C’est une première dans l’histoire de la RDC : l’opposition va se présenter unie aux prochaines élections. Martin Fayulu a été désigné candidat unique pour la présidentielle du 23 décembre. C’est le choix des sept principaux chefs de file de l’opposition, après trois jours de négociations à Genève, facilitées par la fondation Kofi Annan. Le candidat de la Dynamique de l’opposition ne faisait pas figure de favori face à Félix Tshisekedi de l’UDPS, et Vital Kamerhe de l’UNC.
De notre envoyée spéciale à Genève,
« Ça a été une élection à deux tours », explique l’un des sept leaders de l’opposition de République démocratique du Congo. Lors du premier tour, ils n’ont été que quatre à voter : ceux dont la candidature à la présidentielle a été validée à Kinshasa.
Ils pouvaient donner deux noms ; le leur bien sûr, et celui d’un de leur collègue. Aucun des quatre n’a choisi de voter pour celui qu’il considérait comme un concurrent direct. Et à ce jeu-là, ce sont les deux outsiders, Martin Fayulu et Freddy Matungulu, qui se sont retrouvés au deuxième tour.
Stupeur dans la salle. « La loi est dure, mais c’est la loi », aurait tout de suite reconnu Félix Tshisekedi, pourtant grand perdant de ce premier tour, et bien conscient de l’hostilité de certains cadres de son parti vis-à-vis de tout autre candidature que la sienne.
Au second tour, les sept leaders ont donc ensuite voté et élu Martin Fayulu à la majorité. Evidemment, cela défie tous les pronostics. « C’est quand même une leçon pour le FCC (Front commun pour le Congo, majorité, NDLR), une leçon de démocratie », commente un activiste.
Constant dans ses positions
A Genève, dans les états-majors des sept chefs de file de l’opposition, on voyait en Martin Fayulu un candidat honnête, constant dans ses positions, un véritable combattant, courageux dans les manifestations. Il va se battre jusqu’au bout contre la machine à voter, le fichier et des élections crédibles, insiste l’un des leaders de l’opposition.
Dans les rangs de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, Félix Tshisekedi) et ceux de l’Union nationale des combattants (UNC, Vital Kamerhe), quelques voix se sont élevées contre cette candidature commune que leurs leaders ont pourtant promis de respecter.
Mais plusieurs observateurs et cadres politiques estiment que c’est finalement un bon compromis contre lequel à l’est, comme au centre et à l’ouest, il n’y aura pas d’hostilité de principe, dans un pays où le vote est encore trop souvent ethnique.
Un mandat impératif
Le mandat du nouveau candidat commun, c’est avant tout de mener la coalition à des élections crédibles et transparentes, dit l’opposition, pour mettre fin à la crise de légitimité des institutions. Mais aussi pour lui permettre de jouer à armes égales, quand elle dit faire face aujourd’hui à une Comission électorale (Céni) au service du pouvoir.
Seule l’UDPS pensait encore pouvoir « battre la machine de voter et les 10 millions d’électeurs fictifs ». Mais pour Félix Tshisekedi, président du parti, comme pour les six autres chefs de file, il était tactiquement crucial pour l’opposition de désigner un candidat commun.
Et s’ils ont baptisé leur nouvelle coalition « Lamuka » (« réveille-toi » en lingala et swahili), c’est bien parce que ces sept leaders espèrent pouvoir compter sur la mobilisation de la population dans ce combat. Contre la machine à voter, le fichier électoral.
Vers une transition sans Joseph Kabila ?
Si les élections ne se tiennent pas le 23 décembre, ils entendent appeler à la démission des membres de la Céni comme de Joseph Kabila. Parce que l’accord qui lie ces sept leaders n’est pas basé que sur la confiance, mais sur un système de garantis, le candidat commun s’est également engagé à être avant tout le porte-parole de la coalition Lamuka, à tenir compte de l’avis des six autres, mais aussi à leur accorder, en cas de victoire, les postes nécessaires à un équilibre des pouvoirs entre eux, jusqu’à ce que des véritables élections les départagent.
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