Il est en état de siège. En effet, en dépit de l’ouverture officielle de la Rentrée des classes pour les élèves, ce 09 Octobre 2017, le Collège Eyup Sultan reste quadrillé par les forces de l’ordre.
Dans cette ambiance inédite, l’Administration du Groupe Scolaire Eyup Sultan, qui s’est rendue, ce matin, audit Etablissement, sis à Sacré-coeur 3, a été parcourue de frissons, lorsque des éléments des forces de sécurité et de défense y ont fait irruption, pour la déloger des lieux.
Actusen.com, qui a fait un petit détour sur les lieux, a trouvé des responsables de l’Administration, des parents d’élèves et des potaches, dépassés par la tournure des évènements. Et qui en veulent tous à mort à l’Etat sénégalais.
Le Collège Eyup Sultan dit en avoir la certitude, clé en main : «l’école est victime d’une confusion et ne devrait pas vivre le même sort que Yavuz Selim, puisque l’Association qui a créé Yavuz Selim n’est pas la même que celle qui a créé Eyup Sultan», déclare à qui veut l’écouter l’Administration du Groupe Scolaire.
9 Octobre 2017, il est 10 heures. Devant le Groupe scolaire Eyup Selim, où s’est rendu, ce matin, Actusen.com, une dizaine de personnes sont trouvées sur place. Toutes anxieuses. Certaines, assises sur des bancs ; d’autres font des cents pas. Et ne comprennent plus rien à rien du tout.
Dans la cour de l’école, des travaux inachevés. Point d’élèves. Encore moins de parents d’élèves. Sur les lieux, ce sont plutôt des hommes de tenue, qui occupent le décor. Ils ont dépassé le Cycle moyen, mais ont pris la place des mômes, interdits de rejoindre leurs salles de classes.
Abdoulaye Ndiaye, Gestionnaire du Collège Eyup Selim : «depuis le début, il y a une confusion. Les Associations, qui ont créé Yavuz Selim, ont été abrogées et il (l’Etat) leur a retiré l’autorisation, alors que Eyup Sultan a été créée par l’Association «bahadre»
Alors que les parents d’élèves ne savent plus à quel Etat se fier et se posent des questions sans réponses sur la décision des autorités sénégalaises d’envoyer des policiers en lieu et place des élèves, la Police, comme pour les narguer, amène des renforts.
Abdoulaye Ndiaye, Gestionnaire du Groupe Eyup Selim, explique : «depuis plus de 9 jours, on n’arrive pas à accéder à nos bureaux. Depuis le début, il y a une confusion.
Les Associations qui ont créé Yavuz Selim ont été abrogées et il (l’Etat) leur a retiré l’autorisation, alors que Eyup Sultan a été créée par l’Association «bahadre» qui veut dire lumière et qui est indépendante de l’autre association et qui est de droit sénégalais” clarifie-t-il.
Au micro de Actusen.com, il ajoute : “nous l’avons porté à l’appréciation du ministre de l’Education nationale, qui nous avait promis de prendre les décisions qu’il faut et qu’à partir du lundi 09 Octobre 2017, il va mettre en place une Administration provisoire qui permettra aux enseignements de démarrer».
Dans la foulée, certains responsables de l’Administration de l’Etablissement rodent autour de celui-ci, essayant de rassurer certains parents et leurs enfants, dont certains sont venus de loin avec leurs bagages, car l’école compte aussi un Internat. «Nous communiquons avec les parents d’élèves, cette situation nous dépasse tous et nous attendons quelque chose venant de l’Etat pour que tout redevienne à la normale».
Un parent d’élève : «nos enfants sont perturbés, parce qu’un enfant de 11ans qui vient à l’école et qui trouve des hommes armés comme pour aller en guerre et un commissaire qui ne veut pas parler aux gens… »
Debout en face de l’Etablissement, Khalifa Ndiaye est un parent d’élève très inquiet de la situation. Habillé en boubou traditionnel, de couleur grise, il peste : « j’ai mon enfant qui est dans cette école. Ce matin, nous avons trouvé des hommes armés nous empêchant d’entrer dans l’Etablissement et nous ne pouvons pas continuer à venir pour rester dehors avec nos enfants».
Si Khalifa Ndiaye se perd d’autant plus dans des conjectures, c’est parce que, dit-il, «nous sommes entre le marteau et l’enclume, l’Administration de l’école n’est pas sûre de ce qui va advenir. Elle dit qu’elle ne fait pas partie du Groupe Yavuz Selim.
Or, dans les autres écoles, l’Autorité étatique permet d’entrer au niveau de l’Etablissement, alors qu’ici, même l’Administration ne peut accéder à l’établissement».
«Dans cette école, il n’y a aucun Turc et il y a un enseignement de qualité. Nous dénonçons vivement cette façon de faire de l’Etat, parce que…»
Habité par un flot de questions sans réponses, ce parent d’élève râle : «on ne peut pas accepter que l’Etat sénégalais interdise à ses propres enfants le droit à l’éducation, quels qu’en soient les problèmes qui existent entre Erdogan et l’Etat. Nous dénonçons vivement cette façon de faire de l’Etat, parce qu’il sera responsable de tout ce qui adviendra demain.
Le problème de l’Etat ne nous concerne pas, ce qui nous intéresse, c’est l’enseignement. Les élèves devraient être le premier intérêt de l’Etat sénégalais. Dans cette école, il n’y a aucun Turc et il y a un enseignement de qualité », conclut-il.
Les parents d’élèves trouvés devant l’Etablissement en veulent d’autant plus à l’Etat sénégalais que, selon eux, leurs enfants sont perturbés, psychologiquement, par la présence de forces de l’ordre lourdement armées, comme si elles allaient en guerre.
«Nos enfants sont perturbés, parce qu’un enfant de 11ans qui vient à l’école et qui trouve des hommes armés comme pour aller en guerre et un commissaire qui ne veut pas parler aux gens, va être obligatoirement marqué pour longtemps.
Nous ne sommes vraiment pas dans un Etat de droit, qu’ils (Ndlr : nos gouvernants) arrêtent de faire des erreurs diplomatiques que paient, malheureusement, cher les élèves qui ne sont que des victimes innocentes», dénonce un autre parent d’élève.
Dans la même veine, M. Gningue, Professeur de français, espère que la situation change d’ici à peu de jours. Car, selon lui, l’école ne devrait être dans cette situation. «D’après M Ba, le Directeur du Collège sultan, l’Ecole ne fait pas partie du Groupe Yavuz Selim ; donc, les policiers ne devraient pas être là, parallèlement à Yavuz Selim », explique M. Gningue.
Et, cet Enseignant nourrit une crainte : «nous avons peur que les parent retirent leurs enfants, pour les mettre dans d’autres établissements».
Youssouf Dieng, un élève en classe de 5e : «je tiens à dire que ce n’est pas normal ce qui nous arrive»
Mais ce ne sont pas seulement les parents et le personnel du Collège sultan qui ont la mémoire balafrée par l’interdiction à eux faite d’accéder sur les lieux. Les potaches, eux également, en ont marre de cette situation. Youssouf Dieng, un élève en classe de 5e, assis devant l’Ecole, attend patiemment sur sa chaise.
Verre correcteur sur le bout du nez, l’élève paraît timide. Dépassé par son Etablissement en état de siège, il peine à piper mot. Mais plus les minutes passent, plus il ne put s’empêcher de fustiger le sort qui est réservé aux élèves de l’Ecole. «Je tiens à dire que ce n’est pas normal ce qui nous arrive», lâche-t-il, amer.
Et, ne lui demandez surtout pas si, dans ses plans, figure l’idée de changer d’Etablissement. Car sa réponse tombe sèche : «je suis inscrit depuis l’année dernière, je ne souhaite pas changer d’école parce que la qualité est de mise, ici», balance-t-il à la figure de son interlocuteur.
Anna Alberta Mendez, Stagiaire à Actusen.com