Le candidat socialiste à l’élection présidentielle Benoît Hamon se rend mardi à Berlin pour rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel et le nouveau leader du SPD Martin Schulz. Un voyage aux enjeux plus importants qu’il n’y paraît.
Après un voyage au Portugal en février sur le thème de l’union des gauches, Benoît Hamon se rend en Allemagne, mardi 28 mars, pour rencontrer Angela Merkel et Martin Schulz, le nouveau patron de la gauche allemande. Après François Fillon et Emmanuel Macron, le vainqueur de la primaire de la gauche sera le troisième candidat à la présidentielle française à être reçu par la chancelière allemande depuis le début de l’année. Pour Marion Gaillard, enseignante à Sciences Po Paris et spécialiste des relations franco-allemandes, « c’est une nouveauté totale » et « notable » de voir la chancelière allemande recevoir autant de candidats. Selon la spécialiste, les propositions du candidat socialiste sur la question européenne sont à même de susciter un dialogue constructif.
France 24 : Après François Fillon et Emmanuel Macron, Angela Merkel reçoit Benoît Hamon. Que vont chercher les candidats à la présidentielle française à Berlin ?
Marion Gaillard : L’Allemagne est un partenaire incontournable pour la France, surtout si le prochain président français veut relancer le projet européen. Les candidats qui vont rencontrer la chancelière allemande y vont donc pour voir quelles pourraient être les termes d’un accord entre Paris et Berlin. Lors des dernières élections, Angela Merkel avait reçu Nicolas Sarkozy pendant la campagne de 2007 et de 2012, mais aussi Ségolène Royal en 2007. En revanche, elle n’avait pas reçu François Hollande en 2012. C’est une nouveauté totale qu’elle reçoive autant de candidats cette année et c’est assez notable qu’elle le fasse.
Pourquoi le fait-elle selon vous ? Quel est son intérêt ?
En réalité, je pense qu’elle s’est sentie obligée de le faire. Elle a d’abord reçu François Fillon, ce qui est dans la logique des choses, mais ils ont tous les deux de réels désaccords sur la vision qu’ils ont de l’Europe. Avec la poussée d’Emmanuel Macron dans les sondages et les conséquences de l’affaire Fillon, elle a par la suite jugé opportun de rencontrer le candidat d’En Marche, d’autant plus qu’il existe entre elle et lui une proximité idéologique, que ce soit sur la question des réfugiés ou sur la construction européenne. Or, comme elle a dérogé à la règle une fois avec Macron, elle a ensuite déclaré être prête à recevoir tous les candidats qui souhaiteraient la rencontrer, à l’exception de Marine Le Pen. Benoît Hamon a saisi cette opportunité.
Je rencontre la chancelière Angela Merkel pour évoquer l’avenir de l’Union européenne et les défis auxquels nos deux pays sont confrontés.
On voit pourtant assez mal ce que Benoît Hamon et Angela Merkel vont pouvoir se dire, non ?
Au contraire, je pense qu’ils auront un dialogue constructif. Il faut bien avoir en tête que sur la construction européenne, l’Allemagne est orpheline de la France depuis le milieu des années 1990. La France n’est plus un moteur et n’est plus une force de propositions sur l’avenir de l’Europe. Le leadership a été laissé à l’Allemagne. Et dans ce contexte, Benoît Hamon, comme Emmanuel Macron, fait des propositions concrètes. Le Parlement de la zone euro que propose Hamon n’est pas de nature à plaire à Merkel a priori, mais c’est une proposition claire qu’il met sur la table et à propos de laquelle ils peuvent discuter car Merkel a conscience du déficit démocratique de l’UE. Donc ses idées sur la démocratisation de l’Union européenne, mais aussi sur l’Europe de la défense ou sur la question migratoire peuvent intéresser la chancelière allemande. Avec Hamon et Macron, c’est la première fois depuis vingt-cinq ans que la France a des candidats à la présidentielle qui portent autre chose que l’idée de l’Europe des États. Du point de vue allemand, c’est très positif car il faudra relancer l’UE.
Le principal enjeu du voyage de Benoît Hamon n’est-il pas sa rencontre avec Martin Schulz, le nouveau patron du SPD ?
C’est effectivement un enjeu très important pour le candidat socialiste, notamment parce que le prédécesseur de Martin Schulz, Sigmar Gabriel, s’est réjoui il y a une semaine de la possible victoire en France d’Emmanuel Macron. Benoît Hamon va donc tenter de raccrocher le wagon Schulz, en sachant qu’un soutien officiel de sa part lui apporterait une crédibilité internationale supplémentaire. Hamon n’est pas beaucoup soutenu dans son propre camp en France. Il est accusé par son aile droite de ne pas être dans le réel, d’avoir des propositions utopiques, donc ce serait un vrai succès pour lui d’être adoubé par le candidat de la gauche allemande. Bien sûr, ça ne changerait pas forcément beaucoup de choses pour la majorité des électeurs français, mais pour un certain électorat qui hésite entre Hamon et Macron, cette reconnaissance pourrait avoir son importance.