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Mort de Khashoggi: Trump durcit le ton, Erdogan promet «toute la vérité»

Le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir a affirmé ce dimanche « ne pas savoir où se trouve le corps » du journaliste Jamal Khashoggi. Donald Trump a exprimé pour la première fois sa frustration, évoquant des « tromperies et des mensonges ». Et le président turc Recep Tayyip Erdogan a lui promis de révéler prochainement « toute la vérité » sur cette affaire.

Avec notre correspondant à New York,  Grégoire Pourtier

« Leurs histoires partent dans tous les sens », a estimé Donald Trump samedi soir dans une interview téléphonique avec le Washington Post au sujet des explications fournies depuis quinze jours par l’Arabie saoudite, suite à la disparition de Jamal Khashoggi.

Vendredi, le président américain avait d’abord jugé « crédible » le scénario présenté peu avant par Riyad, mais après tant de « tromperies et de mensonges », selon ses propres mots, pourquoi finalement croire cette dernière version ?

Trump dit qu’il n’a pas d’information particulière sur la responsabilité de Mohammed ben Salman, mais il le reconnaît sans scrupule, il « aimerait » que le jeune prince héritier ne soit pas impliqué.

MBS est en effet au coeur de la stratégie américaine au Moyen-Orient, il est proche d’un autre trentenaire, Jared Kushner, gendre du président en charge de l’épineux dossier régional.

Alors comment s’en sortir ? Il n’est pas possible pour Trump de se passer de l’Arabie saoudite. Mais manquer de fermeté serait un aveu de faiblesse, qui fragiliserait toute sa diplomatie et serait dénoncé par des élus du Congrès. Donald Trump va donc devoir faire preuve de doigté. La preuve, il a choisi de s’exprimer dans le Washington Post, qu’il déteste, mais pour lequel Jamal Khashoggi était un contributeur régulier.


► Erdogan monte au créneau en entretenant le suspense

Avec notre correspondante à Istanbul Anne Andlauer

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a promis dimanche de révéler « toute la vérité » sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, précisant qu’il ferait une nouvelle déclaration à ce sujet mardi prochain.

Recep Tayyip Erdogan s’exprimera mardi pour la première fois depuis que l’Arabie saoudite a reconnu la mort de Jamal Khashoggi en défendant la thèse d’une bagarre au consulat d’Istanbul qui aurait mal tourné. Le chef de l’Etat a promis « des détails », évoquant notamment l’équipe de quinze Saoudiens que les autorités turques soupçonnent d’être venus spécialement de Riyad pour assassiner le journaliste :

« Nous cherchons la justice, et la vérité nue sera révélée. Pourquoi ces quinze hommes sont-ils arrivés ici ? Pourquoi dix-huit personnes ont-elles été arrêtées ? » a déclaré le président turc.

Que va dire Recep Tayyip Erdogan ? Va-t-il charger Riyad, qu’il s’est efforcé jusqu’ici de ménager dans ses rares déclarations sur l’affaire ? Ou va-t-il, sans forcément accréditer la version saoudienne des faits, épargner le régime ? La question est d’autant plus importante que depuis le début, Ankara entretient une communication à deux niveaux – prudence et discrétion dans les propos officiels, accusations accablantes mais officieuses dans la presse.

Cette attitude ambivalente suggère que Recep Tayyip Erdogan essaye de profiter des difficultés de Riyad pour obtenir des contreparties. Contreparties économiques, peut-être, alors que la Turquie est menacée par une récession. Ou contreparties politiques, sur les nombreux dossiers régionaux qui divisent les deux pays.

Des concessions, certes, mais avec quel levier ? Celui des enregistrements sonores que depuis plusieurs jours, des officiels turcs anonymes affirment détenir. Des enregistrements qui prouveraient que Jamal Khashoggi a été torturé et assassiné dans le consulat saoudien, et discréditeraient donc aux yeux du monde la version de Riyad.


► «Besoin urgent de clarification», pour Londres, Paris et Berlin

Londres, Paris et Berlin ont estimé dimanche dans un communiqué conjoint qu’il y avait « un besoin urgent de clarification » sur les circonstances de la mort de Jamal Khashoggi au consulat de son pays en Turquie. « Nous prenons bonne note de la déclaration des Saoudiens expliquant leurs conclusions préliminaires », ont déclaré les trois capitales occidentales

« Mais il reste un besoin urgent de clarification sur ce qui s’est exactement passé le 2 octobre, au-delà des hypothèses jusqu’ici évoquées par l’enquête saoudienne, qui doivent être étayées par des faits pour être considérée comme crédibles ».

« Nous insistons donc sur le fait que davantage d’efforts sont nécessaires et attendus afin d’établir la vérité d’une manière complète, transparente et crédible », ont souligné les trois pays, qualifiant d’« inacceptable » de menacer, attaquer ou tuer des journalistes « en aucune circonstance ».

Des députés britanniques demandent plus d’actions contre Riyad

Mais au Royaume-Uni, beaucoup accusent le ministre des Affaires étrangères de lancer des paroles en l’air, explique Marina Daras, correspondante à Londres de RFI. Si toutefois Jeremy Hunt s’est joint à ses homologues français et allemand pour remettre en question la crédibilité des faits avancés par l’Arabie saoudite, cela reste très insuffisant du point de vue de l’opposition politique britannique.

Un groupe de plusieurs députés chargés des affaires étrangères au sein de différents partis politiques demande plus d’actions et moins de rhétoriques face « aux multiples atteintes aux droits de l’homme commises par Riyad et en particulier par le prince héritier Mohamed ben Salman ».

Dans une lettre adressée au gouvernement britannique, les députés clament qu’il est grand temps d’agir face au comportement « barbare » de l’Arabie saoudite. Ils demandent la suspension immédiate de ventes d’armes destinées à être utilisées au Yémen ainsi que l’arrêt des opérations militaires britanniques en Arabie saoudite.

Mais contrairement à Richard Branson, le milliardaire anglais, à la tête du groupe Virgin, le Royaume-Uni n’a pas pour l’instant mis de frein à son commerce lucratif avec l’Arabie saoudite. Branson quant à lui a annoncé la semaine dernière la suspension de son projet d’un milliard d’euros dans le gigantesque fonds d’investissement souverain saoudien tant que la vérité n’était pas faite sur la disparition de Jamal Khashoggi.

Rfi.fr

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