En RDC, à un peu plus de deux semaines du scrutin, le président de la Commission électorale, Corneille Naanga, a donné une conférence de presse vendredi à Kinshasa sur l’organisation du scrutin du 23 décembre pour rassurer ceux qui s’inquiètent à l’approche de l’échéance. Il assure que son pays connaîtra une transition apaisée en janvier prochain, « la première alternance de pouvoir pacifique, promet Corneille Naanga, en 60 ans d’indépendance », et même que les premières tendances seront connues dès le soir de Noël, le 25 décembre. « Je serai responsable de la bonne tenue du scrutin », assure-t-il.
« A ceux qui prophétisent le chaos » le 23 décembre, Corneille Naanga répond : « il n’y en aura pas ». Les retards dans le déploiement de la machine à voter qui inquiètent ? « Des rumeurs » rétorque le président de la Céni.
« Nous travaillons conformément à notre plan », assure-t-il. Une version pourtant contredite par plusieurs experts. Toujours pas question en tout cas de renoncer à la machine à voter pour revenir au vote papier. « Cela voudrait dire repousser » l’élection et la Céni « n’est pas prête à ça », explique Corneille Naanga.
Le président de la Céni reconnaît toutefois « un point critique » : les procès-verbaux et fiches de résultats vierges sont toujours en cours d’impression en Afrique du Sud. 380 tonnes de matériel qu’il va falloir réceptionner et déployer avant le 23 décembre.
Une minute pour voter pour trois scrutins
A propos de la durée du vote qui inquiète là aussi, dans la mesure où les Congolais ne sont pas familiers de la machine à voter, Corneille Naanga répète que selon ses expérimentations, il faudrait moins d’une minute à chaque électeur pour voter pour trois scrutins, ce que contestent là aussi dans plusieurs rapports.
Il promet toutefois qu’au besoin les bureaux de vote prévus pour fonctionner entre 6h et 17h resteront ouverts au-delà au besoin. « Toute personne arrivée au bureau de vote avant 17 h sera autorisée à voter », même si çela doit « dépasser minuit » assure-t-il. Toujours dans l’optique de vouloir rassurer, Corneille Naanga répète enfin que les machines ne serviront qu’à imprimer le bulletin le jour du vote. Et que le décompte des voix se fera sur la base du dépouillement de ces bulletins papier, et non des résultats de la machine à voter.
L’inquiétude d’Antonio Guterres
Corneille Naanga a beau vouloir se montrer rassurant, cela ne suffit pas à calmer l’inquiétude de l’ONU. Dans son courrier mensuel au Conseil de sécurité de l’ONU, son secrétaire général Antonio Guterres s’alarme de « l’ampleur de la méfiance exprimée par la société civile » et « l’opposition » à l’égard de plusieurs « éléments clefs » du scrutin comme les machines à voter et le fichier électoral.
Il regrette en particulier que « les consultations techniques » entre la Commission électorale et les candidats à la présidentielle n’aient pas progressé. Aucune nouvelle réunion entre le 27 octobre et le 26 novembre pour dissiper les sujets de tensions ce qui d’après lui laisse présager d’une contestation post-électorale qui pourrait « compromettre la consolidation de la paix » et avoir « d’importantes ramifications régionales ». Antonio Guterrres exhorte donc toutes les parties prenantes « à dépasser leurs intérêts partisans » pour rechercher un « consensus ».
Le secrétaire général se félicite tout de même des « progrès constants accomplis dans la mise en œuvre du calendrier électoral » et de voir que « dans la majorité des cas », les partis d’opposition ont pu mener des activités « dans les grandes villes de manière pacifique ». Mais ce constat est rapidement nuancé. Il déplore que ces « activités politiques légitimes continuent d’être autorisées de manière sélective », et que « des militants, journalistes et défenseurs des droits humains » continuent d’être « intimidés ». Il appelle les autorités à « défendre la liberté d’expression et de réunion pacifique » et les exhorte « à permettre à tous les acteurs politiques d’avoir accès aux médias publics ».
Le point sur le déploiement des machines à voter
Il y a encore un mois, la Céni espérait avoir fini de transporter l’ensemble des machines à voter du port de Mombasa vers Bunia d’ici au 18 novembre. Par la route, pour ensuite en acheminer une partie, plus de cent tonnes, par avion vers deux autres centres logistiques, à Buta dans la province du Bas Uélé et à Kisangani, chef-lieu de la Tshopo. Les routes qui mènent à ces deux provinces étaient considérés en trop mauvais état. Finalement, pas d’avions, c’est par route que ces machines sont acheminées. Les derniers containers ont quitté Bunia il y a tout juste une semaine, selon un responsable local de la Céni. La société civile, elle, assure avoir encore vu des camions vendredi 7 décembre soir se préparer à prendre la route, sans être capable d’en déterminer la destination.
A Kisangani, même histoire, la Céni assure avoir déjà fini le déploiement de la province. Mais du côté de la société civile, on dit avoir été invité cette semaine seulement par la Commission électorale à voir certains containers sur les 14 annoncés et des caisses noires qui contiendraient les fameuses machines. « On ne sait pas si toutes les machines sont arrivées, mais elles sont arrivées en retard par rapport au plan de déploiement », assure l’un d’eux. Un des leaders de l’opposition dans cette même ville est plus sévère encore, il assure que seuls 152 appareils sont disponibles, ce qui serait, dit-il, « insuffisant même pour couvrir les bureaux de vote de Kisangani ». D’autres encore assurent que certaines machines sont arrivées par bateau depuis Kinshasa avec le reste du matériel électoral, alors que ce n’était pas prévu.
Comme l’opposition et la société civile, des journalistes locaux se disent dans l’incapacité de vérifier les dires de la Céni, faute d’accès.
Pour ce qui est des retards dans le calendrier, les machines à voter ne sont pas les seuls sujets d’inquiétudes. « Où sont les listes d’électeurs ? », elles devraient déjà être affichées dans les centres de vote, dénoncent des activistes de la Tshopo. « Où sont les cartes d’accréditations pour nos témoins ? », réclament les opposants à Kisangani. Tout sera prêt à temps, se contentent de leur répondre les responsables de la Commission électorale.
En 2011, malgré un soutien logistique de l’ONU et de plusieurs pays de la région, des bureaux de vote avaient ouvert en retard et les opérations avaient dû durer plusieurs jours. Pour ce cycle électoral, le gouvernement congolais a décidé de se passer des moyens aériens de l’ONU, malgré une résolution du Conseil de sécurité.
Rfi.fr