Le photojournaliste français Mathias Depardon est libre. Il était détenu depuis un mois dans le sud-est de la Turquie. Accompagné de sa mère, Mathias Depardon est arrivé ce vendredi soir à Paris.
Fatigué, mais très heureux. A son arrivée à Paris, Mathias Depardon a remercié tous ceux qui l’ont soutenu pendant son incarcération à Gaziantep, et notamment le président français Emmanuel Macron qu’il a eu au téléphone ce vendredi, son comité de soutien, son avocat en Turquie et Reporters sans frontières.
« Ce qui est compliqué dans ce genre de détention, c’est qu’on ne sait pas combien de temps on va être détenu. Je savais que ça pouvait aller jusqu’à un an », a expliqué le photojournaliste français. Mathias Depardon a raconté avoir été placé à l’isolement dans le centre où il était détenu, avec 15 minutes de promenade par jour. Des conditions de détention très proches de celles d’un centre pénitencier. Les contacts avec les autorités françaises n’ont été possibles qu’au bout de 12 jours.
Pour lui, les autorités turques ont voulu envoyer un message fort auprès des journalistes locaux et étrangers qui veulent travailler dans le sud-est de la Turquie. Mathias Depardon a d’ailleurs tenu à envoyer un message de soutien à ses confrères emprisonnés en Turquie, mais aussi aux migrants avec qui il était détenu à Gaziantep.
Un mois de prison
Les autorités turques n’ont donné aucune justification à sa libération. Mais elle intervient après un mois et un jour de détention, deux interventions d’Emmanuel Macron auprès du président turc Recep Tayyip Erdogan, et une grève de la faim menée par le photoreporter durant près d’une semaine.
La mère de Mathias Depardon a pu lui rendre visite hier à Gaziantep. Et ce midi, le président français l’a appelée pour lui annoncer que son fils était en route vers Istanbul, pour être ensuite placé sur un vol à destination de Paris. Le photojournaliste devrait cependant être interdit de séjour en Turquie pour les prochaines années, indique notre correspondant à Istanbul, Alexandre Billette.
Mathias Depardon a été arrêté début mai à Hasankeyf, dans le sud-est du pays, pour avoir travaillé sans carte de presse qu’il avait pourtant voulu renouveler. Il aurait également été soupçonné d’espionnage pour avoir photographié des combattants du PKK. Des soupçons « absurdes » pour ses proches et les défenseurs de la liberté de la presse qui s’étaient mobilisés.
Le secrétaire général de Reporters sans frontières, Christophe Deloire a tout de suite fait part de son soulagement et de sa joie : « J’étais hier, jeudi 8 juin, avec la mère de Mathias à Gaziantep, au centre de rétention. Je viens d’arriver à Paris. Nous espérions, nous avions des signes, que cela pourrait aller vite. Ça a été très vite après cette visite. C’est une joie, une satisfaction extrêmement intense. Ce qui a débloqué la situation, c’est un travail de longue haleine, de conviction, de mobilisation, de dénonciation utile. Il a fallu trouver les mots. Faire tout un travail souterrain, tout un travail public. C’est ce qui a été fait. Et cela a fini par payer. je voudrais rappeler que Mathias Depardon n’aurait jamais dû passer un seul jour en détention. Donc, c’est la fin d’une situation anormale ».
La liberté de la presse bafouée en Turquie
Le cas de Mathias Dapardon n’est pas isolé, d’autres journalistes étrangers ont été arrêtés en Turquie ces derniers mois. Le pays occupe la 155e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières. Le représentant de l’ONG en Turquie, Erol Önderoglu, est sous le coup d’une procédure judiciaire. Il risque 14 ans de prison pour « apologie du terrorisme ». Cette accusation de soutien au terrorisme est fréquemment utilisée par les autorités turques contre les journalistes.
Ceux qui osent traiter du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme une organisation terroriste en Turquie, ou ceux qui parlent de la confrérie Gülen, accusée d’être derrière un coup d’Etat manqué de juillet 2016, sont suspects. Quelque 150 organes de presse ont été fermés depuis le putsch avorté et plus de 100 journalistes sont emprisonnés.
Le simple fait de critiquer le pouvoir en place est aussi risqué. Le président Recep Tayyip Erdogan, qui s’est attribué les quasi pleins pouvoirs en avril dernier à l’issue d’un référendum contesté, veut museler toute forme d’opposition.
Rfi.fr