L’élimination du Pr Abdoulaye Bathily de la course à la présidence de l’union africaine dès le premier tour, est une humiliation faite à la diplomatie sénégalaise. Ce n’est pas que le candidat du Sénégal soit ridicule dans sa valeur intrinsèque. Certes, l’homme a des atouts certains, mais sa candidature est en elle-même ridicule et ce, pour plusieurs raisons.
La première raison est que le Sénégal avait d’autres candidats plus séduisants sur le plan diplomatique : Cheikh Tidiane Gadio présente un profil beaucoup plus commode à vendre en Afrique que celui de Bathily. Car, en plus d’avoir été brillant ministre des Affaires étrangères, il dispose de réseaux de relation et d’un carnet d’adresse d’une fécondité avérée. Mais comme il n’est pas dans les bonnes grâces du régime et que celui-ci est dans la logique du partage du gâteau, on n’a nullement songé à lui, ni même à l’exploitation de son background diplomatique au profit du candidat choisi. A défaut d’être candidat, Gadio aurait pu être le directeur de campagne de Bathily. Mais comme ce dernier est l’un des rares membres de la coalition BBY à n’avoir pas encore été casé, il fallait lui trouver une planque dorée.
La deuxième raison est qu’une diplomatie conquérante et performante ne se fait pas dans les télés et radios, encore moins dans les estrades des forums et séminaires. On a davantage fait du bruit et du spectacle dans la campagne du Pr Bathily que de s’employer à définir une ligne diplomatique cohérente, discrète et fondée sur des principes tactiques quasi militaires. Les couloirs des ces grandes rencontres internationales sont de véritables lignes de front diplomatique : rien qu’un protocole hasardeux suffit à démolir les bases d’une stratégie diplomatique. Malheureusement, nous sommes tellement versés dans le folklore qu’il nous arrive souvent, de prendre le contingent pour l’essentiel : comment peut-on s’engager dans une bataille diplomatique et exhiber de façon si ostentatoire ses armes et sa stratégie ? En faisant accompagner le Pr Bathily par des personnes plus portées vers le spectacle et le sensationnel que dans la lecture prudente et sage des dédales complexes de la diplomatie en Afrique, on a bousillé les chances du Sénégal.
La troisième raison qui pourrait expliquer cette contreperformance diplomatique du Sénégal, nous semble être liée à un vice bien Sénégalais : les quelques embellis diplomatiques (liés d’ailleurs à diverses contingences) qu’on a engrangé ces derniers mois, nous ont amenés à dormir sur nos lauriers. L’autoglorification insouciante dont les autorités ont fait montre ces derniers mois ne s’accommode pas avec une gestion tempérante de la géopolitique régionale et sous-régionale. C’est à se demander si les autorités sénégalaises n’ont pas confondu, dans cette campagne, diplomatie et communication : elles ont tellement misé sur la communication (comme à leur habitude d’ailleurs, c’est même un trait génétique du régime) qu’elles sont restées aveugles et sourdes à toutes les initiatives souterraines menées par les autres pays. La candeur diplomatique du régime de Macky Sall est absolument scandaleuse et la gestion des crises Burkunabé et gambienne en est, une illustration.
Alassane K. KITANE, professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès, Sécrétaire général du Mouvement citoyen LABEL/Sénégal