Des déplacés et des morts ont toujours été enregistrés lors d’élections, sources de beaucoup de conflits sanglants en Afrique. Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA) exprime sa vive préoccupation face à la situation qui prévaut actuellement au Sénégal. En effet, suite au projet de loi sur le parrainage qui est sur le point d’être voté par les députés à l’assemblée nationale, une tension est observée entre l’opposition et le pouvoir en place. D’après nos enquêtes, ce projet de loi n’est pas faisable, ni matériellement ni techniquement. Ce projet qui se veut équitable d’une part et un moyen de limitation du nombre pléthorique de candidats d’autre part, il s’avère que les candidats indépendants en sont exclus. Ainsi, la réforme relative au parrainage est le recul démocratique le plus notoire au cours de ces deux dernières décennies. Elle nous renvoie aux premières années « senghoriennes » de par sa non-conformité à la constitution et du fait du verrouillage effectué par l’article 103 de la Constitution, d’après le dernier ouvrage relatif à la réforme du 20 mars 2016, du Professeur Ismaïla Madior FALL.
En effet, ce dernier affirmait que c’est pour qu’un nouveau 23 juin n’ait plus lieu dans le pays que les conditions relatives aux modes d’élections du Président de la République ont été insérées dans une clause d’éternité. Après avoir tenté une médiation en tant qu’observateur de la société civile, en demandant au pouvoir de surseoir au projet de loi sur le parrainage, force est de constater pour le regretter, que ladite médiation est demeurée infructueuse. En constatant la violation de la Constitution en son article 103 et aussi le changement anticonstitutionnel au regard de la charte africaine de la démocratie des élections et de la gouvernance dans son paragraphe 23 alinéa 5, ADHA rappelle que la liberté de manifestation permet à tous les citoyens d’exprimer, à titre individuel ou collectif, leur désaccord et de chercher à influencer ou renforcer les processus d’adoption des décisions politiques. Le droit de manifester est garanti par l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Ce droit étant également garanti par l’article 11 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP).
La période pré-électorale est assurément une période test pour les droits humains et la gouvernance. L’expérience de 2012 a montré que les membres de l’opposition, les défenseurs des droits humains, les organisations de la société civile et les électeurs sont confrontés à un risque élevé de graves violations des droits humains dans le cas où ils tenteraient de faire entendre leurs opinions dissidentes. Action pour les Droits Humains et l’Amitié ADHA interpelle ainsi la commission africaine et recommande vivement : de respecter le droit des libertés d’expression et de manifestations pacifiques du peuple sénégalais comme le stipule la Constitution ; aux différents candidats de préparer et d’aller aux élections présidentielles dans la paix et la sérénité; au gouvernement de surseoir au projet de loi sur le parrainage, de veiller à la liberté d’expression, à la transparence et à la régularité des élections, à la société civile, à la CEDEAO, à l’Union Européenne et à la Communauté Internationale d’accompagner le Sénégal jusqu’au terme du processus électoral.
Fait à Dakar, le 19 Avril 2018.
Adama MBENGUE Président ADHA