Attentat contre une épicerie casher en 2012, projets d’attaques contre des militaires et départs en Syrie : le procès de vingt hommes, suspectés d’appartenir à la filière jihadiste de Cannes-Torcy, s’est ouvert jeudi 20 avril à Paris.
C’est le procès d’un groupe très dangereux, qui n’a miraculeusement pas fait de morts. Attentat contre une épicerie casher en 2012, projets d’attaques contre des militaires et départs en Syrie : vingt hommes, suspectés d’appartenir à la filière jihadiste dite de Cannes-Torcy, sont jugés à partir du jeudi 20 avril devant la cour d’assises spéciale de Paris.
Trois ans avant les attentats de Paris de 2015, et peu après la tuerie du jihadiste toulousain Mohamed Merah, cette cellule avait été décrite par les services antiterroristes comme la plus dangereuse démantelée en France depuis les attaques du GIA algérien dans les années 1990. Une filière qui annonce les mutations du terrorisme français vers le crime de masse au nom d’un jihad inspiré, voire téléguidé, de l’étranger.
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Ces vingt hommes, âgés de 23 à 33 ans, originaires de Torcy (Seine-et-Marne) et de Cannes (Alpes-Maritimes), sont poursuivis devant la cour d’assises spéciale, chargée de juger les crimes terroristes, et uniquement composée de magistrats professionnels : dix sont en détention provisoire, sept sont libres, sous contrôle judiciaire, et trois sont visés par un mandat d’arrêt – l’un est en fuite et deux sont soupçonnées d’être en Syrie.
La plupart d’entre eux encourent entre trente ans de réclusion criminelle et la perpétuité.
Jérémie Louis-Sidney, »Chef de meute »
Ils sont amis d’enfance ou ont fréquenté les mêmes mosquées, fédérés autour de Jérémie Louis-Sidney, un délinquant aussi charismatique que « fanatique » selon ses proches, et qui sera abattu lors de son interpellation le 6 octobre 2012. Selon sa mère, il s’était radicalisé en prison, en 2008.
« Un chef de meute » : c’est ainsi que le décrit l’un des membres du groupe. Ceux-ci le voient comme un « meneur », l' »émir » que « tout le monde écoutait », qui rapportait vidéos et littérature de propagande islamiste. Il avait « la haine des juifs », « pensait que le combat de Mohamed Merah était légitime ». Le délinquant, qui avait envisagé de tuer tous les buralistes qui vendaient Charlie Hebdo, a fomenté et participé à l’attentat contre l’épicerie casher de Sarcelles le 19 septembre 2012.
« Haine des juifs »
Ce sera le seul fait d’armes abouti du groupe, nourri par la « haine des juifs », que, selon ses proches, Louis-Sidney avait chevillée au corps. Ce jour-là, à Sarcelles, deux hommes, capuches sur la tête, entrent dans l’épicerie casher Naouri et jettent une grenade. L’engin roule sous un chariot métallique, ne blessant miraculeusement qu’un client.
L’enquête est rapide. Le 6 octobre 2012, un premier coup de filet est lancé pour arrêter une vingtaine de membres présumés du groupe simultanément à Torcy, dans l’agglomération cannoise et à Strasbourg où Jérémie Louis-Sidney, en visite chez sa compagne, est tué en résistant aux policiers.
Les enquêteurs, qui ont saisi armes, testaments religieux et listes de cibles potentielles, sont convaincus d’avoir démantelé une cellule en plein essor.
Les membres du groupe ont souvent connu radicalisation rapide, favorisée par un séjour dans le sud « entre frères », durant l’été 2012. Au programme de ce « séjour fondateur » où les Franciliens rejoignent les Cannois en camping-car : prières « entre frères » et préparation d’attentats.
Procès fleuve
Certains « Cannois » du groupe, dont le Tunisien Maher Oujani, sont arrêtés début juin 2013, alors qu’ils envisagent une attaque imminente contre une caserne près de Draguignan (Var), tandis que d’autres, de retour de Syrie en 2014, comme Ibrahim Boudina, sont soupçonnés d’avoir voulu commettre un attentat de masse sur la Côte d’Azur.
Certains des « Syriens » ayant rejoint les rangs du groupe État islamique, comme Rachid Riahi, sont toujours recherchés.
Cinquante-trois jours d’audience sont prévus pour comprendre la genèse et le fonctionnement de ce groupe, dont certains membres se préparaient à des actions ciblées en France, mais aussi au jihad en Syrie.
Un procès fleuve – 85 tomes de procédure, 80 témoins et 14 experts –, le premier d’une longue série avant celui du frère de Mohamed Merah à l’automne et, plus tard, ceux des filières franco-belges des attentats de 2015.
Avec AFP