L’oubli
Le Sénégal fait certainement face à un des tournants les plus importants de son histoire politique. En effet, depuis le 23 juin 2011 le peuple a montré à la face du monde qu’il ne voulait plus de certains comportements et pratiques politiciens. Ces pratiques ont, entre autres, pour noms le mensonge, le tripatouillage de la constitution, la trahison, le détournement des deniers publics, le trafic d’influence, l’arrogance etc. Cependant, la pire de ces pratiques est le tripatouillage de la constitution, accompagné d’une arrogance manifeste. Il me semble que certains de mes camarades de parti sont devenus subitement amnésiques de tout ce qui s’est passé entre 2009 et 2012, à cause certainement des délices du pouvoir. En fait, le pouvoir rend fou et le pouvoir absolu rend absolument fou.
N’oublions pas toutes les convocations au Commissariat Central de Dakar à la Division des Investigations Criminelles (DIC) dont certains parmi nous faisaient l’objet et tout ce que nous avions enduré à la place d l’Obélisque pour faire face à Abdoulaye Wade qui se croyait puissant. C’est à ce titre que je suis sidéré de voir aujourd’hui certains camarades de parti être tellement arrogantsau point de débiter des mots et slogans creux et complètement vides de sens. Le parti que nous avons engendré avec beaucoup de courage et de dignité ne pourra pas survivre à cette arrogance.Donc, ne nous versons pas dans les menaces et escalades verbales car l’histoire qui a retenu, notre petit matelas en bandoulière sur la routede la place de l’Obélisque pour y passer la nuit,est encore récente.
L’arrogance
De quels violents contrastes le comportement de nos camarades est tissé ! D’un côté je trouve l’éruption volcanique d’un manque de fierté s’il n’était, bien entendu, pas déjà ancien et dormant. Celui-ci aurait sa source de la vie antérieure et d’une mauvaise personnalité culturelle de base de certains d’entre eux. De l’autre, c’est la présence d’éléments troubles, parmi lesquels l’obsession à la réussite matérielle et un moralisme mal inspiré qui se manifeste par toutes sortes de névroses et de psychoses de la part de ces derniers.
J’éprouve, à cet effet, un sentiment pénible « d’oppression » et de « lacération intérieure ». Rien n’est plus tristement évident que l’orientation bassement arrogante denos comportementspolitiques et mêmes administratifs.
Le reniement politique est une couverture trop générale et mesquine, qui cache quelque chose de très particulier dans notre pays, à savoir la profonde répugnance des sénégalais à s’accommoder d’un quelconque comportement qui favorise l’arrogance qu’elle soit manifeste ou non.
Il y a d’abord toujours présent à l’esprit, ce comportement si difficile à décrire, mais qui n’en exprime pas moins une certaine orientation de la vie de certains de nos camardes. Mais il ya aussi, toujours présent à côté de ce comportement tout aussi permanent au cœur de notre parti APR et de la République ce qu’on peut bien appeler le « cauchemar apérien » qui dans les âmes sensibles, a toujours suscité un profond désenchantement et une blessure morale. Car si le « rêve apérien » a poussé des jeunes ,des femmes et des cadres à transformer ce qui était une nature vierge en une politique neuve et supérieure, « le cauchemar apérien », par une sorte de processus inverse, tend à transformer cette grandeur admirable en un désert moral de comportements arrogants.
Le rêve apérien* !
Si l’optimisme béat n’est pas l’apanage moral d’esprits favorables au changement, il en va de même du pessimisme. En vérité, il n’était pas évident d’être à côté de notre camarade Macky Sall entre 2008et mars 2012, où tous les signaux étaient rouges et clignotaient pour lui dans le mauvais sens. Ce fut d’ailleurs le moment où beaucoup de gens, qui s’agitent aujourd’hui en son nom, pour son parti etpour sa coalition, lui avaient tourné le dos.
Certains qui aujourd’hui se comportent en défenseurs étaient de vrais pyromanes du côté de Wade entre 2009 et 2012. En effet, ce sont eux qui défendaient sur tous les plateaux de télé et antennes radio et même par écrits que Wade pouvait et devait se présenter illégalement pour un troisième mandat. Mon éducation et la décence m’interdisent de les citer dans un article mais ils se reconnaitront surement à travers celui-ci. À ce titre, je suis au regret de dire à notre Président Macky Sall que certains hommes politiquesont la poisse. En fait, s’ils vous soutiennent, vous perdez le pouvoir.«Kougnou andal nga danou».
Le cauchemar apérien* !
Cependant, le rêve tend inéluctablement vers un cauchemar non seulement il y tend mais manifestement il le devient.Il est véritablement important de ne pas être détournédurêve apérien par des politiciens véreux, vendeurs d’illusion car ils quitteront le navire BBY qu’ils ontd’ailleurs commencé à transformer en une jungle, aux moindres frémissements.
Je me permets de vous rappeler camarade Président, une de vos plus belles phrases, je cite : « Je ferai tout pour rester le même et j’espère de tout cœur que mon environnement, familial, amical ou professionnel, m’y aidera. ».
Malheureusement, je vous dis cher camarade qu’ils sont entrain de vous dévier de ce noble chemin en vous faisant prendre des décisions impopulaires qu’ils nomment, de façon absurde, réformes consolidantes.
De plus, quand Monsieur Collin de l’Inspection Générale d’État (IGE) rappelle dans un rapport de celle-ci, les règles élémentaires de grammaire, d’orthographe, de syntaxe et au-delà de méthodologie,auxquelles la rédaction des textes administratifs doit obéir, je vous dis Monsieur le Président que vous avez mieux à offrir au sénégalais en matière d’administration et de gouvernance avec tout ce que le pays et votre parti disposentcomme ressources humaines de qualité. Je suis certain que Monsieur Collin a eu très mal quand un Ministre de la République, devenu très bavard, ne connaissait pas les pays de l’UEMOA et quand un autre Ministreavaitfait voterson budget sans débat pour,parait-il,éviter une humiliation car ne sachant pas s’exprimer correctement en français.
Sur un autre registre, de nouveaux entrepreneurs et hommes d’affaire qu’on peut qualifier de gens du « yokouté»comme le grand frère utérin d’un promoteur de lutte avec frappe, devenu subitement un as dans ce domaine et d’autres qui seraient des proches du cercle familial n’arrangeraient pas les choses. Nous aimerions aussi, nous qui fûmes les premiers à installer le parti dans le baol, être dans le « yokouté » pour pouvoirvoyager à travers le monde en passant par Doubaï et aller aux États Unis d’Amérique (USA).Mais,plus sérieusement, si la politique se met au service d’un clan fut-il familial ou amical, elle est évidemment provisoire, ouverte, appelée sans cesse à changer ses fondements ; elle est tout sauf stable, elle serait même catastrophique.
Le parrainage ?
Le processus de révision du code électoral a engendré une vive polémique sur le parrainage des candidatures à la présidentielle de 2019. À cet effet, un projet de loi va passer à l’Assemblée Nationale en vue d’être examiné et voté. Mais, la loi première et fondamentale de l’activité mentale est une tendance à la généralisation. Le sentiment est contagieux ; les associations de sentiments éveillent d’autres sentiments ; les sentiments voisins s’assimilent entre eux. En conséquence, le particulier et l’individuel tendent vers le général et l’universel. Non seulement ils y tendent, mais ils le deviennent.
En effet, l’opinion sénégalaise a une autre compréhension, qui est en train de se généraliser, du but recherché à travers ce parrainage ne datant pas d’ailleurs de 2018. Pensant que c’est dans le but d’écarter d’éventuels candidats à la prochaine élection présidentielle de 2019, l’opinion a le droit de demander le retrait de ce projet de loi. En fait, sur le principe tout esprit censé comprend pertinemment qu’il faut rationnaliser les candidatures pour diverses raisons très pertinentes. Mais, même si tout le monde est d’accord sur le principe de ce parrainage, subitement évoqué comme alternative, il me semble par ailleurs qu’il soit tardivement proposé par la majorité. En outre, les modalités pratiques de son applicationsemblent tout à fait saugrenues.
Je citerai deux points pouvant parfaitement être compris et acceptés par tout le monde. Le premier est relatif à 1% du fichier électoral général d’électeurs domiciliés dans 7 régions au moins, à raison de 2000 par région(65 000 ou plus) qui me semble exagéré compte tenu du nombre de votants.Le nombre de votants était, lors des dernières élections législatives, avec le même fichier de 37% des inscrits, d’où la nécessité de calculer le nombre de signatures citoyennes, par rapport à ce nombre ce qui le ramènerait logiquement à peu près à 25 000au lieu de 65 000. Le deuxième point qui est non moins important est le fait que l’on dise qu’on ne peut parrainer qu’un seul candidat, ce qui à mon avis serait maladroitement considéré comme un vote. Dès lors que le fait de parrainer qu’un seul candidat, entrainerait inéluctablement un seul choixdonc un votequi n’est rien d’autre qu’un mode d’élection, alorsque celui-ci est non révisable d’après la constitution.Aussi, le mode de présentation des candidatures, n’est pas en soi unmode d’élection mais pour y aboutir, on utiliserait un mode d’élection qu’est le choix (vote) non révisable. En effet, le parrainage ne doit pas et ne saurait être un vote qui est bien défini par le code électoral. C’est ainsi qu’il faut amender le texte et permettre à un parrainage multiple.
Finalement, ces deux propositions pourront être prises en compte en vue de faire converger les positions des uns et des autres.
Aussi, le véritable sentiment de nouveauté est lié au fait que les sénégalais attachent désormais leur attention au processus plutôt qu’au produit, et qu’ils attribuent une énergie aux méthodes qu’elles soient implicites ou explicites.
Donc je me dois en tant que cadre du parti et géniteur de ce dernier de surcroit, demander solennellement que ce projet de loi soit amendé en profondeur. Cependant, pour la régulation des partis politiques qui n’est pas intrinsèquement liée à celle des candidatures, nous pourrons la régler après l’élection présidentielle de 2019.
En somme, l’homme moderne n’est pas seulement victime de l’obscurité mais de la clarté. Une grande part de nos difficultés vient de notre besoin de certitudes et de notre incapacité à reconnaitre l’irréductibilité des choses obscures parmi lesquelles il nous faut vivre.
Pour dire qu’un Président de la République apprend top tard qu’au temps forts des crises, ses pires ennemis étaient tapis dans son camp.
Est-ce que la multitude des formes avec lesquelles l’homme pratique la politique a jamais fait l’objet d’une enquête, pour ne pas parler d’un inventaire exhaustif ?
*apérien : adjectif dérivant du parti politique APR
Amar DIOP Secrétaire Administratif de la
Convergence des Cadres Républicains(CCR)
Responsable politique APR à Bambey.
amardiope@yahoo.fr