L’Agent judiciaire tourne en dérision les Avocats de la défense ; Me Cissé attaque Khalifa ; le juge Lamotte lui tire les oreilles
Après une journée d’attente, les Avocats de l’Etat et l’Agent-judiciaire ont commencé à répondre, ce vendredi, aux arguments de la défense. Ce passage de témoin a donné un nouvel élan au procès, puisque tous les arguments des Conseils de Khalifa Sall ont été balayés d’un revers de main par la partie civile. Pire, Antoine Félix Diome et les Avocats de l’Etat se sont même permis de se moquer des robes noires. Tout comme, les prévenus ont eu droit aussi à quelques piques.
Durant toute la journée d’avant-hier jeudi, dans le cadre du procès de Khalifa Sall, maire de Dakar, et ses co-prévenus, les Avocats de la défense ont tenté de prouver que, sur tous les plans, les droits de leurs clients ont été bafoués. Hier vendredi, il ne restait plus, de la longue liste des Avocats de Khalifa Sall, que quatre intervenants. Dans la même dynamique que leurs prédécesseurs, ils sont revenus à la charge, relativement aux procès-verbaux d’audition, à la question de l’immunité du maire de Dakar, au Rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige), entre autres. On retiendra surtout de cette journée, la nouvelle demande de liberté provisoire. A cet égard, il a été demandé au juge d’accepter la demande de cautionnement. Pour Me Ciré Clédor Ly, refuser ce droit à Khalifa Sall serait un non-sens.
«Les faits n’ont pas fait l’objet de contestation»
A la suite des Avocats de la défense, l’Agent-judiciaire de l’Etat s’est présenté, dès le début de l’audience, durant l’après-midi, devant le juge pour répondre à ses détracteurs, qui pensent qu’il ne devrait pas intervenir dans ce dossier. Antoine Félix Diome a tourné en dérision les arguments du camp adverse. Et, Me Doudou Ndoye et Me Seydou Diagne en ont pris pour leur grade. A cet effet, pour ce qui est du premier, l’ancien Substitut du procureur près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) soutient : «quand je le vois adopter la démarche tendant à faire bousculer les règles, je ne peux que me réjouir du point de vue de l’amour de la réflexion sur les textes. Mais on ne peut pas faire dire au droit ce qu’il ne dit pas. Encore, faudrait-il le faire en parfaite harmonie avec les faits ? ». Le deuxième nommé, aussi, a droit à des railleries. Pour l’Agent-judiciaire de l’Etat, «Me Seydou Diagne a une façon très particulière de lire les textes. Il nous a dit que le juge d’instruction n’a pas le droit de prendre une ordonnance de règlement. La construction est belle, mais elle est inachevée». En fait, Antoine Félix Diome tient à renvoyer le juge aux Arrêts rendus par la Cour suprême et la Chambre d’accusation de la Cour d’Appel. A l’en croire, ses adversaires «reconnaissent que c’est à partir de faux que l’argent a été décaissé. Ils disent, cependant, que c’est une faute de gestion. Tout fonctionnaire, dès l’instant qu’il a connaissance d’une infraction, a l’obligation d’en informer le Procureur de la République. Cette partie de l’audience sur les exceptions donne l’impression d’un déjà vécu au niveau de la Chambre d’accusation. Sur tous ces points, cette juridiction a eu à répondre et des pourvois ont été formés. On aurait pu s’arrêter à lire les Arrêts de la Chambre d’accusation. A travers l’examen des différents Arrêts, toutes ces exceptions ont fait l’objet de décisions ayant, à leur tour, fait l’objet de cassation au niveau de la Chambre criminelle», assène-il. En réalité, Pour Antoine Félix Diome, il y a des contradictions manifestes. D’ailleurs, il cite Me Amadou Kane, qui, d’après lui, a dit qu’il n’aimait pas être dans un collectif. Pour cause, selon le Procureur de formation, il est possible que les concernés se marchent sur les pieds. Dans le cas d’espèce, Antoine Félix Diome déclare que cela est arrivé à plusieurs reprises. Faisant référence au Code de procédure pénale, il affirme que les conseils de la défense n’ont pas dit ce qui était sollicité du juge, relativement à l’exception préjudicielle.
En outre, ces avocats n’ont pas dit quelles juridictions ils vont saisir, pour trancher cette affaire. Il se demande, aussi, en quoi deux juridictions ont été, simultanément, saisies pour justifier le fait que le juge se dessaisisse de cette affaire. Pour ce qui est de l’immunité parlementaire, il pense qu’il n’appartient pas au Tribunal d’observer la régularité de cette décision prise au niveau de l’Assemblée nationale, au nom du respect du principe de la séparation des pouvoirs.
Me Baboucar Cissé : «dans ce pays, il y a une victimisation des malfaiteurs»
Dans le même sillage, Maitre Thomas Amico, venu, spécialement, de France, a laissé entendre que les arguments de la défense lui ont fait penser au «Thiébou Djeune» qu’il a mangé, avant-hier jeudi. A sa suite, Maitre Samba Bitèye est venu à la barre. Dès l’entame de son propos, la robe noire demande à la défense de ne point tenter de le distraire. Au juge, il promet d’avoir une attitude exemplaire. A cet égard, il dit que, depuis le début du procès, il n’a jamais fait l’objet d’une remontrance de la part de Malick Lamotte. Concernant la procédure, Me Samba Bitèye assure que si cela a trainé, c’est à cause de la multiplication des recours de la défense. Sur ce, il dira que le Procureur a toujours hâte d’amener le prévenu «vers l’échafaud. En tant que juriste, comment peut-on dire que nous avons demandé au juge l’autorisation de consigner, mais il a refusé ? Ce n’est pas lui d’autoriser quoi que ce soit». Et puis, «vous ne pouvez pas, par un simple acte d’appel, faire trainer la procédure. Comment peut-on saisir la Chambre d’accusation, alors que le juge d’instruction s’est déclaré incompétent ?», fulmine-t-il. Lorsque le tour de Maitre Baboucar Cissé est arrivé, le ton est monté d’un cran. La preuve, quand il a lâché : «Khalifa Sall est un simple maire». Cette expression n’a pas été du goût de l’assistance. Toutefois, les grognes, qui ont retenti dans la salle, n’ont pas eu l’effet escompté. Dans la mesure où l’Avocat à la voix rauque n’a perdu son sang froid. Au contraire, il dira : «j’espère que Monsieur Khalifa Sall ne manquera pas de féliciter les Avocats de la partie civile, quand ils auront démontré le caractère inopérant des exceptions qu’ils auront soulevées. En l’espèce, la forme a été respectée. J’estime que l’on sait, en âme et conscience, que ce dossier ne devait pas faire l’objet d’une information judiciaire. C’est un dossier d’une simplicité biblique. Les faits reprochés au prévenu n’ont pas fait l’objet de contestation. Moi, j’aurai été à la place du Parquet, ce dossier, sera envoyé en flagrant délit», déclare-t-il, tout de go.
Revenant sur la plaidoirie de Me Doudou Ndoye qui a affirmé, jeudi dernier, que la détention préventive des présumés complices ne devait pas excéder six mois, Me Cissé soutient que «c’est un scandale». C’est la goutte d’eau, qui a fait déborder le vase. C’en était trop pour la défense. D’ailleurs, l’un des Avocats, en l’occurrence Me Koureyssi Ba, a jugé inélégant le fait de mentionner le nom de Me Doudou Ndoye, alors qu’il n’était pas dans la salle. Face à ce vacarme, il fallait, donc, que le juge intervienne pour demander aux concernés de faire preuve de plus de responsabilité. Par contre, Me Cissé n’en avait pas encore fini, avec sa plaidoirie. «Dans ce pays, il y a une victimisation des malfaiteurs», poursuit-il.
Le juge a tenu à rappeler, une nouvelle fois, Me Baboucar Cissé à l’ordre. Selon Malick Lamotte, de tels propos sont à éviter, puisque les personnes, qui sont jugées, sont présumées innocentes, jusqu’à la preuve du contraire. L’Avocat a tenu, ainsi, à s’excuser. Tout de même, il a signifié au juge que son temps de parole n’était pas épuisé. Et que, par conséquent, il voudrait bien avoir voix au chapitre à la reprise de l’audience, lundi prochain.
Omar Ndiaye SOURCE A