« L’être humain est une réalité complexe qui inscrit dans son environnement une nécessaire diversité. « , Yves Bonnefoy, Artiste, Critique, écrivain, Poète, Traducteur (1923 – 2016)
Qu`est-il arrivé à mon peuple ? Où sont passées nos valeurs cardinales de tolérance et d`acceptation de l`autre ? Ces valeurs aux miroirs desquels on peut contempler celles qui fondent toutes les communautés sénégalaises confondues cimentent, à n`en pas douter, notre commune volonté de vivre ensemble.
Apologie du crime, apologie de la haine de l`autre, les graines de la désunion font flores et étalent insidieusement leurs tentacules au pays de Senghor, réputé pourtant, pour son ouverture qui lui a valu l`appellation affectueuse de « pays de la Teranga« .
Ici et là, la liberté d`expression est mise à rude épreuve. Torpillée, utilisée à tort et à travers, on en use et en abuse au gré de ses envies, peu importe les conséquences. Des individus sans tenue, ni retenue, tels des serpents venimeux, par la magie d`internet, crachent des propos dont la décence interdit de les restituer dans leur nudité. Des récits de la presse, des commentaires sur les réseaux sociaux et des vidéos font état de déclarations incendiaires empreintes d`ethnicisme, qui glaceraient le sang même des plus insensibles, au grand bonheur des amoureux du sensationnel.
Pourtant, il n`échappe à personne, qu`hier comme aujourd’hui, et toujours dans l`optique d`un monde de plus en plus en trouble, l`un des défis phares qui interpellent toutes les nations désireuses de vivre en paix, est de combattre toute forme de repli identitaire. Cette conception réductrice fondée sur la vision du monde à travers le prisme de sa seule identité et sur la négation de l`autre, porte en elle les germes du chaos.
Le constat est clair et sans équivoque. Toutes les nations qui se sont essayées à ce jeu dangereux de l`ethnocentrisme, ont réveillé en leur sein, les démons de la division, le revers symétrique de la violence et de l`instabilité. Nos frères ivoiriens gardent encore le souvenir douloureux de la notion d’ivoirité, synonyme de sectarisme étroit et l`expression d`une xénophobie inquiétante, qui a plongé leur pays dans une division sans précèdent.
Le cas du Rwanda est aussi là pour démontrer les conséquences fâcheuses d`une vision sectaire. En effet, entre avril et juillet 1994, quelque 800 000 hommes, femmes et enfants, principalement Tutsis, ont été massacrés au Rwanda en raison de l’accumulation de haines entre les castes Hutu et Tutsie. La liste est loin d`être exhaustive et on pourrait continuer à citer encore et encore…
Sans jouer au catastrophisme, ni encore moins aux oiseaux de mauvais augure, osons le dire clairement : nous ne sommes pas à l`abri de ce qui arrive aux autres si nous empruntons l`itinéraire qui a conduit à leur décadence. Si nous ne cherchons pas à consolider l`exception sénégalaise qui est loin d`être un acquis, notre issue ne sera pas des meilleures.
Que les zélateurs d`un Sénégal divisé soient alors, sans état d`âme, mis hors d`état de nuire. Il y va de la survie de notre nation, fondée sur une volonté de vie commune, une cohésion qui transcende les appartenances religieuses, ethniques, confrériques et que sais-je encore…
A l`heure où le monde marche au rythme des grands ensembles, la vie en autarcie a fini de montrer ses limites. L`histoire a démontré, à juste raison, que les flammes de la désunion s`éteignent difficilement et emportent tout sur leur passage. “Autant l’union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite” aurait dit l`autre. Alors, vivement un Sénégal multiculturel où il fait bon vivre !
Abdoulaye FALL, doctorant en Droit à l`UCAD
abdoulaye91@hotmail.fr