | 60% | 12% | 48% | 12% |
60 001- 90000 | 50% | 10% | 40% | 10% |
90 001 –120 000 | 46% | 9,2% | 36,8% | 9,2% |
120 001 et plus | 42% | 8,4% | 33,6% | 8,4% |
Les revenus financiers de l’Etat sur chacun des blocs de Cayar Offssore profond et Saint louis Offshore profond s’établissent ainsi qui suit :
Production journalière en nombre de barils ou équivalent gaz | Part de l’Etat | Part Petrosen | Impôt 25% | Part définitive de l’Etat |
0 – 30 000 | 35% | 13% | 13% | 61% |
30001 – 60 000 | 40% | 12% | 12% | 64% |
60 001 – 90 000 | 50% | 10% | 10% | 70% |
90 001 – 120 000 | 54% | 9,2% | 9,2% | 72,4% |
120 001 et plus | 58% | 8,4% | 8,4 | 74,8% |
Conclusion :
Ainsi, comme on le voit, les parts de l’Etat varient entre un minimum de 61% et un maximum de 74,8% sur chaque baril de produit et sur chacun des gisements de Saint louis Offshore profond et Cayar Offshore profond. Ces valeurs relatives ne sauraient être converties en valeurs absolues (milliards).
NB : Toutes ces informations sont publiques puisque disponibles dans les contrats publiés sur le site de l’ITIE aux adresses :
Mor Ndiaye Mbaye Ex. DC Ministère de l’Energie