La France connait désormais son nouveau président. Emmanuel Macron a été élu ce dimanche 7 mai avec 66,1% des suffrages, au détriment de Marine Le Pen. Retour sur ces deux soirées électorales avec nos envoyés spéciaux.
Sous une nuée de drapeaux français, c’est une véritable explosion de joie qui secoue l’esplanade du Louvre dès l’annonce des résultats à 20h. « Macron, président ! », scandent les 20 000 à 40 000 sympathisants d’Emmanuel Macron réunis devant la pyramide du célèbre musée parisien.
Pour beaucoup d’entre eux, l’élection de leur champion est un véritable soulagement. Charlemagne, 23 ans, reconnait avoir eu une petite frayeur jusqu’au bout, avec la qualification de Marine Le Pen au second tour. Car l’arrivée de la candidate du Front national au pouvoir aurait pu constituer une véritable menace pour les Français issus de l’immigration comme lui, dit-il : « La France est un exemple pour la démocratie dans le monde entier et nous ne voulons pas d’une dirigeante qui distille la haine et divise le monde ».
D’autres ont cru jusqu’au bout en la victoire de leur champion, à l’image de Nathalie, 27 ans, qui se dit « un peu triste » du nombre de votes blancs et nuls (10 %) et de la forte abstention (25 à 27 %). « Dommage, car c’est une chance de pouvoir voter en France », regrette la jeune femme.
Ovation
Après quelques concerts, notamment des Ivoiriens de Magic System, pour tenir la foule en haleine, Emmanuel Macron arrive au Louvre depuis son QG du XVe arrondissement vers 22h30. Le vainqueur de la présidentielle traverse solennellement la cour de l’ancien palais royal, sur fond d’hymne européen, avant d’être accueilli en héros sur scène.
Dès le début de son discours, il admet que sa large victoire n’est pas « un blanc-seing », assurant qu’il ferait « tout pour » qu’il n’y ait plus « aucune raison de voter pour les extrêmes ». Le nouveau président élu lance alors un véritable appel au rassemblement. « Je sais les divisions de notre nation qui ont conduit certains à des votes extrêmes, je les respecte, reconnait Emmanuel Macron. Je sais la colère, l’anxiété, les doutes qu’une grande partie d’entre vous ont aussi exprimé, il est de ma responsabilité de les entendre », ajoute-t-il, promettant de protéger « les plus fragiles ».
Espoir
Dès la fin du discours, vers 23h, les électeurs commencent à évacuer l’esplanade du Louvre. Dans la foule, on parle déjà de l’après et on espère que le leader d’En Marche! saura tenir ses promesses. Pour Bertrand, 45 ans, militant d’En Marche! depuis 8 mois, cette victoire est avant tout un bouleversement de l’échiquier politique. « Les blocs de droite et de gauche font désormais partie du passé », se réjouit-il. Pour autant, il ne cache pas son inquiétude après la percée de Marine Le Pen et espère qu’Emmanuel Macron saura « dépasser » les clivages et « réinventer la politique ».
Matthias, lui, ne se présente pas comme un militant d’En Marche! mais a voté Emmanuel Macron aux deux tours. Pour lui, son élection aura au moins le mérite de « prouver au monde l’intelligence des Français ». Emmanuel, 50 ans, n’est pas non plus un militant à la base, mais considère que l’arrivée de ce jeune président de 39 ans à l’Elysée est une victoire « pour l’Europe et la jeunesse ». Il espère que le nouveau président saura faire changer la France et « rajeunir la vieille démocratie ».
Pour Emmanuel Macron et son équipe, le principal défi est désormais d’obtenir une majorité aux élections législatives du mois prochain.
Chez Le Pen, la défaite dans les têtes
Autre lieu, autre ambiance. Marine Le Pen, elle, a choisi le Chalet du lac pour sa soirée électorale. Situé à l’orée du bois de Vincennes, dans le XIIe arrondissement de Paris, cette guinguette vieille de plus de 110 ans accueille habituellement des mariages ou des thés dansants. La capacité est limitée à 1 450 places. Deux heures avant l’annonce des résultats, ce sont surtout les journalistes qui s’y pressent pour installer leurs caméras devant la tribune où la candidate d’extrême droite prononcera son discours.
Il est un peu plus de 19h lorsqu’elle sort de sa voiture pour s’engouffrer dans le bâtiment. Les sympathisants, eux, semblent arriver au compte-goutte, tirés à quatre épingles. On leur distribue une rose bleue, symbole de la campagne. L’ambiance est calme. On discute par petits groupes. Beaucoup refusent de parler aux journalistes. « Après les résultats », promettent-ils. En aparté, certains évoquent une probable défaite. Les médias étrangers qui donnent déjà des estimations placent Emmanuel Macron entre 62 et 67 %.
« On va perdre, annonce Frédéric, un brin amer. On avait un programme économique pour perdre. » Et pour ce banquier, adhérent au Front national depuis deux ans et demi, le débat de l’entre-deux-tours n’a rien fait pour arranger les choses. « Ce qui devait être un débat d’idées s’est rapidement transformé en pugilat, en grande partie à cause de Marine Le Pen. Ils se sont placés au niveau du caniveau et n’en sont pas sortis », reproche-t-il. D’après lui, la question n’est pas de savoir si sa candidate va perdre ou gagner, mais si elle va faire plus ou moins de 40 %. « Moins de 40 %, ce sera une contre-performance », estime-t-il. Wallerand de Saint-Just, le trésorier du FN, fait pourtant mine d’y croire et affirme que l’abstention dessert surtout le candidat d’En Marche !.
Place aux législatives
Alors que l’heure fatidique approche, la foule se tasse devant le pupitre. Une Marseillaise est entonnée. Le compte à rebours est lancé : « Neuf, huit, sept, six… » Il est 20h et le visage d’Emmanuel Macron apparaît à l’écran, accueilli par des huées. Marine Le Pen ne tarde pas à prononcer son discours. Il est bref. Elle félicite son opposant et le score « historique » de l’extrême droite. Le Front national est « la première force d’opposition », déclare-t-elle. « Le Front national, qui s’est engagé dans une stratégie d’alliances, doit se renouveler profondément afin d’être à la hauteur (…) des attentes des Français », estime-t-elle. Mais maintenant, place aux législatives. « Je serai à la tête du combat », annonce Marine Le Pen. Des drapeaux tricolores s’agitent.
Les sympathisants se tournent vers les buffets. Rares sont ceux qui acceptent de répondre aux questions. Ceux qui le font semblent avoir assimilé les éléments de langage. « Ce n’est pas la fin du combat, affirme Gwenaël, on va continuer. » « Le score est meilleur qu’en 2002 », rappelle ce militant venu des Hauts-de-Seine, en région parisienne. En 2002, Jean-Marie Le Pen avait recueilli 17,79 % des voix face à Jacques Chirac. « La dédiabolisation a fonctionné,assure Gwenaël. On va continuer à convaincre les Français. » En ligne de mire : les législatives de juin prochain, puis les européennes et les municipales. « Tout commence ce soir », dit-il.
Arthur, 29 ans et électeur du Front national depuis toujours, tient peu ou prou le même discours : « C’est une défaite, mais pas un échec ». « Les masques sont tombés, avec d’un côté les souverainistes et de l’autre les européistes ». Finie la traditionnelle opposition gauche-droite, « cela a fait naître un nouveau clivage », se réjouit-il. Le Front national va maintenant devoir poursuivre son travail de dédiabolisation et d’ouverture pour former « l’union de la vraie droite », conclut-il.
Il est 22h, l’heure pour les journalistes de quitter les lieux. Quelques sympathisants ont investi la piste de danse pour reprendre en chœur « Alexandrie, Alexandra » de Claude François.
Rfi