Saliou, ainsi tu confirmes ce que dit un jour quelqu’un de notre génération. « Prenons soin de nous visiter, car les prochaines présentations de condoléances peuvent être pour nos familles ». Et voila qu’à ton tour, tu vas manquer à l’appel ; celui du Tribunal des Pairs du CORED dont tu étais un distingué membre.
Tu ne répondras pas quand ta chère épouse Ndèye Sokhna BA te demandera pourquoi tu es parti maintenant alors que tout dans ta vie, semblait te toujours préparer à l’offensive chaque fois qu’il y avait un défi à relever, pour elle la mère de tes enfants Abdourahim, Pape Cheikh, Ndèye Bineta et Souleymane leur aîné qui porte si bien le nom de ton oncle Souleymane Ndiaye Asecna, celui que j’ai personnellement senti te couver, avec toute la rigueur d’un bon éducateur, très attentionné et tout aussi ferme sur les principes.
Et je revois Ousmane ton grand frère dans la salle d’attente de la clinique où tu as rendu ton dernier combat pour la survie, samedi matin 13 octobre. Il y a huit jours déjà. Calme et méthodique, Ousmane, s’occupant des ultimes détails avant l’ultime prière que tout le monde souhaite qu’elle soit celle qui va t’ouvrir les portes du Paradis, après que tu avais fini d’accomplir le cinquième pilier de l’Islam. Une vie de piété accomplie.
Je revois aussi ton ami et confident de toujours Mamadou Amath qui se surprend à se sentir soulagé de savoir que tu ne souffrais plus.
Il y en a d’autres, beaucoup d’autres encore que ta générosité et ton engagement ont pu aider durant ton séjour su terre, à surmonter des difficultés, à passer des obstacles et éviter des pièges. Pour certains, tu as été comme une école de la vie.
Sont de ceux-là un certain Sidy Gaye qui il y a quelques jours, racontait post mortem, la manière – lui dit autorité – avec laquelle tu lui évitas de tomber dans les travers de la petite corruption qui frappe le monde de la presse, les jeunes reporters notamment. Alors que tu ne l’avais précédé que d’une année à l’école de journalisme (6eme et 7ème Promotions du CESTI), tu semblais avoir déjà une bonne longueur d’avance sur lui, côté caractère et compréhension des exigences de la Profession.
Ce jour-là, se souvient encore Sidy, tu l’avais fermement mis en garde parce que tu devinais les intentions derrière une invitation faite aux journalistes, de retourner sur le terrain d’une activité promotionnelle d’une banque de la place de Dakar. Le jeune stagiaire ne comprenait rien à la pratique corruptrice des institutions, qu’elles soient privées ou d’Etat dans leurs rapports avec les médias. Ton injonction d’alors sert toujours à son destinataire d’mais plus largement à d’autres de tes confrères qui t’ont côtoyé, connu, pratiqué.
Ce qui donne de toi l’image et la réputation de journaliste intègre, remonte à ton éducation familiale certes ; ton passé de militant de Gauche a incontestablement contribué à te façonner un caractère qui t’a toujours poussé à te méfier de l’argent facile. Les interminables réunions de nuit durant la période de la clandestinité, les joutes publiques dans lesquelles tu n’as jamais renoncé à tes convictions, ont forgé en toi un caractère fait de probité et de générosité dans les échanges intellectuels et politiques.
Me revient le souvenir de cette réponse servie à Sud Quotidien, le jour où j’ai voulu t’inscrire dans l’agenda des chroniqueurs hebdomadaires. Tes brillantes contributions épisodiques au titre d’éditorialiste invité avaient séduit. Tu répondis à ma proposition de la manière la plus courtoise mais tout aussi ferme, comme à ton habitude : « non, ne m’enferme pas dans des calendriers. Laisse-moi la liberté d’écrire chaque fois que je serai indigné par un fait de gouvernance politique dans le pays ».
Je pense encore à la réaction de Diatou Cissé Badiane à l’annone de la liste des membres du Tribunal des Pairs. « Je suis rassurée, Saliou dans le mécanisme d’autorégulation, personne ne doutera de la crédibilité de cette instance du CORED ». Madame l’alors Secrétaire générale du Synpics savait de quoi elle parlait. Elle s’était personnellement beaucoup investie pour la mis en place d’une structure ayant vocation à mettre de l’ordre dans la pratique du Journalisme au Sénégal.
Cette attitude dont tu ne t’es jamais départi a jalonné ton parcours de journaliste. Et c’est ce que tous les témoignages ont retenu de toi : un professionnel rigoureux et intègre. Tu rejoins quelqu’un qui n’hésita pas à te proposer, dès que saisi du besoin de l’Agence espagnole EFE d’avoir un correspondant à Dakar.
Le Directeur de l’Agence de Presse Sénégalaise avait depuis une bonne dizaine d’années déjà, su évaluer et tes compétences et tes qualités morales. Tu ne t’étais pas contenté de cela. Voulant toujours être parmi les meilleurs, tu t’inscrivis au Centre Africain d’Etudes Supérieures en Gestion (CESAG) de Dakar.
Après plus de deux décennies au titre de correspondant permanent de EFE, tu as réussi à marquer de ton empreinte, la presse espagnole qui s’intéresse à l’Afrique. A ceux-là tu manqueras forcément. Mais aussi à tes confrères partout en Afrique. C’est aussi cela une marque des Grands Hommes. Merci Saliou. Repose en paix !