Le procès devant la Cour pénale internationale de Laurent Gbagbo, ancien chef d’Etat ivoirien, et de Charles Blé Goudé, ex-leader du Congrès panafricain des jeunes patriotes a repris ce lundi 12 novembre à La Haye, aux Pays Bas. Tous deux sont jugés pour des faits relevant de crimes contre l’humanité, concernant les violences postélectorales en Côte d’Ivoire en 2010-2011. Ce lundi matin, les avocats de Laurent Gbagbo avaient la parole, et la défense a plaidé l’acquittement. Son argument : le procureur n’a pas suffisamment de preuves.
Pour la défense, le procureur n’est pas parvenu à étayer sa thèse, à savoir l’existence d’un « plan commun », élaboré par un « cercle restreint », visant à se maintenir au pouvoir. Et c’est pour se maintenir au pouvoir que ce « cercle restreint » aurait commis des violences contre des civils.
Or pour la défense, l’accusation n’a à aucun moment défini de manière claire la nature de ce plan commun. Pour Me Emmanuel Altit, principal avocat de Laurent Gbagbo, toute l’accusation s’appuie sur des présupposés, mais ne livre aucune preuve directe : « C’est le même procédé intellectuel que le procureur a utilisé tout au long de sa réponse écrite et de son exposé oral. En laissant entendre de façon constante que l’absence de preuve directe de l’existence d’un soi-disant plan commun constituerait en fait la preuve de l’existence de ce plan commun. Autrement dit, une absence de preuve est, pour lui, la preuve évidente d’un complot. Les seuls ordres dont il est fait état dans le dossier sont des ordres normaux donnés par des gradés de l’armée et des gradés de police à leurs subordonnés en vue de prévenir les attaques des groupes de rebelles lourdement armés contre les institutions ou en vue de défendre la population ».
« Le procureur n’a rien, tout est construit sur du sable mouvant », a conclu avec ironie Me Baroin, un autre conseiller de l’ancien président ivoirien qui, durant toute la matinée est resté concentré, impassible. Maître Jennifer Naouri, l’une des avocates de Laurent Gbagbo, a, pour sa part, conclu que le procureur « n’a pas mené d’enquête autonome et indépendante ».
Démarche « biaisée »
Pour la défense, la démarche du procureur est biaisée. Il aborde les principaux incidents de la crise en faisant fi de l’histoire du pays, marquée, selon elle, par de nombreuses menaces contre la souveraineté de l’Etat, en allusion au coup d’Etat manqué de 2002.
« Le procureur met de côté le fait que des FDS [Forces de défense et de sécurité] ont été tués pendant la marche de décembre 2010. Pourquoi ? » s’interroge Me Jennifer Naouri, avocate de Laurent Gbagbo.
La défense s’appuie les témoignages de Georges Guiai Bi Poin, chef du Cecos [Centre de commandement des opérations de sécurité] pendant la crise, ou encore du général Philippe Mangou, chef d’état-major des armées, pour rappeler que les forces de sécurité faisaient face à des hommes lourdement armés, qui menaçaient plusieurs points stratégiques de la capitale.
« La police et l’armée en 2010 et 2011 étaient sur la défensive, explique de son côté Me Emmanuel Altit. C’étaient les rebelles qui attaquaient et pas le contraire », assure-t-il. Dans ce contexte de crise, conclut l’avocat principal de Laurent Gbagbo, on assistait à « des ordres normaux donnés par des gradés de la police et de la gendarmerie en vue de défendre les populations ».
Les audiences du procès ont été suspendues, en fin d’après-midi de ce lundi, et reprennent mardi. A noter qu’aucune décision de la chambre d’accusation n’est prévue cette semaine.
Rfi.fr