A la fin des débats le mardi 14 février, le juge avait demandé aux différentes parties de trouver une formule pour les temps de parole durant la plaidoirie. Cette manière de procéder n’a pas, vraisemblablement, plu à Me Koureyssi Bâ. Par conséquent, l’avocat a décidé de bouder sa plaidoirie. En lieu et place, il a servi un sermon au juge. «Je ne suis pas d’accord sur le mode de distribution du temps de parole. Je connais dans ce dossier des choses qui me permettent de parler jusqu’à lundi. Mais, lorsqu’un confrère me dit qu’il doit s’arrêter pour laisser la place aux autres, je ne comprends pas. Moi, ma seule autorité c’est ma conscience. Ma conscience ne me permet pas de me soumettre à cela. On me dit que je dois plaider juste dix minutes. J’ai le droit de plaider jusqu’à atteindre la boîte vocale.»
L’avocat dira par la suite que ce procès lui rappelle «un séisme de magnitude huit sur l’échelle de la comédie judiciaire. Je n’ai pas peur de vous. Je vous respecte. Dans un procès pareil, il faut laisser les avocats plaider. Je défends un ami d’enfance, Makhtar Diop. Concernant Khalifa Sall, c’est Dieu lui-même qui est en train de faire sa publicité. J’en profite pour dire qu’en juin 2011, j’ai écrit une lettre au président d’alors. Vu la dérive, le tripatouillage sur la constitution, je lui avais écrit avant le 23 juin pour lui dire de laisser tomber son projet de loi.»
Me Koureyssi Bâ fait noter que durant les onze dernières années qui suivent l’alternance, le Sénégal a connu plus d’actes liberticides que durant toute son histoire contemporaine. En 2011, dit-il, il (Me Koureyssi Bâ) avait prophétisé que le pays allait connaitre plus de violations de la Constitution que durant les précédentes années. «Cela va dire que dans ce dossier les gens ont tellement creusé qu’ils ont atteint le fond. Ils continuent de creuser. Où va le pays ?», s’interroge-t-il. Avant de poursuivre : «Nous avons des gens qui ont le pouvoir et qui l’exercent comme ils l’entendent. Je suis allé en chine puis à Dubaï pour préparer cette plaidoirie. On me dit que j’ai seulement quelques minutes. Je ne vais pas plaider. » Dans la foulée, l’avocat classe le Sénégal derrière le Mali en termes de respect des droits de la défense. Il en veut pour preuve le fait qu’il ait la possibilité de parler au commandant Sanogo auteur d’un putsch par téléphone. Alors que, fait-il remarquer, Khalifa Sall n’a pas la possibilité de voir ses avocats.
Face à ces récriminations, le juge répond qu’il a été particulièrement touché, connaissant l’engagement de la robe pour les causes nobles. Malick Lamotte se dit même désolé. Tout de même, aucune dérogation ne sera faite à la robe noire. Le président du tribunal fait remarquer qu’ils sont «dans un cadre normal».
Omar Ndiaye (Actusen.com)