A la mi-journée, à Oslo en Norvège, le gynécologue congolais, le docteur Denis Mukwege et l’activiste kurde Nadia Murad vont officiellement recevoir leur prix Nobel de la paix. Un prix conjoint cette année pour récompenser leur combat contre les violences faites aux femmes. Ce prix Nobel 2018, c’est le destin croisé de deux fortes personnalités qui refusent de se taire.
de notre envoyée spéciale à Oslo,
Nadia Murad a elle-même été victime de l’Etat islamique. Cette jeune femme, membre de la communauté Yézidi, minorité dans la minorité kurde en Irak, a été enlevée en 2014. Pendant trois mois, elle est devenue esclave sexuelle. C’est un type de témoignage que le Congolais Denis Mukwege ne connaît que trop bien. Lui qui travaille depuis plus de vingt ans avec les victimes de violences sexuelles dans son pays, la République démocratique du Congo.
« Ce qui nourrit la violence, c’est le silence. Ce qui nourrit le viol, c’est le tabou. Ce qui fait que les violeurs continuent à violer c’est qu’ils savent que les femmes vont cacher (ce qui leur est arrivé) pour se protéger, pour ne pas subir une deuxième honte. Mais Nadia a surmonté ce tabou. Elle a pris sur elle pour sauver les autres. Madame, j’ai beaucoup de respect pour vous », déclarait dimanche le docteur Mukwege à sa co-lauréate, lors de leur conférence de presse commune.
Le docteur Mukwege s’était lui-même rendu en Irak pour partager son expérience sur les soins à apporter aux victimes de violences sexuelles. Mais c’est à Paris que les deux lauréats se sont rencontrés pour la première fois. « Je veux dire que je suis très heureuse aujourd’hui. Il y a deux ans, quand j’ai rencontré à Paris le docteur Mukwege et quand je lui ai expliqué les sévices que j’avais vécus, j’ai compris qu’il était celui qui m’écoutait et me comprenait mieux car c’est son métier depuis vingt ans. Chaque jour, chaque heure, il écoute celles qui ont vécu les mêmes choses que moi. C’est un grand jour pour beaucoup, un jour qui condamne aussi tous ceux qui ont enlevé et privé de liberté femmes et enfants, ainsi que leur soutiens», assurait en retour Nadia Murad.
Dénoncer l’indifférence de la communauté internationale
Pour les deux lauréats, ce prix Nobel n’est que la suite d’un combat mais surtout pas une fin en soi. En s’appuyant chacun sur des exemples dans leur pays, Denis Mukwege et Nadia Murad ont dénoncé dimanche lors de leur conférence de presse commune l’indifférence de la communauté internationale et cette impunité qui perdure.
« Je pense personnellement que, pour que les morts et les persécutions s’arrêtent et pour que la justice passe, il faut que le groupe Etat islamique soit traîné devant les tribunaux. Mais jusqu’à présent aucun membre de cette organisation n’a été jugé, donc nous n’avons toujours pas le sentiment que justice nous a été rendue. Tant que les membres de l’Etat Islamique ne seront pas jugés, dans quelques années, ils réapparaîtront sous un autre nom peut-être, prêts à refaire la même chose ».
Ce que Nadia Murad constate dans son pays l’Irak, depuis 2014, le docteur Mukwege le dénonce depuis presque vingt ans au Congo. «L’homme qui réparait les femmes», c’est son surnom, appelle l’ONU à véritablement protéger les civils, l’ONU qui malgré la plus coûteuses des missions de maintien de la paix ne parvient pas à mettre fin aux massacres et aux viols de masse dans ce pays. Et pour le docteur Mukwege, c’est à toute la communauté internationale de faire un constat d’échec.
Rfi.fr