L’ONG la Voix des sans voix a rendu hommage ce vendredi 1er juin à son fondateur, le défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya, assassiné il y a 8 ans, le 2 juin 2010, dans des circonstances troubles et à son camarade Fidèle Bazana disparu le même jour et dont le corps n’a jamais été retrouvé.
La commémoration a débuté au cimetière Mbenseke Futi de Kinshasa où Floribert Chebeya est enterré. Une dalle de béton, une modeste croix en bois et ce nom gravé : « Floribert Chebeya ». C’est sa sœur Adélaïde qui prend la parole en premier, non loin du lieu où le corps de son frère a été retrouvé. « C’était très affreux. Un traitement inhumain, dégradant, qui l’a amené jusqu’à la mort ».
Autour de la tombe et aux côtés des proches de Fidèle Bazana, des compagnons de lutte historique sont présents, mais également d’autres plus jeunes leaders de mouvements citoyens. Ils se disent héritiers du militant assassiné.
Ben-José Luendu, coordonnateur du mouvement Engagement citoyen pour le changement (ECCHA), rend un hommage appuyé à cette figure de la défense des droits de l’homme. « Floribert Chebeya, l’ambition des activistes se façonne en fonction de ton image, qui incarne la non-violence, le respect de la dignité humaine, la constance, l’intégrité, ainsi que votre sens très élevé du patriotisme ».
Une pensée pour Rossy Mukendi
Une cérémonie à la tonalité « particulière cette année », selon le directeur de la Voix des sans voix, Rostin Manteka, car elle est intervient quelques semaines après la mort d’un autre activiste des droits de l’homme, Rossy Mukendi, tué lors de la marche pacifique du 25 février, qui se présentait considérait comme un héritier de Floribert Chebeya.
Difficile pour eux de ne pas penser en effet à Rossy Mukendi. Gloire Watshipa, du mouvement Cocorico au sein duquel il militait. « Le procès de Rossy Mukendi Tshimanga a déjà débuté. Nous attendons et nous espérons que ce sera mieux que le procès de Floribert Chebeya, où nous avons vu que les vrais artisans de cet assassinat n’ont pas été inquiétés. Ils ont tué Floribert Chebeya, ils ont tué Rossy Mukendi Tshimanga. Et nous sommes là réunis aujourd’hui et nous le démontrons à la face du monde ». Deux générations réunies pour une même quête, disent-ils « de justice et de vérité ».
Une affaire qui n’avance plus
Une quête qui dure depuis huit ans, depuis que le corps sans vie du défenseur des droits de l’homme a été retrouvé dans sa voiture et que son compagnon Fidèle Bazana est porté disparu. Et si un procès a bien eu lieu en RDC, il laisse un goût d’inachevé aux proches des victimes. Le général John Numbi, inspecteur général de la police nationale à l’époque, n’a jamais été inquiété. Or, c’est dans ses locaux que Floribert Chebeya avait rendez-vous la veille du jour où son corps a été retrouvé.
Les familles dénoncent une parodie de justice et espèrent que la « vérité » viendra du Sénégal où depuis 2014 une procédure est également en cours. C’est là que vit Paul Mwilambwe, présenté comme un témoin-clé. En 2012 il avait affirmé avoir vu les assassins via une caméra de surveillance dans les locaux de la police. Cette procédure traine en longueur. Elle n’a pas connu d’avancée significative cette année. L’avocat du témoin a même porté plainte en février dernier pour « menaces et tentative d’assassinat ».
Les regards tournés vers le Sénégal
Mais Rostin Manketa, directeur exécutif de la Voix des sans voix, continue d’y croire. « Le fait que la justice sénégalaise ait été saisie pour nous, c’est quand même une avancée. Les deux veuves par exemple sont arrivées jusqu’au Sénégal, elles ont été entendues. Nous avons aussiun témoin clé, Paul Mwilambwe qui est au Sénégal. Mais je dois vous dire qu’il fait l’objet de filatures, l’objet de menaces parce que ceux qui ont tué Floribert veulent se débarrasser de lui. Donc au Sénégal, quelque chose bouge, mais peut-être avec un peu de lenteur. Mais nous demeurons optimistes à ce sujet. »
Rostin Manketa rappelle que dans cette affaire, le suspect numéro un n’a jamais été inquiété.« Dans l’assassinat de Floribert Chebeya, nous avons toujours parlé d’un suspect numéro un. Il s’agit du général John Numbi qui est en liberté, qui n’a jamais été inquiété ici en République démocratique du Congo. Je crois qu’à ce niveau-là, le général John Numbi, comme nous avons un témoin clé qui est là aussi, finira par répondre de ses actes parce que, pour nous, il demeure et demeurera le suspect numéro un. Tant que justice ne sera pas rendue à Floribert, le général John Numbi doit savoir qu’il est le suspect numéro un et que nous le considérons toujours comme tel. »
Rfi.fr