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Procès de Khalifa Sall : Un énième défi lancé à la justice

Le public est bien décidé à jouer sa partition dans le procès du maire de Dakar. Depuis le début, l’affluence est au rendez-vous. La clameur populaire rythme le début et les fins d’audience. Pour la plupart, l’assistance est composée par les inconditionnelles du leader du mouvement Taxawu Sénégal. Ils sont convaincus que le seul tort de leur leader est d’avoir affiché son ambition présidentielle. Pour les observateurs, la justice a ainsi une occasion inespérée de redorer son blason aux yeux de l’opinion.

Les projecteurs du monde entier sont braqués de nouveau sur le tribunal de Grande instance de Dakar. Une fois n’est pas coutume, c’est le destin du premier magistrat de la capitale qui est en train de se jouer. Ce qui donne au procès un caractère très populaire.  Mais, les policiers et les gendarmes veillent au grain.

Un cordon sécuritaire très serré

Toutes les voies d’accès qui mènent vers le tribunal sont filtrées. La police s’occupe des alentours. Devant le portail principal qui mène vers l’enceinte, de longues files indiennes  se forment dès les premières lueurs de la journée sous la supervision des gendarmes. Ce public est majoritairement composé des sympathisants de l’édile de la ville de Dakar. Ils sont vêtus, pour la plupart, d’habits blancs, comme leur idole. Chacun d’entre eux est muni de sa pièce d’identité. Pour leur part, les employés du tribunal Lat Dior sont invités à présenter leur carte professionnelle. Pour ceux qui ont un rendez-vous ou même les personnes citées à comparaitre dans une affaire, il suffit de présenter un papier justificatif.  A quelques  mètres de là, se trouve la porte qui mène vers l’intérieur du tribunal. Un dispositif dernier cri permet aux hommes en bleu de détecter tout type de métal ou armes potentielles. Les bagages sont déposés sur un charriot électrique. A côté, un agent assis devant un écran d’ordinateur vérifie ce qui doit l’être. Lorsqu’on met les pieds dans le tribunal, un fond sonore donne l’impression d’être dans un marché. Une autre épreuve attend ceux qui décident d’emprunter le chemin qui mène vers la salle 4 du tribunal. Des barrières sont érigées tout au autour par les gendarmes. Ces derniers vérifient une nouvelle fois les personnes. Un autre groupe, positionné juste devant la porte d’entrée de la plus grande salle du tribunal,  est le dernier rempart du cordon de sécurité. A droite, dans un panier posé sur une table, sont déposées les saisies faites par les forces de l’ordre. On y distingue divers types de produits comme des bouteilles de parfum, des allumettes, des cigarettes etc.

Le sixième homme

La salle quatre du tribunal de Dakar est très spacieuse. Ses murs sont ornés par d’épais contreplaqués rouges. Fixées sur le sol, les chaises sont faites de bois et d’éponge avec des coussins.  Il y’a deux emplacements destiné au public. Celui d’en haut est une tribune couverte par le plafond qui surplombe la cour. De là haut, on distingue le juge et ses deux assesseurs, assis devant une longue table. A l’extrémité droite, le greffier note scrupuleusement ce qui se dit durant les plaidoiries. Sur la gauche, le procureur  de la République attend patiemment son heure.  De part et d’autres, des gendarmes avec leur gilet vert sont sur le pied de guerre. D’ailleurs, certains d’entrent eux portent une mitraillette.  Les ordres sont clairs. Le public  à le devoir de se taire. Puis, les téléphones ou tout autre accessoire de nature à perturber les séances sont interdites. Malgré ces restrictions, le public continue à être au rendez-vous.  Quant aux gendarmes, ils n’hésitent pas à chaque que de besoin de vider les contrevenants. Cette  forte présence humaine est saluée par le principal prévenu dans cette affaire. Khalifa Sall, escorté lors de chaque jour d’audience par des éléments pénitentiaire d’intervention, le corps d’élite de cette  force paramilitaire, ne rate jamais l’occasion, par des signes de la main, de leur témoigner sa gratitude. En retour, l’assistance lui démontre, à chaque fois que de besoin,  qu’elle est acquise à sa cause. Ce sentiment, le public le manifeste par la formulation de prières et n’hésite pas à chanter l’hymne national du Sénégal. Et à chaque fois, que les inconditionnels du maire jugent que des propos déplacés lui sont adressés, ils protestent.  Les avocats de la mairie et de la défense ont, eux, droit  à des signes d’approbation. En fait, il y a six parties dans cette affaire. D’un côté, il y’a le procureur, l’agent judiciaire et les avocats de l’Etat qui se serrent les coudes. De l’autre, les avocats de la mairie et de la défense, peuvent bien compter sur l’appui du public. Dans ce lot, il y’a des personnes qui déclarent n’avoir aucune appartenance politique. Ils disent  n’être que de simples curieux. D’autres sont en réalité des collaborateurs de Khalifa Sall au sein du parti socialiste ou même de la mairie.

Un procès politique

Il est 14 heures. Le président du tribunal vient de suspendre son audience. La salle se vide peu à peu de son monde. Pendant ce temps, Ramatoulaye Mbengue discute avec une de ses connaissances, Woré Diaw qui s’avère être une adjointe du maire de la ville de Dakar. La dernière nommée nous dit avoir « un préjugé favorable pour le juge Lamotte qui a une haute personnalité. Il inspire confiance. Maintenant, la suite va nous édifier. Nous savons et nous l’avons clamé partout. C’est une cabale, un complot politique. Cela se démontre dans les débats au niveau de nos avocats et ceux de l’Etat. Khalifa est quelqu’un de très honnête. Une personnalité pour qui nous avons beaucoup de respect. Nous le pratiquons depuis des années. Je vous dis que cette caisse dont on parle, ce sont des fonds politiques auquel il a droit au même titre que le président de la République et celui de l’Assemblée Nationale qui sont des élus. » En fait, Woré Diaw est un peu sceptique quant à l’impartialité de la cour dans cette affaire. Ce sentiment est partagé par Ramatoulaye Mbengue. La dame qui milite à la Médina est un responsable du parti socialiste de la première heure. Elle nous révèle même avoir intégré cette formation politique avant Ousmane Tanor Dieng. « A mon arrivée en 1979, c’était l’ancienne coordination qui allait du plateau à la médina avec Lamine Diack comme secrétaire général et Adja Arame Diène comme présidente. Je pense les gens  qui ont les reines du parti et qui ont décidé d’exclure certains de nos camarades ne sont pas plus légitimes que moi. »

Ramatoulaye Mbengue du PS : « j’ai comme l’impression que le président du tribunal favorise l’agent judiciaire de l’Etat »

Tout comme notre première interlocutrice, Mme Mbengue est convaincu que son camarade de parti est accusé injustement. D’ailleurs, elle trouve injustifiée son exclusion du PS. « Je suis ici en tant que citoyen. Le premier jour du procès, la confiance était de mise. J’ai été témoin de beaucoup de choses qui ont été relevées par le juge. Par contre, aujourd’hui, le doute s’est installé. Je ne comprends pas l’attitude de la partie civile et de l’agent judiciaire de l’Etat. Ils sont en train de railler les gens. J’ai comme l’impression que le président du tribunal les favorise. L’agent judiciaire prend le même temps que les avocats. Il parle comme il veut. Il ne se fait pas  rappeler à l’ordre. Or, le maire de la ville de Dakar n’est pas n’importe qui. Raison pour laquelle ils doivent faire montre de plus de sérieux.» Par contre, pour certains sénégalais, le fait de venir assister au procès ne veut point dire qu’ils ont un intérêt caché ou apparent. Tel est le cas pour Vieux Niang. Lorsque nous l’avons rencontré, le commerçant  se demandait comment il allait faire pour recharger son téléphone. Le jeune homme qui portait une chemise bleue est un pantalon de la même couleur avec des lunettes noires dit qu’il n’a pas de partie pris dans l’affaire. Cependant, force est de constater d’après lui, « que l’Etat va tout faire pour faire perdre à Khalifa Sall ses droits civiques. » En réalité, Vieux Niang croit que « c’est un procès politique ; que c’est le Chef de l’Etat qui est derrière tout cela. Je ne travaille pas à la mairie. Mais, quand on analyse la chose on ne peut s’empêcher de dire qu’il y a des soubassements politiques. On dirait que le chef de l’Etat ne veut pas avoir d’adversaire à sa mesure lors de la présidentielle de 2019.», estime-t-il.

Quand la politique entre par la porte du palais, le droit sort par la fenêtre. Cette maxime, les conseils du Maire de Dakar n’hésitent pas à le dire à qui veut l’entendre. Après eux, les sénégalais ont le sentiment que quoi qu’il advienne Khalifa Sall va être condamné.  Pour les nombreux journalistes qui couvrent ce procès, l’opinion veut comprendre comment leurs ressources ont été gérées. Partant de ce point de vue, ils estiment  la justice a eu le mérite de saisir du dossier. Néanmoins, l’intérêt de ce procès est qu’elle montre son indépendante vis-à-vis de l’exécutif.

Omar Ndiaye (SourceA)

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