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(Reportage) Mets à l’occasion des fêtes de fin d’année : pourquoi, chez les chrétiens, la cote du poulet est plus élevée que celle du cochon

Mois de décembre. Mois d’amour, de mariage et de rétrospection des faits, gestes et actualités qui ont marqué l’année écoulée. Mais aussi, de fêtes de fin d’année qui s’annoncent à pas de géant. Hormis la fête du réveillon du 31 décembre, il y a aussi celle de Noël avec la célébration de la naissance du Christ, le 25 décembre, à minuit. 

Au Sénégal, cette fête de la nativité est presque célébrée par tous. Dès le 24 décembre, des réveillons par familles ou en groupes sont organisés. Le syncrétisme, qui existe entre chrétiens et musulmans, est passé par-là. «Noel, c’est pour tout le monde», s’écrit Jean-Claude, rencontré dans les rues de la capitale. 

Cependant, le hic réside dans le menu du jour. En effet, si dans l’imagerie populaire, chez les chrétiens, la viande de porc et l’alcool accompagnent souvent les 24 et 31 décembre, attention, il peut y avoir erreur. 

Car la présence d’amis musulmans change, souvent, tout.  Au point que, la chair de poulet garde la cote au détriment de la viande de porc. D’autant que chrétiens comme musulmans, tous prennent part au festin. Point de distinction de cultes. REPORTAGE !

Mercredi 14 décembre. Les rues de Dakar sont bondées. Les embouteillages à l’avenue Bourguiba sont monstres. Partout dans la capitale, c’est le même constat.

Néanmoins, Actusen.com, qui a, déjà, la tête à la fête, arpente les rues et ruelles pour tâter le pouls des populations de confession chrétienne sur le menu des fêtes de fin d’année et de Noel. Et avoir une idée de la gymnastique des familles pour partager la joie de cette fête avec des voisins de confession différente.

Dans les quartiers où vit une forte communauté chrétienne, comme à Dieupeul, tout comme aux Parcelles assainies,  les personnes rencontrées par Actusen.com ont donné chacune, en ce qui la concerne, son point de vue sur le sujet.

Dans les jardins publics du quartier de Dieupeul,  Rose Sow semble venir à la rencontre d’une connaissance. Sobrement habillée, elle avait l’air de ne pas habiter le coin. Les sandales et la jupe portés en disent long. D’une beauté rare, teint clair et taille moyenne,  Rose, comme l’appellent les intimes, n’est pas avare en mots. Interpellée sur le sujet, la vingtaine passée est issue d’un couple mixte.

«Mon père est musulman et ma mère, chrétienne. Mais moi, je suis chrétienne», a-telle révélé à Actusen.com, non sans poursuivre : «en temps normal, nous consommons plus de la viande de porc, mais, pour les fêtes, nous cuisinons du poulet, afin de pouvoir partager notre joie avec nos voisins musulmans. Qui passent la journée avec nous», indique-t-elle.

Dans le même coin, Jean Claude Kodio,  la cinquantaine, vêtu d’une chemise carrelée assortie d’un short, est trouvé devant son étal. Il vend des objets de culte.

 «Le poulet est le plus gentil de tous, animaux et volaille. Les enfants en raffolent, les adultes aussi et même les vieilles personnes », dit-il. Donc, « il n’est pas question de préparer autre chose que du poulet pour les fêtes», déclare l’homme, d’origine ghanéenne.

« Le poulet est le plus gentil de tous, animaux et volaille« 

A quelques pas de là, Hortense Dognou. Vendeuse de beignets de son état, elle est originaire du Togo. Assise devant son étal et rangeant des sachets de croquettes, sous un arbre qui longe le mur de la paroisse des Martyrs de l’Ouganda, la dame est sanglée dans un body de couleur rose assortie d’une
longue jupe noire.

La trentaine, elle confie : «je passe les fêtes, dans ma paroisse à Sacré-Cœur, avec ma famille. Chaque année, nous organisons des repas communs, composés de plats de chez nous, à base de maïs comme le dokunou, agban, akassa et ablo».

En effet, en nombre limité, Hortense Dognou indique que la communauté protestante a l’habitude de passer les fêtes chrétiennes en groupe pour marquer la solidarité et la générosité de tous et de chacun.

Barthélemy Sagna : « Mes deux sœurs ont des époux musulmans. Et pour faciliter la tâche à  celle qui cuisine, on prépare du poulet et/ou de la viande de bœufs, au lieu du porc »

A l’autre angle, Barthélémy Sagna, vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon jean de couleur bleu-claire, se prélasse, allégrement, sur sa une chaise. Des lunettes de soleil sur le bout du nez et des journaux à la main, il profite de la brise du matin. Par moments, il répond aux salutations des passants. Comme ce fut le cas lorsque qu’une dame d’un âge mûr l’interpella. «ça va. Comment vous allez», a-t-il dit, en d’autres termes, en Ouolof.

 «Mes deux sœurs ont des époux musulmans. Et pour faciliter la tâche à  celle qui cuisine, on prépare du poulet et/ou de la viande de bœufs, au lieu du porc. On est obligés parce qu’on ne peut pas servir à un musulman de la viande de porc qu’il n’est pas autorisé à consommer», déclare Barthélémy Sagne.

En revanche, Jeanne Simon, trouvée dans l’enceinte de l’église, préfère acheter de la viande de porc et du poulet de chair pour satisfaire tout le monde.

«Je prépare du poulet pour mes voisins et amis et du porc pour les parents,  parce que je reçois beaucoup d’invités pendant les fêtes. Il est nécessaire de le faire, parce qu’on vit en parfaite harmonie. Lors des fêtes musulmanes, je reçois beaucoup de viande et de plats de leur part. Donc, il faut rendre la
pièce de la monnaie
», soutient-elle.

Devant la salle de formation des jeunes qui se trouve en face de la cour de l’église des Martyrs de l’Ouganda, nous retrouvons Abbé Henry Sambou. Tenant un ordinateur portable dans ses bras, l’homme de Dieu, teint noir, la trentaine, renseigne : «pour nous, les prêtres, nous fêtons entre nous, après le renouvellement des vœux qui se fait deux fois par an, pendant la fête de Noël et la fête de pâques,
après la messe solennelle».

Abbé Henry Sambou : « il peut y avoir trois plats de résistance au choix »

Moulé dans un Lacoste blanc assorti d’un super cent, il poursuit : «même si on est souvent invités par les paroissiens qui organisent des réveillons, nous restons ensemble, entre prêtres, car c’est un moment de retrouvailles. Nous consommons tout, c’est  un repas de fête et c’est aussi le jour où on ne se permet pas de faire des dérives, mais de manger plus ou moins quelque chose de normal« .

Selon Abbé Henry Sambou, « il peut y avoir trois plats de résistance au choix. Il s’y ajoute des glaces, des gâteaux et de la boisson. Avant le repas, on se permet de se donner un apéritif ; donc, c’est un repas pas comme les autres».
Après le quartier de Dieupeul, Actusen.com fait cap sur la banlieue dakaroise, plus précisément, aux Parcelles assainies.

A l’Unité 26, non loin du rond-point éponyme, Arquetta Oupa Mendy, âgé d’une cinquantaine d’années, sort d’une boutique. «Je n’ai pas beaucoup de connaissance dans le coin. J’habite ici avec ma vieille tante et ma petite fille. Je ne m’occupe pas du reste. Je prépare de la viande de porc», raconte la dame, habillée en pagne tissé et en T-shirt de couleur bleue Bic.

Adeline Adama Diédhiou, convertie au christianisme : « à chaque fête chrétienne, je prépare de la viande de porc ; pour le réveillon et le jour de la fête, c’est le poulet »

Dans la même ruelle, la tenue d’une dame attire notre attention. Toute de blanc vêtue, Adeline Adama Diédhiou est veuve, depuis huit mois. Ses habits d’une clarté candide, des boucles d’oreille de couleur noire et des sandales de même couleur, signe de son veuvage, la distinguent des autres femmes rencontrées. Mais Adeline a son histoire, une particularité très particulière.

Jumelle de naissance, elle se convertit au christianisme, avant d’épouser un homme de cette confession. Qui, quelque temps après, mourut. «Je suis musulmane de naissance et mon mari était chrétien. Je me suis convertie au christianisme, il y a quelques années. A chaque fête chrétienne, je prépare de la viande de porc pour le réveillon et le jour de la fête, ce sont les membres de ma famille ou ma jumelle qui est (toujours) musulmane qui m’aident dans la cuisine. Donc, nous cuisinons du poulet», renseigne-t-elle.

Cependant, les situations diffèrent les unes des autres. En dépit du dialogue inter-religieux et des relations de bon voisinage. Véronique Basse en rapporte la preuve. Collégienne aux Cours secondaires des Parcelles assainies, son teint marron attire et fascine.

Emmitouflée dans son uniforme bleue claire, son sac à dos bien en place, l’adolescente, qui sort de sa classe vers 10 heures, qualifie sa maman de très libérale et se concerte avec les enfants sur le menu de telle ou telle autre fête.

«Ma maman nous demande de choisir entre laquelle des deux fêtes on va inviter nos amis, pour qu’elle puisse préparer le menu approprié. Avec nos invités, on prépare du poulet accompagné de crudités, de la salade. Après le repas, on prend de la salade de fruits, du jus de bissap ou de fruits», fait-elle savoir.

Pour les fêtes de fin d’années, il est difficile pour les familles chrétiennes, notamment à Dakar, d’avoir un menu approprié. Les relations et l’amitié, qui existent entre les voisins de confessions différentes, font que les plats servis sont, souvent, au goût de tous. Qu’on soit chrétien ou musulman. Le temps d’une journée.
Anna Alberta MENDEZ, Stagiaire(Actusen.com)

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