Dans ma précédente contribution, j’annonçais que dans une toute dernière, je me prononcerais sur les candidatures de Monsieur Madické Niang et du Pr Issa Sall. Le lecteur se rappelle aussi que je faisais état d’attaques dont je pourrais être l’objet, pour avoir posé des questions que certains compatriotes considèrent comme taboues, surtout si elles concernent leurs candidats. C’est effectivement arrivé : j’ai été copieusement servi, ce qui ne m’a pas le moins du monde dérangé. De ce point de vue, je suis vacciné. On me reproche notamment de m’être arrogé le droit de juger des candidats. Je n’ai jugé aucun candidat. Á quel titre le ferais-je ? J’ai plutôt posé des questions sur des compatriotes qui aspirent à nous gouverner. Comme nous avons raté deux fois le coche et voté pour presque rien, si on considère la grosse déception qu’ont représentée pour nous l’alternance du 19 mars 2000 et celle du 25 mars 2012, j’avais bien le droit de tenter de mettre en garde mes concitoyens et mes concitoyennes : nous devrions éviter de nous tracasser encore pour rien ou presque, pour une troisième alternance sans alternative, qui inscrirait sa gouvernance dans ce vieux système que nous vivons depuis 59 ans. C’est exactement dans cette perspective que je me suis posé des questions sur les deux premiers candidats de l’opposition, seulement des questions de clarification.
Je serai moins long avec les deux derniers candidats. Pour commencer par Me Madické Niang, c’est un homme aimable et courtois pour qui j’ai beaucoup d’estime et de respect. J’ai loué aussi son courage et son réalisme. S’il n’avait pas pris ses responsabilités, le PDS n’aurait été pas présent à l’important scrutin de demain. Il y a aussi qu’il a apporté une touche personnelle à toute la campagne électorale : il l’a détendue tout en tirant son épingle du jeu. Un ami me faisait remarquer qu’il a été l’une des révélations de cette campagne. Certainement. Cependant, nous n’oublions pas qu’il a accompagné le vieux président-politicien pendant ses douze années de gouvernance qui ne nous a pas laissé que de bons souvenirs. Loin, très loin de là d’ailleurs ! Me Niang a été son Ministre des Mines et de l’Energie (2002-2006), puis des Mines et de l’Industrie (2006-2007). Il sera ensuite nommé Ministre d’Etat, Garde des Sceaux Ministre de la Justice (2007-2009), enfin Ministre d’Etat, Ministre des Affaires étrangères (2009-2012). Il est donc certainement compétent et a ce qu’on appelle chez nous l’expérience. Cependant, son nom est lié à ce qu’on raconte sur l’or de Sabodala. Il figurait surtout sur la liste des 25 de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CRÉI. Ce candidat peut-il donc incarner les ruptures profondes que nous attendons depuis 59 ans ? Il appartient aux électeurs et aux électrices de répondre demain à cette question.
L’autre candidat, c’est le Pr Issa Sall que je ne découvre que depuis les élections législatives du 30 juillet 2017. Je ne le connais donc pas bien mais j’ai suivi attentivement sa campagne électorale. Il me laisse l’impression d’un homme sérieux, franc, naturel, agréable. En outre, il a fait des propositions pertinentes et n’a pas laissé les gens indifférents. Il inspire, il m’inspire confiance jusqu’à preuve du contraire. Cependant, on le présente comme étant le candidat d’une partie importante d’une communauté religieuse, exactement d’une confrérie. Ce que je ne lui reproche point, n’en ayant aucun droit. La question je me pose est seulement celle de savoir quelle serait sa position, son taxawaay vis-à-vis de cette communauté et de son guide s’il était élu Président de la République.
Le candidat qui sera élu le 24 février 2019 ou, au plus trois semaines après, en cas de second tour, devrait être un Président de la République dont l’élection s’explique non par une quelconque appartenance (ethnique, religieuse, confrérique ou autre), mais par sa seule capacité de répondre (positivement) à nos attentes de 58 ans. Un Président de la République qui sera en tous points de vue un modèle : compétent, vertueux, juste, aimant profondément le pays, respectueux de tous ses concitoyens et de toutes ses concitoyennes, du bien public comme des engagements pris. Un Président de la République digne, vraiment digne de la fonction et plaçant l’intérêt supérieur de la Nation au-dessus de toutes autres considérations. Ce Président de la République qui s’entoure d’hommes et de femmes à son image, et exclut toute idée d’associer au pouvoir sa famille et/ou quelque lobby que ce soit.
Ces temps derniers, nous avons entendu des discours qui font froid dans le dos. Chrétiens, musulmans, athées, tidianes, mourides, toucouleurs, diolas, wolofs, sérères, etc., nous avons toujours vécu dans la bonne entente. Les fanatiques auteurs d’aussi dangereux discours s’écartent carrément du chemin exemplaire tracé par les prestigieux chefs religieux dont ils se réclament. La qualité d’un Président de la République ne se mesure pas à une quelconque appartenance, mais à ses qualités intrinsèques, à sa capacité de bien gouverner le pays, conformément aux attentes des uns et des autres. Je préfère un tel Président de la République, fût-il athée, à un autre, musulman, chrétien, mouride, tidiane ou autre, qui n’a de respect pour rien : ni pour sa parole, ni pour l’intérêt supérieur de la Nation. Le 24 février 2019, contrairement à l’appel au boycott du vieux président-politicien qui a son avenir derrière lui, prenons en masse le chemin de nos bureaux de vote respectifs, munis de notre carte d’électeur et laissant derrière toutes les considérations subjectives, pour élire un des candidats de l’opposition qui, faute de réunir toutes les qualités que j’ai évoquées plus haut, en incarne au moins quelques-unes ! Sans doute, nombre de nos compatriotes choisiront-ils de rester à la maison et de laisser leurs cartes dormir quelque part. C’est certainement leur droit, mais ce droit est voisin de l’irresponsabilité, d’un déficit notoire de citoyenneté.
Je me permettrai aussi d’interpeller les quatre candidats de l’opposition, après m’être posé des questions sur chacun d’eux. Le président-politicien et son camp ont tout mis en œuvre pour tricher. Ils ont commencé d’ailleurs à dérouler leurs diverses stratégies depuis de longs mois, avec ce Ministre de l’Intérieur et ses services, en particulier avec ce responsable de la Direction de l’Automatisation du fichier (DAF), un fonctionnaire qui a fait prévaloir ses droits à une pension de retraite depuis quatre ou cinq ans, dit-on. Un fonctionnaire certainement en service commandé, et qui n’a sûrement pas déçu son patron. Sinon, pourquoi tient-il à le garder aussi longtemps contre toute logique, sinon celle de faire gagner son candidat, comme il s’y est engagé haut et fort ? Á deux jours de l’élection présidentielle, de nombreux compatriotes courent derrière leurs cartes au niveau des commissions qui leur ont été indiquées, et où ils ne les trouvent pas le plus souvent. Cette confusion a été à dessein organisée pour priver nombre d’électeurs de leurs cartes. Pendant ce temps, ceux de l’APR en particulier et de Bennoo Bokk Yaakaar en général n’auront aucun problème à trouver les leurs, le Ministre de l’intérieur Aly Ngouille Ndiaye, ses dévoués services et toutes les autorités sous sa tutelle leur prêtant forte chaque fois que de besoin. Un autre problème auquel les électeurs de l’opposition font face, c’est le changement, à leur insu, de leurs bureaux de vote. Les candidats de l’opposition devront mettre à profit le samedi et le dimanche pour localiser, à l’intention de leurs militants et de leurs sympathisants, les nouveaux bureaux de vote. Il est vrai que parfois, ils se trouvent à des dizaines de kilomètres des anciens, dans des localités où, peut-être, les électeurs concernés n’ont jamais mis les pieds. Il y a aussi que, derrière certaines cartes d’identité on mentionne cette formule bizarre ‘’ ne peut pas voter’’, alors que les titulaires sont bien inscrits sur le fichier électoral. En ce moment-là, ils doivent exiger d’accomplir leur devoir citoyen. Il est vrai qu’auparavant, il faut vérifier dans le fichier. Ces différentes vérifications et précautions sont absolument nécessaires, sinon on facilite au président-politicien et à son clan leurs tâches de tricherie.
Le jour J, ce jour crucial du 24 février 2019, tous les candidats doivent être représentés dans les bureaux de vote par des personnes vigilantes et déterminées qui n’accepteront pas, qu’à l’occasion d’une pause, on les invite à partager un repas hors du bureau de vote. Ces quelques minutes peuvent être fatales à l’opposition. Les plus jeunes et les plus vigoureux doivent aussi, après avoir voté, attendre sur place que les résultats soient affichés. Ce sera, pour eux, l’opportunité de surveiller les acheteurs de consciences. Dans le milieu rural, les électeurs du candidat sortant viennent avec, en poche, une enveloppe contenant son bulletin. Ils prennent pour la forme les bulletins des cinq candidats et, arrivés dans l’urne, glissent l’enveloppe et gardent avec eux les bulletins des quatre candidats de l’opposition, qu’ils présentent comme preuves aux acheteurs de consciences. Il convient de signaler que cette opération n’est possible qu’avec la complicité active des sous-préfets, des préfets et peut-être de la Commission électorale nationale autonome (CÉNA).
Ce jour-là, l’opposition ne devra compter sur aucune autorité, qu’elle soit administrative, militaire, judiciaire ou dite autonome. Elle ne devra surtout pas compter sur les différents observateurs, encore moins sur ceux de l’UNION EUROPÉENE qui, malgré leur bonne volonté, n’y verront que du feu dans les différentes stratégies de fraudes du président-politicien pour qui la réélection est une question de vie ou de mort, pour lui comme pour les autres de son camp car, conscients des déboires judiciaires auxquels ils ne manqueront pas de faire face en cas de défaite.
Dakar, le 23 février 2019
MODY NIANG, e-mail : modyniang@arc.sn