Notre Sénégal entre en zone de turbulences, et ce ne sont pas seulement des drames quotidiens qui nous inquiètent, mais une propension forcenée de notre classe politique à toujours embraser le débat politique. Il est vrai véritable spécialité nationale, qui nourrit nos discussions animées, alors que nous voudrions plutôt être nourris plus convenablement, ce qui est loin d’être le cas de la plupart de nos concitoyens.
Traversons donc notre marigot politique et médiatique, avec autant d’enthousiasme qu’un condamné passe la porte d’une prison sénégalaise. Notre détenu le plus célèbre, qui a détrôné « Boy Djinné » au hit-parade des faits divers, est le Maire de Dakar. Qui passe, à tort ou à raison, aux yeux de beaucoup, pour un véritable détenu politique. Du seul fait que la Justice bat en brèche tous ses droits de détenu de droit commun, en restreignant ses visites et en ne lui transmettant pas les courriers que lui envoient notamment certaines personnalités comme l’Archevêque de Dakar.
Le Pouvoir s’évertue à en faire un détenu comme les autres, mais ces mesures coercitives à son encontre sonnent comme un aveu. Et sont de nature à conforter davantage plus d’un dans leur idée, selon laquelle l’édile de la capitale sénégalaise est un prisonnier politique.
Lui reprocherait-on un délit d’ambition, qu’on ne s’y prendrait pas autrement? En tout cas, il y a de quoi se méfier de ce personnage que le Pouvoir est en train de faire monter en puissance et en sympathie, en oubliant que les Sénégalais finissent toujours par adouber ceux qui semblent, à tort ou à raison, être victimes d’injustices.
D’ailleurs, le locataire actuel du Palais de la République devrait s’interroger. Serait-il aujourd’hui Chef de l’Etat, s’il était demeuré jusqu’au terme de son mandat de Président de l’Assemblée Nationale sous le régime de Abdoulaye Wade ? La réponse est dans la question…
Et voilà que l’opposition se met en tête de faire de Khalifa Sall sa tête de liste nationale aux prochaines élections législatives du 30 juillet. Tous les leaders de « Manko Taxawu Senegaal » décident de s’unir contre Macky Sall et l’APR et de faire d’un scrutin, a priori local, un test national qui aura des conséquences sur la Présidentielle de 2019 ; ce qui met toute notre classe politique en ébullition. Et les grandes manœuvres commencèrent.
A peine libéré de prison, Bamba Fall, le maire de la Médina, s’est envolé vers Versailles, pour aller chercher l’onction politique de Highlander Wade, redevenu, comme il l’adore, chef de l’opposition. Le but est de faire du Maire de Dakar l’emblème de l’opposition au régime de Macky Sall et d’exposer ce futur scrutin sous les feux souvent déformants de l’opinion internationale.
Le hic, c’est évidemment son éligibilité, qui pourrait être remise en question par une condamnation ; laquelle est, pour l’instant, circonscrite par des procédures et diverses requêtes en annulation. Il est permis de penser que le caractère vindicatif de ce Pouvoir nouera son avenir politique, en le réduisant à néant, par le biais d’une condamnation. Le feu couve et les délais sont serrés. La précipitation sera forcément mauvaise conseillère. Nous scrutons, avec attention, le caractère indépendant de notre Justice… Ce n’est pas, hélas, le seul enjeu de ce vaudeville politique.
Car cette situation pose un tout autre problème qui se révèle somme toute assez récurrent sous nos latitudes, et qui pourrait faire l’objet d’un énoncé d’un exposé à Sciences Po Ndoumbélane : « les politiciens, qui étaient contre Abdoulaye Wade en 2012, sont en 2017 avec lui, pour s’opposer à Macky Sall, avec qui ils étaient alliés en 2012 contre le Pape du « Sopi » !!! Sachant que les mêmes, en 2000, avant de se liguer contre Wade en 2012, étaient en Coalition avec lui contre Abdou Diouf, veuillez définir la politique politicienne au Sénégal». Vous avez deux heures pour ça….
Ces mêmes hommes occupent le champ politique, depuis bientôt 20 ans, sans sourciller et sans surtout jamais étayer ce qu’ils ont pu apporter au Sénégal, alors que ce que celui-ci leur a apporté se mesure en villas gardées comme celles d’Al Capone, voitures de luxe, enfants étudiant à l’étranger, épouses se soignant et accouchant aux Etats-Unis, et la liste des bénéfices n’est pas exhaustive.
A défaut de nous montrer leurs résultats, ils peuvent exhiber un bel appétit pour les Coalitions politiques, qui les mènent toujours vers de juteuses stations. Entre les Partis «Soupoukandia» ou «Paëlla», voire «Pucc-paacc», où se liguent les personnages les plus divers et les plus éloignés les uns des autres, nos « zhoumes-politiques » incarnent souvent le vide sidéral d’idéologies qui les auraient politiquement structurés.
Le Parti socialiste avait été viré sur la seule punchline «au pouvoir depuis 40 ans». Alors, nos politiciens aux vestes tellement retournées qu’elles sont toutes déchirées, seraient bien inspirés de tirer leurs indécentes irrévérences. Mais ils persistent et certains s’incrustent sans vergogne dans le cours de notre démocratie dont ils se repaissent à satiété, ne sachant apparemment pas faire autre chose de leurs vies.
Qu’ils aient au moins la décence de concourir aux suffrages des Sénégalais sans faire partie d’un attelage brinquebalant et hétéroclite. Combien d’entre eux feraient, sur leur seule liste partisane ou sur leur seul nom, plus de 0,01% ? Question bête… Encore une fois, la réponse est dans la question…
Notre « Gaal », comme un bateau ivre, navigue dans la plus trouble des eaux informelles, lorsqu’on voit un Ministre d’Etat prendre la parole, pour justifier la censure du livre de Sonko sur le gaz et le pétrole, au titre que celui-ci pourrait mettre en péril des espérances de richesses nationales. Le souci pour lui, c’est qu’il répond à ce qui ne sont pour le moment que de simples rumeurs de censures, et qui pourraient seulement être une stratégie de communication de l’auteur, donneur de boutons à ses anciens amis du pouvoir et auto-bombardé « lanceur d’alertes ». Du calme, messieurs…
Mais il est vrai que ce Pouvoir a tendance à ne supporter que, très modérément, les critiques ou même des avis divergents sur la manière dont est gouverné ce pays. Ce Pouvoir ignore qu’à force de gouverner, sans opposition, on administre sans talent. CQFD. Mais lorsqu’en plus de la répression, on tremble à l’idée que ce sont des nains politiques qui nous gouvernent et nous mènent dans le mur en klaxonnant, ça devient carrément grave.
Comment imaginer que ce Pouvoir, pourtant si bien élu, puisse se rabaisser à donner dans la petite vengeance envers la communauté de la presse, qui n’avait eu que le tort de défiler, le jour de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse», pour crier sa précarité et demander des solutions.
Pour toute réponse, ce Pouvoir, qui compte en son sein autant de journalistes que le défunt régime de Wade comptait d’avocats, c’est pas peu dire, décide de simplement bloquer le versement de l’Aide à la presse, pourtant consacrée par la loi et qui devait tomber, d’ailleurs, depuis le mois de Mars. C’est petit… Vraiment petit…
C’est trop petit, quand on peut faire dire au Président de la République, le 1er Mai, lors de la réception des Cahiers de doléances, que la fameuse Aide à la Presse est en train d’être distribuée, alors qu’il n’en est absolument rien. C’est petit qu’on puisse induire si gravement en erreur la Première Institution du pays. Qui, en toute bonne foi, s’est mis à fredonner, sur un air mélodieux et séraphique, ce refrain. C’est franchement petit de faire ce coup-ci au Chef de l’Etat. Seulement 5 ans, et, déjà, à la dérive… Comme dans les cordes… Sans solutions.
Et Dieu sait pourtant qu’ils devraient avoir des solutions à apporter aux problèmes, dans lesquels se meuvent leurs concitoyens. S’ils se concentraient sur leur boulot qu’on leur a confié en 2012, confiants dans le «Yonnu Yokkuté» qu’ils nous avaient si bien vendu, 2019 serait une ballade de santé pour leur chef… Mais bon, chacun sa guerre… Le régime de Macky Sall pouvait rentrer dans l’Histoire… Il se laisse enfermer dans de petites histoires… Question de choix.
Il pourrait enfourcher la bataille contre la pauvreté qui perdure et qui, chaque jour, fait des dégâts qu’on appelle catastrophes. Incendies, accidents, noyades par dizaines, ne sont juste que des révélateurs de notre statut de pauvres tiers-mondistes, encore loin de ce qu’on nomme pompeusement émergents.
Pour finir, une dernière sénégalaiserie bien de chez nous : cinq enfants d’une même famille morts calcinés ou asphyxiés, c’est pareil à ce stade, du fait d’un incendie provoqué, selon toute vraisemblance, par une bougie. Nous allons retomber dans la sempiternelle émotion qui caractérise notre société, toujours si prompte pourtant à surtout oublier les leçons à tirer d’un évènement.
Que ce soit pour des accidents de la route, des incendies de certains marchés, des éboulements d’immeubles vétustes ou pire, en construction, c’est toujours le même cirque de contritions publiques et officielles. Pourquoi, jamais, dans ce pays, des leçons ne sont tirées des catastrophes qui nous arrivent à rythme plutôt échevelé, ces derniers temps ? Pourquoi la répétition de la pédagogie qui peut réduire ces Catas d’un autre tiers-monde n’est-elle pas érigée en dogme ?
Pourquoi les responsables ne sont-ils jamais punis ? Alors, l’information demeurera que l’oncle «était alcoolique», que le Chef de l’Etat a suspendu le Conseil des Ministres, qui tend à devenir «Conseil des Sinistres», tant ceux-ci sont récurrents. Pour autant, il faut juste constater que ces drames sont, avant tout, des drames de la misère humaine, et du sous-développement mental, et que c’est ceux-ci qu’il convient de circonscrire.
Combien de tâcherons et de maçons, improvisés architectes, laisse-t-on construire, sans sourciller et sciemment, des immeubles improbables de plusieurs étages ? Combien d’immeubles effondrés pour ces turpitudes administratives ont connu des suites judiciaires et administratives contre les fonctionnaires qui avaient accordé les funestes permis de construire ? Pourquoi des responsables n’existent jamais ?
C’est vrai qu’il est plus aisé de convoquer la Volonté Divine, qui nous déresponsabilise à souhait. Il en va de même manière pour les catastrophes routières dans un Sénégal à 2 millions de faux permis de conduire, que pour ces drames de la vie quotidienne, où dans n’importe quel pays normé du monde, des suites auraient engendré les affres de la responsabilité civile qui mène souvent à la prison, ou à tout le moins à la réparation. Mais si c’est Dieu qui l’a voulu…
Alors, il est aisé de mettre en scène l’émotivité des Sénégalais, et on lance le «story-telling de Ousseynou Diaz, 5 ans de détention provisoire pour une supposée histoire de drogue, qui perd ses 5 enfants, qui est escorté pour aller assister aux funérailles de ces derniers. On en appelle à la mansuétude du Procureur de la République…On relativise et l’émotion aidant, on évoque Thione Seck, mouillé ou supposé comme tel dans une histoire de faux billets, qui est mis en liberté provisoire, soit disant souffrant d’une maladie, qui ne l’empêche pourtant pas de monter sur scène.
Diaz, lui, souffre plus que quiconque, en ce moment ; il mérite donc cette même liberté provisoire et devrait être suivi par un psychologue. Mais bon au Sénégal, quand vous jouissez d’une certaine notoriété, tout laisse croire que Dame Justice vous enverra à Rebeuss pour quelques jours de vacances. Pendant que l’on y est, où sont Cheikh Béthio Thione et son procès tant attendu dans l’affaire du double meurtre de Madinatoul Salam? Par contre, juste pour une orange volée, cette même Dame Justice vous fera passer le restant de vos jours à Rebeuss.
Pendant ce temps, la Croisière s’amuse… « Béguééééé !!!!!!! »…
SAMBAAY BATHIE