Le Rapport 2015 présenté au Chef de l’Etat par le Président du Conseil national de l’audiovisuel (Cnra) donne froid dans le dos. Notamment en son chapitre consacré à la question de savoir « Quels sont donc les profils des radios et des télévisions de notre pays ? ».
Ici, Babacar Touré, connu et reconnu pour son franc-parler de révéler que « les dernières statistiques qui nous ont été transmises par l’ARTP à notre demande, établissent que près de 308 fréquences FM ont été concédées à des opérateurs radio nationaux, 19 à des opérateurs radio étrangers.
Plus de 50 fréquences de télévision à divers opérateurs, d’ailleurs peu nombreux.
Ces chiffres doivent être cependant pondérés, puisqu’ils englobent des fréquences « activées » et des fréquences « dormantes ».
Et le patron du Cnra d’en dresser un tableau ô combien ombrageux de cette situation en ces termes : « les conséquences de cette situation sont incalculables. Dans ce désordre se sont opportunément installés – des flibustiers de l’audiovisuel qui piratent et commercialisent illégalement les contenus de chaînes dûment installées et déclarées ».
Pis, dit-il au Président de la République, Macky Sall, « outre le désordre juridique et commercial, les risques sont devenus réels et divers, car ces derniers, échappant à toute régulation, produisent et proposent désormais des débats à caractère social ou politique, pratiquent le prosélytisme religieux et relaient des propos identitaires, chauvins, voire irrédentistes ».
Autres morceaux choisis du Rapport sur fond de réquisitoire sans complaisance du Secteur des médias, figure le modèle inachevé de la transition numérique. Bref, Babacar Touré n’a rien laissé au hasard. Voici l’intégralité du Rapport entre les mains du Chef de l’Etat.
INTEGRALITE DU RAPPORT 2015
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Directeur de Cabinet du Président de la République,
Monsieur le Secrétaire Général de la Présidence de la République,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel,
Mesdames, Messieurs,
Pour la quatrième année consécutive, j’ai la charge de conduire la délégation du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, pour remettre entre vos mains le rapport annuel de l’activité de cette Institution à la tête de laquelle vous m’avez fait l’honneur de me nommer en qualité de président.
Excellence, Monsieur le Président de la République,
Année après année, durant ces quatre exercices, nous avons professé notre credo primordial de devoir de protection de la jeunesse, forgé les outils d’une démarche scientifique et porteuse, lancé les grands chantiers du moment.
Cependant, des défis sont encore là, nombreux, qu’il nous faut relever et qui tiennent autant au profil des acteurs qu’à celui des médias audiovisuels et à la gouvernance globale du secteur. L’état des lieux de notre paysage audiovisuel nous amène à nous poser une question primordiale :
« Qui investit dans le secteur ? »
qui sont aujourd’hui les promoteurs de radios et de télévisions ?
le paysage médiatique national est-il captif de personnes et d’ambitions plus préoccupées de construire et manipuler des réseaux d’influence, actionner des ascenseurs sociaux, accéder à la notoriété et faire leur autopromotion ?
Quels sont donc les profils des radios et des télévisions de notre pays ?
Nous devons, à l’aune de notre responsabilité souligner, Monsieur le Président, que les fréquences de notre spectre ont été attribuées, dès le départ au petit bonheur la chance, au gré des affinités du moment.
Les dernières statistiques qui nous ont été transmises par l’ARTP à notre demande, établissent que :
Près de 308 fréquences FM ont été concédées à des opérateurs radio nationaux, 19 à des opérateurs radio étrangers.
Plus de 50 fréquences de télévision à divers opérateurs, d’ailleurs peu nombreux.
Ces chiffres doivent être cependant pondérés, puisqu’ils englobent des fréquences « activées » et des fréquences « dormantes ».
Monsieur le Président de la République,
Les conséquences de cette situation sont incalculables. Dans ce désordre se sont opportunément installés – des flibustiers de l’audiovisuel qui piratent et commercialisent illégalement les contenus de chaînes dûment installées et déclarées.
Outre le désordre juridique et commercial, les risques sont devenus réels et divers, car ces derniers, échappant à toute régulation, produisent et proposent désormais des débats à caractère social ou politique, pratiquent le prosélytisme religieux et relaient des propos identitaires, chauvins, voire irrédentistes.
S’ouvre alors, Monsieur le Président de la République, tout un boulevard à l’incivisme médiatique. En effet, le désordre ambiant débouche sur des situations inédites : de nombreux détenteurs d’autorisation de diffuser à échelle locale, régionale ou communautaire émettent aujourd’hui sur le plan national, sans modification préalable de la convention qui les régit. D’autres, glissent d’une programmation communautaire, vers une transformation en chaînes généralistes, commerciales, font alors dans l’information politique. Alors que leur statut ne le permet pas. Ils induisent ainsi une concurrence plus que déloyale vis-à-vis des chaines commerciales, autorisées à diffuser sur un large spectre.
Malgré le tableau contrasté que je viens de décrire et malgré certains écueils, l’année 2015 a connu des réussites dont le Sénégal peut s’enorgueillir.
Excellence, Monsieur le Président de la République,
L’avènement de la TNT a été une grande promesse pour le Sénégal et les Sénégalais. Le choix de l’opérateur national validé par votre excellence, a été fait sur une base objective et à l’unanimité des membres du comité de pilotage.
Monsieur le Président de la République,
A l’occasion du séminaire-bilan de la transition vers le numérique en Afrique francophone tenu au Bénin du 08 au 11 décembre 2015, sous l’égide de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le constat a été fait que le Sénégal est le seul pays francophone, avec le Maroc, à émettre des signaux de télévision numérique. Le Sénégal, grâce à un partenariat public/privé, présente un taux de couverture de 75% de la population avec une excellente qualité technique, tant du point de vue des infrastructures que des décodeurs.
Le modèle sénégalais de transition reste unique. Il est cité en exemple un peu partout mais il reste un modèle inachevé
L’ampleur, la qualité et le caractère exceptionnel de ce qui a été accompli par l’expertise nationale sont indéniables. Cependant, le processus de transition dont la partie technique a été réalisée par le Groupe EXCAF TELECOM a révélé certains problèmes, manquements et insuffisances qui doivent être résolus au plus tôt, car leurs conséquences touchent à l’inégalité de traitement des citoyens, la totalité du territoire n’étant toujours pas couvert, d’où le sentiment de frustrations de nos concitoyens
Le travail et le parcours du CONTAN, ont été marqués par des difficultés. Vous me permettrez, là aussi, d’en faire l’économie et de les porter à nouveau votre attention :
les lenteurs administratives : le projet de ratification de l’accord GEO6, conclu en 2006 à Genève entre tous les états membres de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), examiné en Conseil des Ministres, il y a 2 ans attend toujours d’être examiné par l’Assemblée nationale ; 10 ans plus tard, ce défaut de ratification prive la transition vers le numérique d’une base légale conforme aux engagements internationaux de notre pays ; Cet accord global est relatif à la planification du service de radiodiffusion numérique dans le monde.
les divergences apparues dans la gouvernance et l’exécution du programme de transition confié au CONTAN, d’où ma décision de mettre en place un comité ad hoc, afin de sécuriser et rationaliser le processus ;
le retard dans la mise en place de la société de gestion ;
l’absence de budget de communication pour la prise en charge de la communication vers le grand public et les acteurs du secteur ;
les installations techniques incomplètes, d’où la nécessité d’une assistance à maîtrise d’ouvrage pour une exécution conforme du contrat, notamment pour les aspects relatifs aux infrastructures.
la non-disponibilité des décodeurs pour tous, car après la décision de leur vente au prix symbolique de 10 000 FCFA, le prestataire peine visiblement à approvisionner le marché.
Création et effectivité d’une Task force
Face à ces multiples difficultés, je vous avais soumis la proposition de création d’une Task force impliquant les services de la Primature. Vous avez bien voulu, Monsieur le Président de la République, accepter cette proposition, permettant ainsi la mise en place d’un Comité qui, en 2015, s’est réuni périodiquement sous la présidence du Ministre Secrétaire général du Gouvernement. Les questions abordées ont porté sur le déploiement des infrastructures, la disponibilité des décodeurs et les difficultés de financement du partenaire technique. La Task force a, régulièrement, rendu compte au Premier Ministre et au Président du CONTAN.
Je voudrais à présent, Monsieur le Président de la République, m’attarder et attirer votre attention sur les enjeux majeurs de gouvernance qui sous-tendent et conditionnent la régulation du secteur de l’audiovisuel et son futur dans le contexte du numérique.
Notre rapport annuel 2015, Monsieur le Président, met en lumière la situation, les évolutions, les manquements et les solutions préconisées au long de l’année, notamment à travers les Avis trimestriels. Ces indications, une fois données, m’amènent à présent à aborder la mission stricto sensu du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, le CNRA, qui porte sur l’enjeu fondamental des contenus, suivant plusieurs niveaux d’intervention.
Le monitoring, les saisines et les auto-saisines
Au moment de la mise en œuvre de la transition numérique sous l’égide du CONTAN, le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel avait déjà procédé à la modernisation de son système de monitoring face aux enjeux actuels de la convergence technologique.
Cet outil donne un accès aisé aux contenus et permet le suivi en temps réel de dizaines de télévisions et radios. Sa portée géographique, qui peut encore être étendue, en fait, à l’heure du numérique, un instrument indispensable au travail du Régulateur. Ce système a permis au CNRA d’identifier et répertorier des faits provenant d’un échantillon d’activités suivi par le service de monitoring et de documenter la production des Avis trimestriels, des mises en demeure et interpellations sur les manquements et dérives. Des faits qui ont ainsi pu être répertoriés, je choisirai de citer les suivants :
le non-respect de la diffusion et de la tenue régulière d’émissions ou de débats contradictoires dans les grilles de programmes du service public de l’audiovisuel,
la persistance des dérapages, des commentaires ne respectant ni la dignité́ humaine, ni la morale, ni la vie privée, à travers des revues de presse,
la publicité déguisée,
la diffusion et la forte médiatisation de propos pouvant porter atteinte aux institutions de la République, à l’unité nationale et à la paix sociale,
la forte médiatisation de dossiers judiciaires au détriment de la présomption d’innocence.
La promotion du charlatanisme et du prosélytisme religieux, par des prédicateurs, évangélistes et autres, défenseurs de pseudo-valeurs anachroniques ou franchement obscurantistes.
Attentatoires aux exigences de la décence ou de la vérité et susceptibles d’induire en erreur le public ou d’éveiller chez lui de chimériques espoirs, ces dérives sont illustrées dans les nombreuses émissions de radio et de télévision consacrées à la publicité accordée aux guérisseurs et aux produits de dépigmentation, la publicité déguisée ou subliminale du tabac et de l’alcool etc.
Les plaintes et saisines
Au cours de l’année écoulée, le Conseil a reçu un certain nombre de plaintes d’usagers portant sur les programmes audiovisuels. Accordant un traitement particulier à chacune de ces interpellations, notamment des plaintes et réclamations, le CNRA a rendu public un certain nombre de communiqués, d’observations et injonctions pour notifier sa décision. Le CNRA a pris contact avec la partie incriminée, lui a rappelé la disposition légale à laquelle elle doit se conformer, sous risque de sanction prévue, tout en privilégiant la pédagogie et n’ayant recours à la sanction qu’en dernier ressort, celle-ci n’étant pas assimilable à une punition, encore moins à de la vengeance
Les mises en demeure
Pendant l’année 2015, le Conseil a mis en demeure des opérateurs audiovisuels pour arrêt immédiat de diffusion ou de rediffusion d’émissions dont les images étaient contraires aux bonnes mœurs. Les opérateurs saisis ont généralement donné une suite positive et rapide aux rappels à la légalité en suspendant sans délais la diffusion d’émissions incriminées. Cela ne les a pas empêché de récidiver…
La diffusion des Avis trimestriels
Le CNRA publie, à la fin de chaque trimestre, un avis donnant des indications sur les déséquilibres et/ou sur le non-respect du pluralisme dans le secteur de l’audiovisuel, sur la période écoulée et qui portent atteinte à notre vivre ensemble, et droits et libertés collectifs et/ou individuels. Il propose les mesures et actions requises pour corriger les dysfonctionnements constatés.
Excellence, Monsieur le Président de la République,
Tel qu’il ressort de l’état des lieux du secteur et de la régulation de l’Audiovisuel, des outils manquent encore, qui sont principalement d’ordre juridique et législatif, pour atteindre la réussite complète de notre transition vers le numérique et celle de la Régulation de l’Audiovisuel.
Excellence, Monsieur le Président de la République,
Permettez-moi d’attirer, aujourd’hui encore, Votre Très Haute Attention sur des actions urgentes.
Concernant la TNT, ces actions sont relatives à :
la ratification par l’État du Sénégal de l’Accord GE06 ;
la création d’une société d’exploitation de la TNT
la réglementation de l’importation et la distribution des décodeurs autorisés sur le territoire national ;
la détermination du pourcentage de la ristourne distributeurs pour les décodeurs ;
l’ouverture d’un compte du Trésor pour le reversement de ressources tirées de la vente des décodeurs ;
la sécurisation du site principal du multiplexeur, au besoin dans une enceinte militaire, et des sites shelters.
Conscient de la nécessité d’accompagner le processus par un encadrement juridique adéquat et pertinent, le CONTAN a fait conduire une étude pour l’élaboration de projets. Les premières moutures de ces textes ont été transmises à vos services compétents, à la Primature, au Ministère de la Culture ainsi qu’aux représentants des différents ministères et agences membres du CONTAN. Nous attendons toujours le retour. Sur ce chapitre la cohérence des actions de l’Etat exige de chaque démembrement de celui-ci, de cultiver un esprit de synergie, de collaboration et de partage des savoirs et des savoir-faire, ce qui n’est pas toujours le cas.
Concernant la Restructuration et le Renforcement de l’Autorité de Régulation.
Pour mieux conduire les missions qui lui sont confiées, le CNRA a besoin de développer des capacités et compétences nouvelles qui lui procureraient une administration adaptée aux enjeux actuels :
Une évolution de la régulation s’impose, à l’heure des convergences technologiques, pour encadrer la production et la diffusion des contenus médiatiques par des nouveaux canaux et technologies, d’où la nécessité d’adapter et d’élargir le champ de compétences de l’autorité de régulation. Des propositions ont été formulées et soumises au gouvernement, portant sur :
l’implication du CNRA dans le processus d’octroi des licences d’exploitation de service audiovisuel ;
la révision des cahiers des charges,
l’autorité de régulation doit exercer la plénitude de sa mission, notamment en ce qui concerne les sanctions.
Au-delà de l’élargissement des compétences du CNRA, une réorganisation interne structurelle et un renforcement des capacités du Régulateur sont à l’ordre du jour. Avec la convergence des technologies de l’information et de la communication, les nouvelles opportunités de production et de distribution de contenus doivent nous inciter à un faire un meilleur maillage du territoire national grâce à des antennes locales. Le CNRA doit être plus visible dans les régions, plus présent pour tous, notre mission nous impose un contact permanent, une alliance responsable avec tous les acteurs des médias audiovisuels dans le sens le respect des principes et loi édictés par la régulation.
L’exemple de la France est illustratif : le Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA) compte 9 membres et une équipe de 300 personnes, en métropole et outremer. C’est à la fois une question de sécurité et de cohérence nationale.
Monsieur le Président de la République,
L’Etat doit s’impliquer pour la mise en œuvre d’un service de Médiamétrie. En effet, la mesure d’audience, nous permettra de disposer d’éléments statistiques d’une grande précision qui nous édifieront régulièrement sur, la qualité des programmes, la perception du public et la valeur réelle du marché publicitaire national.
L’Etat devrait jouer un rôle décisif dans le financement du service public, qui doit être soulagé de certaines contraintes économiques au regard de sa mission d’envergure nationale dans le respect du pluralisme et de la diversité. Nous devons de restructurer le secteur de la publicité pour permettre aux opérateurs privés de se réaliser dans un écosystème mieux encadré juridiquement, ce qui n’exclut pas, loin s’en faut l’accès du service public à la publicité encadrée. D’où l’idée émise par le CNRA, d’organiser les assises de la publicité en vue de réguler et d’assainir le marché avec les acteurs concernés sous l’égide de l’Etat.
La valorisation et la sauvegarde de notre patrimoine audiovisuel national est un impératif absolu dans notre quête identitaire comme ultime réponse face aux risques d’acculturation subséquents à la domination de logiques économiques transnationales sur nos exceptions et particularismes sociétaux. Le passage au numérique, c’est aussi une opportunité pour nous munir d’un service à forte valeur ajoutée de dématérialisation d’archives audiovisuelles, de transfert, stockage, transcodage et distribution de contenus vers tous types de plateforme, avec un très haut niveau de qualité de service.
Pour répondre à l’histoire, à l’accélération mondialisée de la production de sens, le Sénégal doit sauvegarder et valoriser son patrimoine culturel. Nous devons bâtir notre mémoire audiovisuelle nationale grâce à la mise en place d’une institution forte, entièrement dédiée à cette fonction à l’instar de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) en France. Notre passage au numérique, consacre la mutualisation des moyens de diffusion, libère des énergies qui pourront être réaffectées au renforcement de la dynamique audiovisuelle nationale. C’est aussi le moment pour réitérer notre appel à la création d’un fonds d’aide à la production (et à la coproduction) pour créer l’émulation, stimuler la créativité et améliorer la qualité des productions.
Sur le plan international, le Sénégal parmi d’autres pays frères, dans le cadre d’une alliance africaine appuyée par l’Unesco, en ce qui les concerne, pourrait négocier le rapatriement de tout le patrimoine audiovisuel qui est archivé, exploité par l’INA en France et la BBC pour ne citer que ces deux organismes.
Capitalisation des expériences et des résultats
Excellence, Monsieur le Président de la République,
Notre équipe peut faire état de trois expériences électorales récentes en matière de régulation : les élections locales le 29 juin 2014, le référendum tenu le 20 mars 2016 et, récemment, l’élection des membres du Haut Conseil des Collectivités territoriales du 5 septembre 2016. Le CNRA s’est acquitté des tâches liées à la supervision de tous les médias traditionnels comme numériques, sans appoint de ressources appropriées, en faisant preuve d’imagination et de créativité, en s’appuyant sur les compétences et les expériences disponibles en son sein comme au dehors.
Dans quelques semaines sera enclenché le processus devant nous mener aux élections législatives. Les exigences de la pré-campagne et de la campagne elle-même imposent une anticipation productive et concertée entre acteurs des médias, acteurs politiques et des autres segments de la société, afin de revisiter, partager, vulgariser les pré-requis et les règles qui s’imposent à tous. Si des ressources humaines, compétentes et crédibles, un appui matériel et financier conséquent n’accompagnent pas le processus, du point de vue de la régulation des médias et de la sensibilisation des acteurs sur l’ensemble du territoire, le travail du CNRA s’en trouvera d’avantage affecté, en termes d’efficacité, de pertinence et d’impact.
Monsieur le Président de la République,
Mesdames Messieurs,
Nous ne sommes pas seuls sur cette planète dématérialisée où globalisation rime avec hégémonie des « happy few ». Ces quelques bienheureux, ténors d’une mondialisation la fois débridée et inhibitrice pour ne pas dire castratrice, sous la baguette de quelques oligarques des nouvelles technologies et des réseaux sociaux.
Tous les échanges s’effectuent via des contenus produits par les géants américains du Web, surnommés les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), cartel dominant du Net, qui produit et vend l’information, la culture, les modes, les usages, le droit, l’alimentation, la santé, les rêves et provoque de nouvelles aspirations, besoins et modes de consommation et de comportements.
Si nous ne voulons pas rester sur les bords des autoroutes de l’information et de la communication, il nous faut produire et diffuser par nos propres outils, des contenus adaptés à nos objectifs et à notre quête d’identité, imposer notre capacité contributive. Cela passe, Monsieur le Président de la République par le réarmement de notre principal moyen de production et d’échange de contenus, l’agence de presse sénégalaise qui possède déjà les bases d’une véritable plateforme digitale primordiale pour produire et fournir des news, des images, du son, des données et des documents aux diffuseurs. L’APS, doyenne des agences africaines, doit être dotée de façon à s’imposer sur le plan national mais surtout régional africaine, voir international. Cela est possible, cela est faisable.
Monsieur le Président de la République,
Au mois d’octobre de l’année 2015, la commission de la CEDEAO, a bien voulu, suite à votre accord, me confier la présidence du Comité de pilotage du projet de Radio Télévision de la CEDEAO. Un hommage à votre leadership et à l’expertise du CNRA. Cependant, avec votre compréhension, nous estimons que les conditions ne sont pas encore réunies pour faire avancer conséquemment ce projet potentiellement fédérateur de la CEDEAO de peuples. Le champ risque là encore d’être laissé aux puissances extra-africaines qui pour mieux s’accaparer de nos ressources économiques et naturelles, s’emparent de nos esprits et de nos cœurs avec leur nouvelle ritournelle « l’Afrique est l’avenir du monde », – encore faudrait-il que l’Afrique soit l’avenir des africains. Toujours la problématique des contenus et l’impératif de la production de sens qu’offre cette formidable révolution numérique, si nous savons la saisir pour nous-mêmes et par nous-mêmes.
A cet effet, à l’instar de la BBC, de CNN ou de la HBO pour ne citer que celles-ci qui avaient un rayonnement national à leur création, la deuxième chaîne publique ou tout autre chaine publique ou privée pourrait se lancer dans l’aventure africaine voire internationale, si l’ambition et l’audace qui gouvernent le Plan Sénégal Emergent (PSE), irriguent et encadrent notre quête dans une dynamique de conquête d’audience élargie, de leadership et d’influence positive. Des initiatives ont vu le jour il y a une vingtaine d’année, d’autres subsistent Africâble, Africa24, Africa News, Ouest-TV. Mais on peut faire d’avantage.
Je sais, Monsieur le Président de la République que le volontarisme ne suffit pas. Mais il est des utopies réalistes. Si nous consentons à faire notre immersion-introspection dans les replis de notre âme profonde et notre conscience délibérative, nous pouvons y puiser l’audace de réaliser notre désir, notre part de rêve, de dompter cette révolution numérique qui nous vient du ciel.
C’est la seule façon d’éviter que le ciel – qui n’est plus une limite à l’aventure humaine – ne nous tombe sur la tête.
Monsieur le Président de la République,
Mesdames Messieurs,
Pour accompagner le Rapport de 2015, je souhaiterais, Excellence, vous remettre l’étude intitulée Analyse de la couverture Médias du Référendum du 20 mars 2016, réalisée par le CNRA. A présent, Excellence, Monsieur le Président de la République, je vous prie de bien vouloir recevoir le Rapport annuel 2015 du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel.
Je vous remercie de votre aimable attention.