Le Mahdi et le Jésus de la communauté layène introuvables dans les références scripturaires
Les autres problèmes et pas des moindres que posent les croyances de la communauté layène résident dans leur incohérence avec ce que nous disent les versets et hadiths au sujet des figures, événements et lieux de la « fin des temps » Commençons avec la figure de Jésus (paix sur lui) que nous avons annoncé à la fin de la troisième partie de ce texte. Le site officiel de la communauté mentionne ces propos attribués à Limamou : « je sais que je mourrai quand le terme en sera venu, mais si je meurs avant d’avoir accompli ce que Dieu m’a ordonné, ce garçon achèvera mon œuvre » Voilà donc que Limamou qui est supposé être le prophète Muhammad (saws) réincarné en chair et en âme et aussi le Mahdi attendu, envisage que son œuvre soit parachevée par son fils qui n’est autre, selon la communauté layène, que Jésus (paix sur lui). Après tout ce qu’on sait du Coran et des hadiths sur le parachèvement de l’islam et de la mission du prophète Muhammad (saws), voilà que ce dernier revient réincarné dans en chair et en âme dans la personne de Limamou, avec le même Coran, pour envisager une continuation par son fils !
Disons d’abord que de ce que nous savons des références scripturaires, ni le Mahdi, ni Jésus (paix sur lui) ne viennent parachever l’œuvre du prophète Muhammad (saws). Le Mahdi apparait à un moment critique de la vie de la communauté musulmane pour accomplir une mission de réformateur et de Calife. Il va unifier les musulmans de l’époque de son apparition, être leur chef dans des affrontements terribles avec leurs ennemis et gouverner de façon juste pendant des années selon le Coran et la Sounna. Pour sa part, Jésus (paix sur lui) reviendra pour accomplir des missions spéciales notamment de clarification de son statut de vrai Messie et surtout pour affronter le « Dajjâl » qu’il est le seul à pouvoir éliminer. Puis, il sera un Calife juste et exemplaire à une époque de paix et d’abondance. Dans la logique de la théorie layène, le prophète Muhammad (saws) revient une deuxième fois réincarné en chair et en âme dans la personne de Limamouappeler humains et jinns à Dieu, puis n’étant toujours pas sûr de parachever son œuvre, compte sur son fils biologique Issa Rouhoullah qui serait Jésus (paix sur lui) pour le faire !
Il se trouve que rien dans l’œuvre de Issa Rouhoullah ne démontre qu’il a accompli cette mission que le Coran et les hadiths assignent à Jésus (paix sur lui) du moins le premier, c’est-à-dire celui qui, né sans père, d’une mère vierge issue de la lignée de Jacob (Israël), a été élevé vivant au ciel en « terre promise » située où on sait. Même s’il y a divergence entre musulmans et chrétiens en ce que pour les premiers Jésus (paix sur lui) a été élevé au ciel sans passer par la mort, alors que pour les seconds, c’est après la mort et la ressuscitation, il y a accord sur ceci qu’il est vivant depuis au ciel. Il faudra avoir plus d’informations sur ce que la communauté layène dit de la fin de la première venue de Jésus (paix sur lui). Si elle considère que Jésus (paix sur lui) est mort sur la croix, alors, il a ressuscité et s’est réincarné en chair et en âme dans le premier fils de Limamou. Si elle croit que Jésus (paix sur lui) a été élevé au ciel sans mourir sur terre, alors comment étant vivant, a-t-il été enfanté par un père qui est Limamou et une mère qui n’est plus Marie mais Coumba Ndoye?
Dans le site officiel de la communauté layène, il est écrit : « Il est certain que beaucoup de personnes se déclareront être le Mahdi tant attendu par la Communauté Islamique. Car notre époque est marquée par le relâchement et l’éclipse des Sciences Religieuses. Ce qui fait qu’il nous sera difficile de reconnaître le Vrai Mahdi du faux. Cependant on peut se référer en plus de ses traits physiques décrits par ABI AL SAHID AL KHOUDRI à la présence à ses côtés d’ISSA IBN MARYAMA. Ce qui signifie qu’Issa se sera présent durant son appel et adoptera sa philosophie comme règle de conduite » On convient du bien-fondé des premières lignes. Toutefois, c’est étrange de noter que c’est la présence de ISSA IBN MARYAM autrement Jésus fils de Mariequi est évoquée, alors que dans la théorie layène, Jésus est devenu fils d’une autre femme notamment CoumbaNdoye ! Comprenne qui pourra !
Il se trouve que cette renaissance du Jésus des layènes se heurte à l’association mère-fils que le Coran établit définitivement entre Jésus (paix sur lui) et Marie. C’est ainsi qu’on trouve dans le Coran, ce dialogue qui aura lieu le jour du jugement dernier comme le précisent les commentateurs, entre Dieu et Jésus (paix sur lui) : « Et lorsque Dieu dira : « O Jésus fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : « Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors de Dieu ? » Il dira : « Gloire et Pureté à Toi ! Il ne m’appartient pas de déclarer ce qui n’est pas de mon droit. Si je l’avais dit, Tu l’aurais su ; Tu sais ce qu’il y a en moi, et je ne sais pas ce qu’il y a en Toi. Tu es, en vérité, Connaisseur de tout ce qui est caché » » (Coran 5 : 116) Il est important ici, par rapport à notre sujet, de voir que ce dialogue de l’au-delà maintient l’association « Jésus fils de Marie » alors que le Jésus dans la théorie layène est devenu entre- temps fils d’une femme qui n’est pas Marie !
Par ailleurs, la même démarche de sélection dont seule la communauté layène a le secret revient. En effet, des références scripturaires connues des musulmans sont citées pour conforter une croyance layène tout en mettant sous le boisseau d’autres qui informations qui contredisent celle-ci. Sans oublier les références scripturaires qui ne sont pas prises en compte et qui restent impossibles à intégrer dans la théorie layène sur la figure de Jésus (paix sur lui).
La seconde venue de Jésus (paix sur lui) selon la croyance layène suppose que le miracle divin de la naissance de celui-ci sans père et d’une mère vierge est annulé. Cela veut dire que la théorie layène fait fi de la signification de la naissance miraculeuse de Jésus (paix sur lui) et reprend l’affaire sous une autre couture. La théorie layène fait renaitre Jésus (paix sur lui) engendré par un père qui n’est autre que le prophète Muhammad (paix sur lui) réincarné en chair et en âme dans la personne de Limamou et une mère qui n’est pas cette Marie de filiation israélite! Avec ce que croit la communauté layène, c’est la fin de l’indissociable « couple » si cher au Coran : « ‘îsabnumaryam » (Jésus fils de Marie).
Parlons à présent de quelques événements parmi les plus marquants où sont impliqués Jésus (paix sur lui) et le Mahdi selon les références scripturaires connues. Tous les deux seront contemporains de l’émergence du faux Messie « ad-dajjâl ». Les hadiths nous disent que c’est Jésus (paix sur lui) qui va délivrer le groupe de musulmans assiégé par le faux Messie et ses troupes, le confronter et finir par l’éliminer surtout de par son souffle extraordinaire. Encore sur ce sujet de la confrontation entre Jésus (paix sur lui) lors de sa seconde venue avec le faux Messie, chrétiens et musulmans disent la même chose. Mais rien de tel dans ce que la communauté layène rapporte sur les œuvres de Limamou ni sur les œuvres de son fils Issa Rouhoullah. On peut toujours rapporter des faits hors du commun de Limamou mais ce qui importe ici, c’est de savoir en quoi ils correspondentou non à ce que les références scripturaires nous disent du sujet.
Qui est le faux Messie que le Jésus des layènes a confronté et éliminé ? Sans oublier que selon les hadiths et aussi la compréhension chrétienne, le faux Messie va parcourir toute la terre, abuser les gens par soit de faux miracles soit la contrainte, se déclarer prophète puis Dieu. Que faire des hadiths où il est question du Mahdi comme personne à part, et non pas un titre que le prophète Muhammad (saws) réincarné en chair et en âme porterait dans une seconde vie où il sera le contemporain de Jésus (paix sur lui) ? On note aussi que le qualificatif de Messie « al masîh » dans le Coran attribué au seul Jésus (paix sur lui) parmi tous les prophètes disparait dans la terminologie layène !
Aussi, les hadiths parlent du déferlement de Gog et Magog que rien ne pourra empêcher de dévaster peut-être toute la terre et certainement la région où se trouve le lac Tibériade. Ces deux termes de Gog et Magog mentionnés à deux reprises dans le Coran en rapport avec la « fin des temps » désignent des peuples rudes qui vont dévaster tout ce qui sera à leur portée. Ils vont déferler après la disparition du faux Messie et malgré les pouvoirs dont il est le seul dépositaire, Jésus (paix sur lui) ne pourra rien contre eux. C’est par une prière qu’il demandera à Dieu de débarrasser la terre de ces énergumènes. Nulle trace de ces événements où sera impliquées le Jésus (paix sur lui) des hadiths très loin de l’Afrique de l’ouest dans la théorie layène.
Aussi, que faire du verset suivant dans le cadre de la théorie layène : « Il n’y aura personne, parmi les gens du Livre, qui n’aura pas foi en lui avant sa mort. Et au Jour de la Résurrection, il sera témoin contre eux » (Coran 4 : 159)La plupart des commentateurs du Coran considèrent que ce verset laisse supposer que puisque tous les gens du livre qui étaient les israélites à l’époque de Jésus (paix sur lui) n’ont pas eu foi en lui, loin s’en faut, alors cette prophétie coranique se réalisera à « la fin des temps » Lors de la seconde venue de Jésus (paix sur lui), sa majestueuse descente à partir du ciel comme il y a été élevé, sa confrontation avec le faux Messie et sa victoire sur ce démon-humain, et autres manifestationsspéciales feront que tous les chrétiens et juifs de cette époque croiront en lui au comme le vrai Messie et un prophète humain qui n’a rien d’une filiation divine. Et après un temps, il connaitra la mort sur terre. Rien de cela ne trouve écho dans la théorie layène sur Jésus (paix sur lui).
Parlons maintenant des lieux de la « fin des temps » Même s’il y a des textes suffisamment authentifiés qui donnent des lieux des fois différents, les événements les plus décisifs où sont mentionnés le Mahdi et Jésus (paix sur lui) se situent dans les zones dela cité de Jérusalem, le lac Tibériade, les territoires compris dans la Syrie, l’Iran, etla Turquie actuels, a Mecque et Médine. Quand d’autres lieux sont mentionnés, ceux qui sont impliqués finissent toujours par arriver dans ces zones de tension extrême et aussi de délivrance.A notre connaissance, la communauté layène ne fait pas mention de la participation de LimamouLaye et de son fils Issa Rouhoullahà ces évènements de la « fin des temps » dans les lieux susmentionnés. On ne connait pas non plus de références scripturaires dans lesquelles, le prophète Muhammad (saws) parle d’une deuxième venue réincarnée ou non et de sa participation personnelle aux évènements de la « fin des temps »
Si on va jusqu’au bout des implications de la foi layène, on se rend compte que tous les musulmans et chrétiens, depuis l’Appel de Limamou en 1883/84, attendent en vain le Mahdi et le vrai Messie, Jésus fils de Marie (paix sur lui). L’autre implication spécifique aux musulmans est qu’ils sont tous dans l’égarement et l’hérésie par leur refus de reconnaitre en Limamou le prophète Muhammad (saws) réincarné en chair et en âme avec le statut de Mahdi, et en son fils biologique, Jésus (paix sur lui). C’est cela, il nous semble, qui explique que certains parmi les plus déterminés de la communauté layènesont de plus en plus offensifs voire agressifs dans les médias à l’approche de la célébration des Appels, pour clamer que leur communauté n’est pas une confrérie au sens de voie soufie différente des autres qu’on trouve au Sénégal et ailleurs, mais la seule légitime puisqu’étant celle du prophète Muhammad (saws) lui-même réincarné en chair et en âme dans la personne de Limamou Laye et de surcroit, son fils qui parachèvera l’œuvre du père n’est autre que Jésus (paix sur lui). D’où leur expression « Limamou Laye – paix et salut sur lui » !
Il ne nous appartient pas de répondre à la place des confréries du Sénégal ni à celle de toutes les confessions qui ont leur Mahdi et leur Jésus (paix sur lui),face à l’Appel de Limamou et de ces implications tout sauf banales. Toutefois, il est vrai que si Limamou est véritablement le prophète Muhammad (saws)-Mahdi et son fils, Jésus (paix sur lui), alors toute la Oumma devrait obligatoirement les suivre. Par contre, le cas non échéant, il y a quelque part un devoir incontournable de clarification et plus exactement, de réfutation s’il est possible au Sénégal de critiquer ou de remettre ce que nous dit la communauté layène dans un débat argumenté et libre.
En attendant, un autre de la même communauté lébou à laquelle appartient la majorité des layènes a invité tout le monde à reconnaitre en lui la combinaison des trois statuts de « Calife de Dieu sur terre-Mahdi-Jésus » ! Il se donne le nom wolof de « SANGABI » qu’on pourrait médiocrement traduire par les termes de « Le maitre » ou « Le seigneur ». Voici un extrait du communiqué que cette communauté a distribué il y a quelques jours à la « mosquée de la divinité » sur la corniche de Dakar : « (…) Toutes les prédications faites par le prophète Mohamed (PSL) que nous attendions à propos de la fin des temps (AKHIROUZAMAN) sont là parmi nous, que nous le sachions ou non. Pour les Musulmans, ils attendent l’Avènement du MAHDI, et que pour les Chrétiens c’est la Résurrection du Christ (Le Messie). Et pourtant ces deux attributions, le Bon DIEU les a réunis sur une seule et même personne, il (DIEU) lui a investi la Lumière de Jésus-Christ et il l’a élevé au grade de khalifatoulLahi Fil Ardi (Représentant de Dieu Sur terre). Cet homme est un Noir Africain de nationalité Sénégalaise, il habite à Dakar, dans un village appelé Ouakam. Il s’appelle Mohamed Seyni Gueye plus connu sous le nom de « SANGABI », il est le khalife de DIEU sur terre ; le Messie attendu à la fin des temps ; le sauveur de l’humanité… » (Cf. copie distribuée dont nous détenons un exemplaire)
Il faudra voir en quoi ce nouveau triple statut du sieur Seyni Gueye « SANGAB-Mahdi-Jésus-KhalifatulArdi » est compréhensible et égal ou supérieur ou inférieur à celui de Limamou et d’Issa Rouhoullah, et le type de liens que devrait exister entre les personnes et les titres des uns et des autres. Il n’est pas inutile de signaler que la personne qui s’est prévalu de ces titres est décédée il y a quelques années et que c’est son successeur qui continue son œuvre.
Dans le même registre, la communauté « Ahmadiya » originaire de l’Inde devra se déterminer par rapport à la communauté layène ou vice-versa. En effet, la communauté Ahmadiya prétend que leur guide spirituel, Mirza Ghulam Ahmad (1835-1908), est dépositaire des trois statuts suivants « Prophète-Messie-Mahdi » avec une touche de réincarnation. Nous n’en dirons pas plus sur cette communauté, juste ces quelques lignes très instructives sur sa pensée tirées de son site officiel : « (…) Pour le sermon d’aujourd’hui, je me concentrerai sur certains dires du Messie Promis (a.s.) dans lesquels il évoque le but de sa venue, sa nécessité ainsi que son statut. Après qu’il se fût proclamé [Messie et Mahdi], les soi-disant oulémas ont soulevé les masses musulmanes contre lui et ont remué ciel et terre dans leurs efforts. D’ailleurs ils n’ont pas arrêté de le faire jusqu’à ce jour : or, grâce à l’aide divine, la Jama’at du Messie Promis (a.s.) ne cesse de progresser et des gens de nature noble s’y joignent »(https://www.islam-ahmadiyya.org/sermons-2018-category/737-la-veracite-du-messie-promis.html)
Plus loin : « Sachez que la promesse de Dieu est vraie. Honorant Sa promesse, Il a envoyé un avertisseur au monde, mais le monde ne l’a pas agréé ; Dieu cependant l’agréera et établira sa véridicité par de terribles assauts. Je vous dis en toute vérité qu’Allah m’a suscité en tant que Messie Promis, en accord avec Ses promesses. À vous de m’accepter ou de me rejeter. Or, votre rejet sera sans effet. Le décret de Dieu se réalisera, car dans l’ouvrage Barahin-e-Ahmadiyya est consignée cette révélation de sa part : « La parole d’Allah et du Prophète s’est accomplie et la promesse divine s’est réalisée. »(idem)
Et plus loin encore : « Le Messie Promis (a.s.) explique ensuite que son rejet ne signifie rien d’autre que le rejet d’Allah et du Saint Prophète Muhammad (s.a.w.). Me rejeter équivaut à répudier Allah et le Saint Prophète Muhammad (s.a.w.), car celui qui me traite de menteur accuse en fait Allah d’avoir menti – qu’Il nous en préserve. » (idem)
Tout le monde sera d’accord,au sein de la communauté se réclamant de la foi abrahamique, comme chez les doués de raisons qui cherchent à comprendre, avec ceci : il faudra bien trouver les moyens de voir clair dans cette cacophonie messianique.
(À suivre)
Ahmadou Makhtar Kanté
Imam, écrivain et conférencier
Email : amakante@gmail.com
Fait Dakar, le 07/04/2018 – Rajab 1439