Dans la loi des Finances 2019, nous voyons clairement que le gouvernement de Macky Sall espère financer les projets de prestige durant les cinq prochaines années par le biais de l’endettement massif. L’endettement de manière générale n’est pas mauvais, mais l’endettement du Sénégal est très mauvais vu la manière dont les ressources mobilisées sont allouées. Quand un gouvernement s’endette massivement pour des projets improductifs, ce gouvernement est en train de trahir son peuple et les générations futures. Le septennat du président Sall peut être résumé en cinq mots : corruption, laxisme, amateurisme, impunité et irresponsabilité. Pensons-nous que le quinquennat sera différent ?
Historique
Les dettes se sont caractérisées dans les années 60 par des prêts concessionnels ou des dons. Les deux chocs pétroliers des années 70 ont aussi affecté la dette des pays pauvres. Dans le début des années 80, le dollar américain a grimpé et cela a affecté la dette des pays pauvres qui étaient majoritairement endettés en dollar tout en aidant les pays qui exportent vers les Etats Unis d’Amérique. Les importations devenaient aussi très chères pour les pays pauvres et augmentaient leur dette. Il faut comprendre que la dette du Sénégal a une forte composante étrangère, en devises et des taux d’intérêt souvent exorbitants. L’Etat nous dit que « tous les pays du monde ont recours à l’emprunt et que les pays les plus riches sont les plus endettés ». Rappelons juste que nous faisons partie des pays les plus pauvres du monde. Vers la fin des années 90, il y avait une campagne pour l’annulation de la dette pour l’an 2000. C’est ainsi que 24 millions de signatures ont été obtenues pour l’allègement de la dette. Par conséquent le FMI, la BM, et les créditeurs bilatéraux ont accepté d’alléger la dette, et même de la supprimer dans certains cas. Tous les pays qui avaient bénéficié de cet allégement de la dette se sont encore massivement endettés en si peu de temps. La dette est nécessaire, car elle permet de financer des investissements dont le pays a besoin et aussi pour substituer le manque à gagner pour enfin atteindre le développement. La manière dont le Sénégal s’endette est très dangereuse et nous mènera directement vers le surendettement qui ralentira la croissance et créera le doute dans la tête des investisseurs étrangers. Cela les poussera à investir dans les projets qui offrent un retour sur investissement rapide. C’est ainsi que nous verrons des investissements sans impact sur l’emploi ou la pauvreté. Pour éviter cela, le gouvernement risque de ne pas procéder à des réformes fiscales comme indiquées dans la loi des Finances de 2019. Chaque année, le Sénégal alloue une importante part de son budget au remboursement des intérêts de la dette, hors principal. Les dirigeants nous disent souvent que cet endettement est justifié pour le financement des infrastructures. Or, ces infrastructures ne sont pas productives et cela crée une tension de trésorerie due à des décisions financièrement inopportunes.
La politique de la dette
Depuis 2014, le Sénégal s’est lancé dans un plan économique dit Plan Sénégal Emergent en vue de faire décoller son économie. La croissance du Sénégal était toujours à moins de 5 % jusqu’à la mise en place du PSE. La dévaluation du F CFA ne doit pas être négligée, car elle a permis à notre croissance d’accroître à 5 % pour la première fois et à l’inflation de décroître jusqu’à 0,8 %. Ce PSE a permis à notre croissance d’accroître cependant cette croissance est une croissance extravertie et exclusive. Ce que le PSE a oublié de faire, c’est de développer d’une manière sérieuse le secteur agricole, qui emploie la majeure partie de la population pour combattre le chômage et la pauvreté. Le développement du secteur agricole aurait été une marche vers l’industrialisation du Sénégal. Il y a un déficit dans la santé, l’éducation, les infrastructures pour le développement du Sénégal, cependant, l’Etat a insisté sur le fait de vouloir combler le déficit en infrastructures avant de commencer la marche vers l’industrialisation. Cependant, le gouvernement nous dit qu’il faut sortir de la dette pour comprendre la dette, nous analyserons dans ce cas les paramètres extrinsèques à la dette.
Le système fiscal au Sénégal est un autre grand problème. Les exonérations fiscales dotées aux entreprises étrangères ont coûté au Sénégal des centaines de milliards sans créer assez d’emplois pour une population très jeune. Nous ne disons pas d’arrêter les exonérations fiscales d’une manière brusque, mais plutôt d’une manière progressive en mettant en place des programmes pour la création d’emplois au Sénégal. Une réforme fiscale dans le moyen terme s’avère très importante pour élargir l’assiette fiscale en essayant de formaliser le secteur informel pour recouvrer des centaines de milliards de F CFA par an.
Dans le cadre sociopolitique, il faut noter avec les élections de 2019, un problème majeur de consensus social avec les opposants décriant la victoire du président Sall. Cette attitude peut être mal vue par les investisseurs, cependant, il faut juger l’aspect général allant de l’emprisonnement et l’exil de potentiels adversaires politiques, du parrainage pour enfin mener vers la victoire du président Sall. Comment sera-t-il possible de gouverner durant le quinquennat sans dialogue avec l’opposition ni une reconnaissance réelle d’une victoire du président Sall ?
Les mesures sociales du gouvernement qui ont été mises en place durant le septennat du président Sall ont été pour la plupart électoralistes. Des mesures ont été prises pour alléger la pauvreté dans le milieu rural, mais ces mesures sont pour la plupart des mesures d’urgence. Sans vrai plan en place, nous verrons ainsi un phénomène de mort-né dans la mise en place de la CMU et des bourses sociales. Aucun plan dans le long terme n’a été mis en place pour que l’Etat dépense de manière efficiente de l’argent dont il dispose.
Avec la reconstitution du PIB, certains pays comme le nôtre ont vu leur taux d’endettement baissé pour ne pas dépasser le seuil traditionnel fixé dans la région. Certes, tout pays a besoin de s’endetter pour assurer son développement, mais tout pays a aussi besoin de financer avec cet argent emprunté des projets productifs. Ces investissements productifs nous permettront de nous auto-financer dans le futur pour sortir de ce cercle vicieux d’endettement.
Le debt overhang, aussi appelé surendettement, est un fardeau de dette si important qu’une entité ne peut pas s’endetter davantage pour financer des projets futurs. Les mauvais choix du septennat se feront davantage sentir durant le quinquennat du président Sall.
Mohamed Dia, Consultant bancaire
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