La crise scolaire cyclique qui secoue l’école sénégalaise interpelle tout le monde notamment parents d’élèves, enseignants et l’Etat. Le facteur causal global de la grève des enseignants le plus mis en avant, c’est le non-respect par l’Etat des accords de 2014 dont les points les plus saillants dans les discours sont : l’augmentation des indemnités de logement et le nivellement des salaires des enseignants selon le niveau diplomant avec les autres corps de fonctionnaires constitués de l’Etat.
L’alternance politique intervenue en 2012, avec l’arrivée au pouvoir de M. Macky Sall a permis l’installation d’un climat de paix sociale durant quelques années dans le cadre d’un gentleman agreement entre l’Etat et les enseignants.
Apres plusieurs mois de grève, le Président Macky Sall a décidé de porter l’indemnité de logement des enseignants à cent mille francs (100000) divisées en tranches échelonnées jusqu’en 2020. Ce qui constitue un effort important de la part de l’Etat pour sauver l’année scolaire 2018. Cependant, si une partie des enseignants a accepté de lever le mot d’ordre de grève et de rentrer dans les classes, par contre, ce n’est pas le cas pour une autre partie des enseignants qui dénonce l’échéancier de mise en application.
En voulant rationaliser le nombre de syndicats d’enseignants à travers l’organisation des élections de représentativité, le Ministre de l’Education nationale a fini par semer la zizanie et le schisme en mettant en position de chiens de faïence les syndicats dits significatifs légaux et légitimes et les syndicats illégaux et illégitimes qui ont obtenu moins de dix pour cent.
L’éducation nationale est placée sous la responsabilité de l’État qui garantit aux citoyens la réalité du droit à l’éducation par la mise en place d’un système de formation (loi no 91-22 du 16 février 1991 d’orientation de l’éducation nationale).Par ailleurs, il est garant de la qualité de l’éducation et de la formation, ainsi que des titres décernés. Il contrôle les niveaux d’éducation et de formation.
Dans notre pays, l’éducation nationale est laïque. Conséquemment, l’Etat garantit à tous les niveaux la liberté de conscience des citoyens et veille particulièrement à son respect.
Par ailleurs, l’éducation nationale, sur la base des principes de laïcité de l’État, est favorable aux établissements privés susceptibles de dispenser un enseignement religieux. En outre, il faut préciser qu’ elle doit être démocratique en d’autres termes, elle doit donner à tous que l’on soit pauvre ou riche, handicapé ou valide des chances égales de réussir conformément au droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes, sans discrimination de sexe, d’origine sociale ou de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité.
Apres de profonds chamboulements intervenus dans le système éducatif sénégalais qui ont fini par jeter le discrédit et l’opprobre sur l’école publique au bénéfice de l’école privée on se demande où va l’école sénégalaise ? Or jadis, étudier à l’école privée, les renvoyés de l’école publique. L’apprenant à l’école privée n’était pas fier de l’être et portait avec lui l’image de quelqu’un de nul et renvoyé de son école.On était fier d’être un apprenant à l’école publique. Aussi, on avait des maîtres en classe et non des enseignants surtout au niveau du cycle primaire.
L’inversion de cette situation qui a enlevé à l’école publique sa fierté et sa marque de fabrique d’école de qualité resservir de bons élèves et à l’école privée la honte qu’elle irradiait sur la peau des élèves qui la fréquentaient est symptomatique de la profondeur de la crise qui secoue le système éducatif. Elle est anxiogène quant au devenir de l’éducation nationale dans les prochaines années.
En effet ,cette crise que connait l’école sénégalaise met en péril le droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes, sans discrimination de sexe, d’origine sociale ou de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité du fait de l’influence de l’argent dans l’exercice du droit à l’éducation. Si la construction de nouveaux collèges et lycées et de nouvelles universités publiques est importante toutefois ça ne suffit pas à garantir un avenir économique et social aux générations présentes et futures issues de familles pauvres qui n’ont pas les moyens de payer la scolarité de leurs enfants dans le privé.L’école publique est le seul moyen pour les fils et filles de paysans ou d’ouvriers de se hisser au niveau le plus haut de la république du fait de la garantie qu’apporte l’Etat pour une éducation nationale démocratique et de qualité pour tous.
A cela, il faut ajouter que cette crise scolaire participe sans aucun doute après d’autres facteurs d’ordre politique à détruire la qualité de l’éducation et de la formation qui peut être appréciée à l’aune de la qualité de l’enseignement et du profil de l’enseignant.
Le régime socialiste sous Abdou Diouf peut être cité comme un facteur causal lointain de la situation que l’on connait aujourd’hui relativement à la qualité de l’enseignement et du profil de l’enseignant. En cédant à la pression de la Banque mondiale et du FMI pendant la période de l’ajustement structurel, une nouvelle école sénégalaise a vu le jour sans crier gars. Il s’agit d’une école qui a pour objectif, notamment pour seul objectif d’apprendre à calculer, à lire et à écrire c’est-à-dire une école dont l’ambition est d’augmenter le taux d’alphabétisation. Ainsi, les critères et exigences de qualité qui prédominés jusque-là, ont cédé la place au laisser- passer en classe supérieure dans le cycle primaire et secondaire sauf dans les cas désespérés.
En outre, les Ministres qui sont également passés successivement à la tête du département de l’éducation nationale à partir des années 80 ont participé, chacun à sa manière, à l’enfoncer dans la médiocrité du fait du mode de recrutement des candidats à l’enseignement qui avait instauré un système de quota. Le Ministre en charge de l’Education nationale jouait un rôle prépondérant es qualité eu égard le pouvoir qu’il détenait entre les mains.
Des personnes,M. Sérigne Mbaye ThiamMinistre de l’Education nationale est cité parmi les obstacles à une solution à la crise qui sévit dans le système éducatif. Certains ont même demandé son départ pour apaiser le climat social et restaurer la confiance qui s’est vaporisé par la force des choses après plusieurs rendez-vous ratés et affrontements verbaux avec les enseignants.
A quelques mois de la présidentielle, il serait très difficile pour le Président Macky Sall de changer ou de déplacer M. Sérigne Mbaye Thiam Ministère de l’Education nationale pour la simple raison que le Parti socialiste de M. Ousmane Tanor Dieng a choisi de le soutenir à la présidentielle de 2019 et de ne pas présenter un candidat comme l’AFP de M. Moustapha Niass. C’est de bonne guerre.Le Président Macky Sall ne va pas prendre ce risque à dix mois de la présidentielle 2019. Ce qui aurait signifié pour son allié de taille M. Ousmane Tanor Dieng et compagnie une désapprobation. Cet appel n’a aucune chance d’être entendu par le Président Macky Sall pour des raisons politiques et de calendrier électoral.
Pour le nivellement des salaires selon le niveau diplômant, cette revendication des enseignants semble reposée sur du sable mouvant malgré son apparence légitime. Ce qu’il faut retenir essentiellement, c’est que la division du travail porte intrinsèquement les gênes de la discrimination professionnelle et sociale dont la responsabilité n’incombe pas uniquement à l’Etat mais aussi et surtout à celui ou celle qui a choisi d’être enseignant au lieu d’être magistrat ou d’être journaliste ou d’être médecin ou d’être communicant etc. En d’autres termes, devenir un enseignant est un choix délibéré ou un manque de choix ou un choix pour s’assurer une sécurité sociale.
Bref ! Les enseignants sont le seul corps de fonctionnaires de l’Etat qui travaille neuf mois et qui sont payés douze mois. Cette particularité est liée au statut de l’enseignant accepté par tous mais pour autant, les autres corps de fonctionnaires de l’Etat n’ont jamais revendiqué un alignement de la durée de leur congé avec les enseignants.
S’il y a un point sur lequel nous sommes tous d’accord, c’est celui de la valorisation de l’indemnité de logement des enseignants.Sur ce, tout le monde est d’accord y compris l’Etat. L’enseignant qu’il soit du cycle primaire ou moyen-secondaire ou qu’il soit universitaire doit être mis dans de bonnes conditions de travail, de logement et de retraite pour lui permettre d’assurer un enseignement de qualité et de garder l’attractivité de son métier en vue de susciter de nouvelles vocations chez les jeunes.Donc, le nivellement des salaires selon le niveau diplômant avec tous les corps de fonctionnaires de l’Etat semble ne pas tenir compte de la particularité de chaque métier. A ce titre, c’est chercher la quadrature du cercle de vouloir gommer cette particularité qui est d’essence et congénitale du métier. Être enseignant est un choix et non une obligation comme il en est de même que pour être magistrat, êtrejournaliste et être ingénieur agronome etc.Mais très souvent, faut-il le souligner entre ce que l’on veut être et ce que l’on devient il y un fossé autrement un décalage du destin.
Au total, la division des syndicats d’enseignants en syndicats légales et légitimes et en syndicats illégales et illégitimes constitue l’autre problème à résoudre dans les négociations présentes et futures dans le sens de trouver une solution durable à cette crise. Car quel que soit son taux de représentativité, un syndicat d’enseignants est toujours capable de faire mal au système éducatif et à l’éducation nationale.L’école est un tout, constituée de syndicats d’enseignants parties à l’éducation nationale qui détient chacun le droit d’aller en grève dont il peut faire valoir au besoin dans les limites fixées par la loi.
En conséquence, les négociateurs de l’Etat ou les parties déléguées à négocier au nom de l’Etat doivent revoir leurs éléments de langage au-delà des prises de position des uns et des autres pour se donner toutes les chances de réussir leurs missions.
Si on s’alignait tous à la durée de congé des enseignants, que se passera-t-il ?
Vive le Sénégal !
Vive la république !
Par Baba Gallé Diallo
Email : babadediana@gmail.com