Attaquer le fair-play financier. Remettre en question la légalité de ce dispositif devant la justice. C’est une possibilité régulièrement évoquée depuis sa mise en place. Des clubs pourraient être tentés de le faire. Ceux qui se sentent frustrés par ce règlement mis en place par l’UEFA, désireuse d’assainir un univers qui n’a pas toujours su se montrer raisonnable en termes de finances. Et pourtant, rien ne se passe. Une absence d’action judicaire qui interroge.
Le fair-play financier a déjà été attaqué mais…
Soyons clair : le fair-play financier (FPF) a déjà été attaqué. Un agent de joueur, Daniel Striani, avait ainsi porté plainte contre l’UEFA et la Fédération belge devant le tribunal de première instance de Bruxelles en juin 2013, estimant que les restrictions imposées par le FPF limitaient le nombre et le montant des transferts, et donc potentiellement ses rémunérations. Mais la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) avait estimé « manifestement irrecevable » cette requête.
Des supporters du PSG et de City ont aussi tenté leur chance. Ils avaient assigné l’UEFA devant le tribunal de grande instance de Paris, pour dénoncer notamment l’augmentation du prix des billets qu’il impliquerait. Des actions qui sont restées vaines. « Jusqu’à présent, les personnes qui ont attaqué le fair-play financier n’étaient pas directement concernées ou visées par le fair-play financier. Les demandes des supporters n’ont pas abouti pour des question de compétence de la juridiction saisie. Mais la question de l’intérêt et de la qualité à agir des supporters contre le fair-play financier se pose toujours », nous explique Simon Le Reste, avocat d’affaires au barreau de Paris et docteur en Droit du Sport.
En clair, ce serait aux clubs de le faire pour espérer obtenir gain de cause. Mais sur quel critère ? « A priori, ce serait au titre du droit à la concurrence, enchaîne Maître Le Reste. En fait, un club pourrait considérer et tenter de démontrer que les règlements du FPF constitue un frein à la libre concurrence ». Les nouveaux riches de la planète football sur le Vieux Continent sont susceptibles de rentrer dans ce cadre. Limité par les contraintes du FPF alors qu’il répond aux exigences de la DNCG – le gendarme financier en France -, le Paris Saint-Germain pourrait ainsi considérer qu’il ne peut pas se battre à armes égales avec les plus grands clubs. Alors qu’à l’inverse, les géants d’Espagne se frottent encore les mains d’avoir vu l’UEFA ne pas prendre en compte leur dette.
Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que l’UEFA voit l’un de ses règlements remis en question par la Cour européenne de justice. En 1995, le Belge Jean-Marc Bosman avait ainsi gagné face à l’instance devant la CJCE, au nom de la libre circulation des travailleurs, bouleversant le système des transferts. Et si l’UEFA a travaillé avec la commission européenne pour tenter d’assurer la légalité du FPF, aucune cour de justice ne s’est prononcée à l’heure actuelle sur la compatibilité de ce règlement avec les règles de l’Union Européenne.
Devant ce constat, une question s’impose : pourquoi des clubs comme le PSG ou encore Manchester City – qui peuvent se sentir lésés et limités par le FPF – ne s’activent pas devant les tribunaux ? « Un club est toujours réticent à saisir la justice civile pour s’attaquer à son association, constate Simon Le Reste. A cet égard, Seep Blatter considérait même que le non recours à la justice civile est un des principes fondamentaux du football. Les litiges se règlent généralement entre-soi. Ce sont des négociations. On va s’entendre pour régler nos différends. Et le recours à la justice civile par un club pour attaquer sa fédération est souvent perçue par cette dernière comme une déclaration de guerre. »
Paris et les autres clubs dans le viseur du l’UEFA ne sont pas prêts à aller jusque-là. Enfin pour le moment… « La seule hypothèse qui pourrait pousser un club de premier rang à envisager une action, c’est si l’UEFA l’exclut et le sanctionne lourdement avec une privation de Coupe d’Europe, ce qui impliquerait un préjudice économique énorme pour le club, glisse Simon Le Reste. Alors là, puisqu’il serait mis au ban du football, il serait possible qu’il prenne sa liberté et attaque le FPF. Et demande une indemnisation. Sinon, aucun club tel que le PSG ou City n’a intérêt à agir en justice pour contester le FPF ». Mais comme l’UEFA – qui n’aime pas l’ingérence – n’a pas envie de passer le filtre de la cour de justice, tout se fait pour le moment avec des négociations entre le club et l’instance.
Avec Eurosport.fr