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Nadal, si normal, tellement exceptionnel

US OPEN – Vainqueur dimanche soir de son 16e titre majeur, Rafael Nadal a fait un pas de plus dans l’histoire du tennis. Mais devant ses triomphes comme face aux périodes plus délicates, l’Espagnol affiche une retenue déconcertante. Ce n’est pas la moindre des raisons de sa réussite au fil des ans.

Pourquoi Rafael Nadal, arrivé au sommet il y a maintenant 12 ans, y est encore aujourd’hui ? Son coup droit ? Son physique ? Sa grinta ? Oui, évidemment. Il y a tout cela. Mais si Rafael est devenu Nadal et l’est encore, si sa longévité est aujourd’hui plus impressionnante encore que ne le fut sa précocité, c’est aussi parce qu’il a su gérer avec une extraordinaire maîtrise tout ce que le temps a semé sur sa trajectoire de champion. C’est peut-être même ce qu’il y a de plus exceptionnel chez lui.

Sa carrière, qui l’a ancré depuis longtemps parmi les géants du tennis, est émaillée de triomphes à la pelle mais aussi, certes moins fréquents, de passages plus douloureux. Mais face aux uns comme devant les autres, coups de force ou de bambou, jamais il n’est dans l’excès. Il prend les choses comme elles viennent. C’est la vie. Sa vie. Bons ou mauvais moments, il prend tout au sérieux, mais avec un détachement qui a quelque chose de sidérant. Jamais vous ne le verrez sur-réagir à ses bonheurs ou ses malheurs. Il se trouverait ridicule.

A cet égard, la manière dont l’Espagnol a accueilli son 16e titre du Grand Chelem dimanche a été très révélatrice. Il en mesure la valeur et l’impact, sans aucun doute. Mais pour un peu, on pourrait croire qu’il venait de gagner un ATP 250. Ainsi va Rafa. « Je ne suis pas quelqu’un qui a beaucoup de hauts et de bas au plan émotionnel, a-t-il expliqué après avoir démantelé Kevin Anderson. Quand je suis dans un moment négatif, je ne tombe jamais très bas. Et quand je suis dans un moment positif, comme aujourd’hui probablement, je ne me crois pas le plus fort. Quand tout va bien, reste calme. Quand tout va mal, continue juste de travailler sur ce qui ne va pas. Je suis très normal, au fond. »

Non, Rafa. Paradoxalement, ce qu’il tient pour de la normalité est justement ce qui le rend si exceptionnel. Il s’accommode de tout depuis plus d’une décennie. Digère tout. Assume tout. Un titre du Grand Chelem à moins de 20 ans, comme trois années entières sans le moindre titre majeur. Il n’est pourtant pas un monstre de froideur. Il serait plutôt l’incarnation même de la passion. Mais il n’est du genre ni à se griser ni à se décourager. « J’ai toujours accepté les challenges que ma carrière me proposait, dit-il, que ce soit des évènements positifs ou négatifs. »

En l’espace de trois ans, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il aura été servi. Après son 9e titre à Roland-Garros en 2014, il a attendu trois années entières avant de revenir au sommet. Il a tout entendu, même qu’il était fini. « En 2014 et 2016, c’était dur, avec toutes ces blessures, avoue-t-il, admettant même des bleus à l’âme entre les deux. « En 2015, c’était autre chose. Ce n’était pas physique, mais une blessure mentale », a-t-il lancé dimanche, dans un sourire. « C’est vrai, il a eu des problèmes dans son corps et dans sa tête depuis 2014 », ajoute Oncle Toni. Alors, quand la victoire était devenue une normalité, comment s’accommoder d’un si long tunnel de doutes ?

Travail, passion

La résilience n’est pas la moindre des qualités de Nadal. Un jour qu’on lui demandait comment il trouvait la force de rebondir après une cruelle défaite, le légendaire coach de football américain Vince Lombardi avait eu cette réponse : « stand up and fight, because it’s the only way I know how to deal with life ». Je vais me lever et me battre, parce que c’est la seule façon de faire que je connaisse dans la vie. Il y a du Vince Lombardi dans Rafael Nadal. Se (re)lever, se battre.

Encore faut-il en être capable. Pour mettre ce « lève-toi et marche » en pratique, le Majorquin s’appuie toujours sur les deux mêmes jambes : travail et passion. « Je crois au travail, au travail quotidien, assure-t-il. Je crois aux petites choses que l’on peut toujours améliorer. Je me réveille chaque matin avec la même passion quand je vais sur le court et c’est sans doute pour ça que j’arrive encore à être compétitif. C’est plus dur aujourd’hui qu’à 25 ans, mais j’ai toujours l’amour de ce jeu et je ressens toujours cette même excitation spéciale quand je rentre sur le court. Quand je ne l’aurai plus, j’irai faire autre chose. »

Pour l’instant, il est là et bien là. Nadal reste Nadal. Triomphateur comme ou face à ses doutes, il continuera de « faire avec ce que la vie (lui) donnera, comme toujours ». La méthode parait incroyablement banale. Mais il faut être un champion exceptionnel pour faire de cette normalité une force.

Avec Eurosport.fr

 

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