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Contribution

Lettre ouverte à un Président du G8 en visite officielle au Sénégal

En ce début de février 2018, le Président Français visite notre pays qui a écrit avec le sien de nombreuses et longues pages d’histoire jalonnées de péripéties qui vont de l’esclavage à la colonisation et à la coopération dans le cadre de l’interdépendance et le respect mutuel.

Sans m’attarder davantage sur une histoire passionnante qui a fait l’objet de récits et d’analyses inépuisables, je voudrais, m’appesantir sur l’idée entretenue par les autorités municipales de Saint-Louis qui, en s’inspirant du précédent de la résidence présidentielle de Popenguine, songeraient à commettre une entreprise française pour construire un mur de protection des quartiers de la langue de barbarie à Guet Ndar et Goxu Baacc souvent inondés par l’agression de la mer.

Mon expérience sur cette question et mes nombreux entretiens avec des ingénieurs et techniciens, et avec mes collègues Chefs d’États au cours de nombreux sommets mondiaux, du G8 que j’ai eu à interpeller et entretenir de la poignante question des côtes du Sénégal et de mon expérience sur deux kilomètres de la côte de la Résidence présidentielle de Popenguine,  m’autorisent à faire part à l’opinion de mes réflexions et inquiétudes de la perspective de voir engager une opération d’édification de mur le long de la Côte atlantique, sans études scientifiques sérieuses préalables.

La résidence présidentielle de Popenguine, comme toute la côte sénégalaise a, de tout temps, été agressée par les vagues de l’océan, provoquant, ici et là, des effondrements de la côte et des invasions marines bien au-delà des limites de la haute mer.

Après m’en être ouvert à d’autres au cours de nombreux forums dans le monde, notamment pendant les sommets du G8 auxquels j’ai représenté le Sénégal, plus particulièrement celui de Kananaskis, Canada, en 2002, j’ai procédé à une expérience volontairement limitée sur 2 kilomètres de la façade atlantique de la Résidence de Popenguine, en attendant les études scientifiques que j’ai toujours réclamées des autorités africaines, françaises, européennes et américaines.

Je pense en effet que nul ne devrait prendre la responsabilité d’engager des travaux d’envergure sur les côtes de l’Atlantique, sans consultations avec les riverains, pour des raisons de mécanique et de dynamique des sables déplacées par les vagues qui sont parfois d’une ampleur et d’une vigueur exceptionnelles.

Pour construire, à titre expérimental, un mur de protection, j’ai eu d’abord recours à une petite entreprise française qui édifia un mur en béton armé de 40 centimètres de large et 2 km de long sur la côte, reposant sur le premier sol imperméable en profondeur, à plusieurs dizaines de mètres, 38 mères sauf erreur, la profondeur de la roche imperméable variant d’un endroit à l’autre.

L’entreprise, en raison de sa taille modeste, n’ayant pas pu achever la tâche, s’est retirée volontairement après avoir perçu la rémunération du travail déjà effectué et, j’ai dû faire appel, pour l’achèvement, à l’entreprise franco-sénégalaise Lefèvre-Bara Tall.

J’ai, par la suite, appelé en consultation, pour examiner la solidité du mur, l’entreprise marocaine, la SOMAGEL qui est connue, surtout, pour avoir travaillé sur l’extension en mer de la ville de Casablanca

Elle conclut que le travail était très bien fait mais qu’il fallait seulement, à intervalles réguliers, pratiquer des trous dans le mur, tous les 8 mètres, si je ne m’abuse, pour permettre à l’eau de mer de passer aisément d’un côté et de l’autre, dans un mouvement variable selon la hauteur et la force des vagues mais qui, finalement, devait assurer la stabilisation du mur par le jeu des phénomènes de compensation des forces et de vases communicants. Ces conseils ont été appliqués. A la suite de quoi, les ingénieurs de la SOMAGEL estimèrent que le mur pourrait tenir plus de 100 ans. Mais cent ans, c’est une durée dérisoire dans une perspective historique !

J’ai baptisé cet ouvrage ‘’Le Mur de l’Atlantique’’, vocabulaire emprunté à la guerre 39-45, et j’ai exposé ce projet à travers le monde, mais avec toutes les précautions d’usage, comme exemple du possible dans la lutte contre l’érosion marine. [1]

Nous ne sommes pas allés plus loin que 2 kilomètres, par simple prudence, et non pas parce nous n’en avions pas les moyens, puisque les dépenses étaient imputables au budget national.

On connait la loi de la réflexion souvent évoquée en optique ou en mécanique : un obstacle qui arrête des forces en mouvement, en l’espèce, celles des vagues, ne les annule pas mais les les réfléchit -les dévie- selon un angle déterminé par la trajectoire, la nature des matériaux traversés, ceux du mur et bien d’autres facteurs très complexes de la mécanique rationnelle et de la mécanique des fluides. [2]

Les vagues ainsi déviées alimentées par l’énergie qui les soutient, peuvent s’orienter vers d’autres côtes et amplifier les mouvements d’agression côtiers avec des conséquences imprévisibles de la dynamique des sables des profondeurs de la mer.

Voilà pourquoi j’ai limité l’expérience de Popenguine et demandé dans plusieurs forums, notamment au Sommet du G8 de Kananaskis, la mise en place d’une commission scientifique tripartite comprenant l’Afrique, la France et l’Europe ainsi que les États-Unis.

Je me fais le devoir de conseiller que tous les projets de murs de grande dimension sur une côte africaine de l’Atlantique soient soumis à l’appréciation préalable, par une commission scientifique tripartite, de toutes les répercussions possibles des agressions des assauts de l’océan sur tout le reste des côtes atlantiques.

J’attends encore et l’Afrique attend la constitution de cette commission dans laquelle le Sénégal ne sera que la côte-ouest du continent africain, ce qui légitime la présence de l’Union Africaine dans cette commission, à côté de la France et l’Europe et des États-Unis.

Le lecteur trouvera en annexe quelques-unes de mes interventions au cours de différentes rencontres dans le monde.

Ce que nous croyons pouvoir demander à l’un des Présidents du G8 qui se trouve sur notre sol en ce début de février 2018, c’est de promouvoir la réunion de cette commission scientifique mondiale tripartite qui serait chargée, d’une part de donner, préalablement, un avis éclairé sur toute entreprise d’édification d’un mur d’envergure sur la côte atlantique et, d’autre part, prescrire les mesures et les moyens de protection de nos côtes,  pour éviter que des initiatives improvisées, non suffisamment réfléchies ou incoordonnées, ou simplement la fonte des neiges, n’entrainent l’irréparable sur d’autres côtes de notre continent, voire sur les autres continents qui partagent l’Atlantique.

Maître Abdoulaye Wade

Ancien Président

 de la République Sénégal

ANNEXE 1

Contre l’érosion côtière en Afrique : Le ‘Mur de l’Atlantique’ de Wade érigé à l’Onu

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Pour protéger l’Afrique, de Casablanca au Golfe de Guinée, de l’érosion côtière, le ‘Mur de l’Atlantique’ s’avère indispensable selon son architecte, Me Wade. Le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Madické Niang, a présenté le projet à la 65e Assemblée générale de l’Onu.

En marge de la plénière sur les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd) et du débat général de la 65e Assemblée générale des Nations unies, clôturée mercredi, le ministre des Affaires étrangères, Madické Niang, a, notamment, pris part à la réunion convoquée à l’initiative du Maroc regroupant les pays africains riverains de l’Atlantique. ‘Cette rencontre qui fait suite aux réunions de Dakar et de Rabat a été l’occasion d’identifier des axes prioritaires de coopération entre les pays africains de l’Atlantique et d’explorer les voies de les intensifier’, informe un communiqué du ministère des Affaires étrangères reçu, hier, jeudi 30 septembre.

Les discussions, précise la même source, ont porté sur la sécurité maritime, la lutte contre le trafic illicite, la délimitation du plateau continental, la gestion et la protection des ressources naturelles, la délimitation des frontières. Lors de son intervention, Madické Niang ‘a insisté sur la nécessité d’harmoniser les législations nationales afin d’assurer une meilleure exploitation et une protection des ressources halieutiques’. Le communiqué des Affaires étrangères d’ajouter que le chef de la diplomatie sénégalaise ‘a présenté aux participants le projet du chef de l’Etat (Wade) dénommé ‘Mur de l’Atlantique’, destiné à enrayer l’érosion côtière’.

Coordonnateur du volet ‘Environnement’ du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), Me Wade a lancé l’idée d’ériger une ‘Grande muraille verte’ longue de 7 000 Km et large de 15 Km, de Dakar à Djibouti…Et un ‘’Mur de l’Atlantique’’, ‘bouclier’ qui, espère le chef de l’État, protégera l’Afrique, ‘’depuis Casablanca jusque dans le Golfe de Guinée’’, contre l’érosion côtière.
………………..

Abdoulaye SIDY

Source Walfadjri

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https://www.xibar.net/Contre-l-erosion-cotiere-en-Afrique-Le-Mur-de-l-Atlantique-de-Wade-erige-a-l-Onu_a27680.html

ANNEXE 2                                                                           Wade pour une stratégie africaine contre l’érosion côtière

Dakar- Sénégal (PANA) — Le chef de l’État sénégalais Abdoulaye Wade a appelé ce lundi à Dakar les États africains à élaborer une stratégie continentale de lutte contre l’érosion côtière, l’infiltration et la salinisation du plateau continental par les eaux marines.

« Les bricolages que nous faisons aujourd’hui n’arrêteront pas l’érosion par la mer de la côte africaine », a dénoncé le président sénégalais, à l’ouverture de la Conférence africaine sur la lutte contre l’érosion côtière.

Cette rencontre se tient lundi et mardi dans la capitale sénégalaise.

« Nous devons élaborer une stratégie africaine de lutte contre l’érosion côtière, revoir les principaux programmes régionaux, faire l’évaluation des besoins techniques et financiers, échanger d’expériences », a préconisé le chef de l’État sénégalais pour qui, « il existe une pléthore d’organismes qui affirment lutter contre l’érosion, alors que rien de concret ne se fait dans le continent ».
« Je veux bien voir en Afrique où on a réussi à stopper l’érosion côtière.

On ne voit rien en pratique », a-t-il déploré.

Le président Wade a également déploré en tant que responsable du volet environnement du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) que rien de concret n’ait été réalisé jusqu’à ce jour dans le cadre de ce programme.

« Cela fait neuf ans que je suis chargé du volet environnement, mais je ne trouve que de la littérature.

Tout au plus quelques dessins.

Rien de concret », a-t-il déploré.

Le chef de l’État sénégalais a d’ailleurs demandé que le secrétariat du NEPAD « totalement oublié sans moyens » soit renvoyé au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba (Éthiopie), « car le Sénégal n’a pas les moyens de financer un organisme continental ».

« A défaut, il faut le transférer au Nigeria qui a les moyens de le financer », a-t-il estimé.
Selon un document du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), les 40.
000 km de côtes africaines sont menacés par l’érosion côtière du fait de l’avancée de la mer, mais aussi du développement des zones d’habitations, l’extraction du sable, de gravier et de calcaires au niveau des estuaires, des plages ou des plateaux continentaux proches des côtes.

18 Mai 2009 21:54:00

http://www.panapress.com/Wade-pour-une-strategie-africaine-contre-l-erosion-cotiere–13-664002-17-lang4-index.html

[1] Citons Jeune Afrique : http://www.jeuneafrique.com/mag/423944/politique/senegal-bienvenue-residence-dete-chefs-detat/

« Abdoulaye Wade…se lança quant à lui, dans de vastes travaux. Il fit ériger un mur de soutènement le long de la plage et de la côte environnante pour la protéger contre les flots menaçants de l’océan. »

« Il se passionnait pour la lutte contre l’érosion côtière, qui est un enjeu environnemental important au Sénégal, confie l’un de ses proches. Il a beaucoup réfléchi à cette question, et Popenguine fut pour lui un terrain d’expérimentation. »

[2] Je suis ancien de Math. Sup, Math Spé au Lycée Condorcet de Paris et, entre autres, titulaire du Diplôme d’Études Supérieures de Mathématiques, Physique et Chimie, MPC, Université de Besançon, Faculté des Sciences, 1958

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