«La Démocratie ne va pas de soi. Il faut se battre pour elle chaque jour, sinon nous risquons de la perdre. La seule arme dont nous disposions est la loi » (Paul Auster)
Comme par résignation, la majorité du peuple semble accepter, sans (réellement) accepter le nouveau statut de MackySall, octroyé par DembaKandji. Pourtant, tous les observateurs avertis avaient plus, ou moins prédit pareil scénario, à savoir quel que soit le résultat des élections, il allait se déclarer vainqueur, par le truchement de DembaKandji. Victoire ensuite enrobée de légalité, par sa validation, ou confirmation par les membres du Conseil constitutionnel. Parce que, sauf à être vraiment naïf, avec entre autres, des faits de clientélisme, de corruption, de gabegie, d’affairisme, ou de népotisme de ses années de mandature, il eut été très risqué, qu’il se positionne en gentleman démocrate. Pour accepter une quelconque défaite, ou accepter d’aller au second tour, pour se faire battre, et avoir à répondre de ses actes (partie remise diront certains ???).
Les acquis démocratiques, moraux et sociaux du pays ont été intentionnellement bafoués, depuis très longtemps par MackySall. Sans avoir à remonter très loin, ou à faire un inventaire de ses manquements dans ce domaine, nous pouvons relever, les méthodes employées pour se faire réélire sont antidémocratiques, illégitimes et condamnables, parce que entachées de toute forme d’irrégularité, et d’illégalité.
N’empêche, les légalistes, et démocrates que nous sommes, admettons malgré nous, si l’élection est illégitime sur un plan moral et éthique (de la morale et de l’éthique en politique ???), pour autant, elle n’en demeure pas moins « légale ». Car en le reconnaissant vainqueur dès le premier tour des élections, DembaKandji légitime de facto, les artifices lui ayant permis d’arriver à ses fins, et sans surprise, le Conseil constitutionnel va abonder dans son sens.
Sans nous engager, pour le moment dans une analyse de fond de la nature, ou du déroulement de l’élection présidentielle de 2019. Il est permis d’avancer sans risque d’être contredit, l’opposition républicaine, et démocratique s’est trompée d’adversaire politique en allant aux élections. Nous ne voulons aucunement dire, qu’il ne fallait pas y participer, puisque nous avons défendu, et prôné cela. Par contre, de ce que nous avons pu constater, à notre avis, MackySall n’est ni républicain, ni démocrate et pour causes.
Un républicain ne peut, et ne doit sacrifier l’intérêt général de sa population, à son seul profit, en prenant savamment le risque de l’exposer, de remettre en cause leur stabilité, et leur cohésion sociale. Mais encore, en confisquant le pouvoir de cette façon, dans notre entendement MackySall ne peut être considéré comme tel. Étant donné que, l’exercice de son nouveau mandat, né des élections qui viennent de se dérouler, ne découle pas d’une volonté du peuple, mais de la complicité, et de la soumission d’un homme (DembaKandji).
Selon le Larousse un démocrate est celui « qui est politiquement et socialement du côté du peuple ». De la manière dont les élections se sont déroulées, MackySall est aux antipodes de cette définition, d’autant qu’un démocrate respecte les règles établies dans un état de droit, et qu’il ne peut aucunement se permettre :
– de confisquer des millions de cartes de lecteurs, empêchant à leurs potentiels propriétaires, d’exercer leurs droits et devoirs civiques ;
– d’augmenter très artificielle le volume des électeurs dans une ville, avec transfert, ou retrait d’électeurs des listes électorales ;
– d’attribuer précocement la majorité à des gamins pour leur permettre voter ;
– de déplacer des électeurs à leur insu, les privant de toute possibilité d’exprimer leur vote ;
– d’attribuer la nationalité sénégalaise à des étrangers sans respecter les procédures établies…
Nous pouvons constater, depuis la validation de son holdup, nous sommes entrés dans l’ère de la dictature sournoise. Ainsi, pour seulement asseoir sa légitimité non obtenue par les urnes, mais conférée par DembaKandji. Pour arriver à ses fins, il cherche actuellement à faire accepter à l’opposition politique son nouveau statut, d’où les rafles, intimidations, menaces, pressions, arrestations arbitraires, emprisonnements, puis après des décisions de justices dictées. Cependant, par ses incessantes provocations, il préjudicie dangereusement aux droits des citoyens, ce qui risque fatalement d’inscrire le pays dans une situation compulsive, et de surcroît convulsive dont il est/sera seul comptable.
Que l’opposition garde à l’esprit, si aucun remède n’est trouvé pour circonscrire au maximum la triche de MackySall, nous nous retrouverons mécaniquement dans une reproduction identique (reproduction est employée ici, au sens de Pierre Bourdieu). C’est pourquoi, il leur est vivement conseillé, au-delà de réfléchir à leurs offres politiques, sans tarder de commencer à travailler sur des palliatifs pour contrer efficacement MackySall. Faute de quoi, en 2024, ou en 2029, ou même en 2034, les résultats des élections diffèreront de peu à celles du 24 février 2019. Et, sauf à se réfugier derrière un déni de réalité, ou de croire à un quelconque miracle, cette donne est à prendre sérieusement en compte, par tout opposant politique.
Selon nous, les solutions pour contrer MackySall ne peuvent être trouvées que par la conjonction, ou par la mutualisation des expériences tirées des élections présidentielles de 2019. Elles ne pourront découler, que d’une analyse fine, et sans concession de l’ensemble des causes qui ont pu concourir à la défaite de l’opposition, ou du passage en force de MackySall. A titre d’exemple les magistrats ne peuvent être du côté de la loi, ou du peuple, que s’ils sont rassurés, et assurés de la garantie de leur droit par l’État, ou de leur protection contre l’arbitraire, ou de toute forme de sanction non fondée.
Aussi, de notre point de vue, l’opposition devrait se rappeler, une posture pacifiste n’interdit aucunement, un peu de virulente dans le verbe, comme par ailleurs le fit MackySall en son temps face au président Abdoulaye Wade. Car, il n’est point incitation à la violence, ou un appel à l’insurrection, d’user d’éléments de langage, pour montrer sa détermination, ou sa volonté de combattre pour que son droit soit reconnu, et respecté.
Point n’est dans notre esprit de cautionner une quelconque forme de violence, cependant, toute forme de refus de résister, pour faire reconnaître ses droits ne peut aucunement recevoir notre aval. Car pour nous, l’engagement politique n’est pas de croire à la fatalité (ndogale), pour abdiquer si facilement. Faut-il le rappeler, lorsque nous avons comme adversaire MackySall, nombreux seront les politiques, qui ne lui raviront de sitôt son statut, en ne haussant pas le ton. Et d’ailleurs, comme nous le pensons, dans un mois au plus, les conditions de l’élection de MackySall appartiendront au passé, par notre passivité, autrement par notre complicité. Car, c’est un euphémisme de dire MackySall cherche à confisquer la démocratie, en l’absence de réaction forte du peuple pour lui signifier son refus.Nous ne tenons pas, comme nous ne voulons pas faire la révolution à distance, surtout avec le sang des autres, toutefois seule la lutte libère les opprimés, les dominés, et les asservis. Lorsque l’exercice d’un droit ne dépend que du bon vouloir de quelqu’un, la liberté devient conditionnée, d’où point de liberté. Dans cette acception de la notion de liberté, comme Alexis de Tocqueville, nous croyons fermement « qu’il y a des résistances honnêtes et des rébellions légitimes ».Pour conclure nous disons, présentement, pour ne citer que les peuples du Venezuela, de l’Algérie, ou de la France, certes à des niveaux, ou degrés différents, refusent, ou luttent ardemment pour leurs droits. Pourtant, les causes de leurs révoltes, si elles ne sont pas totalement similaires, à celles des sénégalais, reposent néanmoins, sur une revendication de démocratie, d’état de droit, de reconnaissance et d’égalité. Pendant, ce même temps, cette élection de MackySall, la plus discutable, et la plus discutée depuis notre accession à l’indépendance, est (presque) acquise, parce que sans doute considérée par certains comme de provenance divine.
Daouda NDIAYE