La magie de l’information a permis de mettre en exergue ces récents crimes bien crapuleux. Et voilà que, éberlués, nous donnons l’impression de nous réveiller dans un endroit différent du lieu dans lequel, nous nous étions endormis la veille. Mais, force est de reconnaître que c’est le Sénégal d’aujourd’hui et sans doute de demain.
Toutefois, cet état de fait ne devrait guère être une surprise, car ceci n’est que la résultante d’une absence d’éducation et donc forcément de repères. Le sénégalais n’est véritablement ni meilleur, ni pire que les autres. Et il est inexact de penser que dans nos tombes reposent des saints et que dans celles des autres gisent des singes.
Il y a eu comme dirait un cher collègue, un moment où s’est opérée une rupture, une véritable cassure dans notre société. Cet état de fait est parfaitement illustré par les propos ô combien révélateur de ce grand parolier qui clamait dans sa chanson : « lii fi mame bayiwone baye yakh nako »! Oui, à un moment donné de son évolution, notre société a raté le coche et n’a pas su transmettre convenablement le flambeau éducatif, symbole de la perpétuité de ses valeurs intrinsèques, sa culture et forcément son devenir ne pouvait qu’en pâtir.
C’est ainsi que l’indiscipline aidant, la violence gangrène notre société entrainant avec elle son lot de contre valeurs. La vie humaine a peu d’importance pour ne dire qu’elle n’en a plus dans une société où les jeunes parlent très souvent de « dound bou deh gueun », qui signifie littéralement que la mort est préférable à la vie.
Et lorsqu’on voit notre jeunesse affronter l’océan au risque de sa vie tout en ayant connaissance des risques encourus, ceci devient bien révélateur de l’état d’esprit d’une jeunesse désemparée.
Le « dound bou deh geun » associé au « barça ou barsash » est un cocktail molotov qui traduit de l’ampleur du désastre et du profond malaise de la société sénégalaise.
Nous avons véritablement raté l’éducation des masses. La famille ne joue plus son rôle de formation et de régulateur social. L’école n’est plus un lieu d’éducation et peine même à assurer sa mission d’instruction.
Y ajouter que le matériel et le paraître sont devenus bien plus importants que la vie elle même. Dans ce monde nouveau ; nouveau car contraire à nos valeurs ancestrales, nouveau parce que nous n’avons pas été préparés à le confronter, nouveau parce qu’inconnu et pleins d’incertitudes. Cette incertitude qui fait vaciller nos fragiles convictions et nous met dans un état de stress permanent.
Dans ce monde nouveau où notre jeunesse est non préparée et sans repères, il ne devrait être guère surprenant de constater ces actes barbares, immoraux, vils peupler notre quotidien.
Cette série macabre a ainsi fait naître au sein de l’opinion un débat sur la peine de mort afin de punir ceux d’entre nous qui se paieraient le luxe d’ôter la vie. En effet, lorsqu’on n’a pas la capacité d’insuffler la vie, on ne devrait pas s’arroger le droit de l’ôter. Malheureusement, dans nos rues, il y a énormément de gens qui, même s’ils ne sont pas encore passés à l’acte, ont perdu depuis bien longtemps leur humanité. Ceci fait que nous sommes tous en sursis.
La foule gronde et le sentiment le mieux partagé semble être de débarrasser à tout jamais, la société de ces énergumènes qui, menacent sa quiétude. Mais, il est connu que la foule est bien souvent aveugle, passionnée. Il ne serait donc pas surprenant qu’à la première narration de l’exécution d’un condamné à mort, elle se rebiffe pour réclamer une sentence autre.
Il faudrait donc, loin de toute cette agitation, prendre la décision qui sied. Si la majorité d’entre nous préfèrent une telle sentence, alors, l’hémicycle qui est l’émanation du peuple, unique souverain, devra prendre la responsabilité de suivre la volonté de ses mandants.
Je ne suis ni pour, ni contre l’application de la peine de mort. Mais, s’il y avait lieu d’y revenir, il faudrait vraiment l’encadrer comme le propose le Dr Cheikh Diallo et ainsi, nous prémunir le plus possible d’erreurs judiciaires et d’éviter que le juge puisse avoir droit de vie ou de mort sur un justiciable.
Toutefois, la question qui me taraude l’esprit est de savoir comment une société qui n’a pas préparé sa jeunesse à faire face aux défis de la vie, une société qui n’a pas éduqué ses enfants, une société qui n’a proposé aucune alternative crédible à sa jeunesse, peut elle se permettre de décider que les criminels que sont devenus ses enfants et qu’elle a contribué à façonner, ne méritent plus d’être en son sein.
Ceci nous amène à dire que nous sommes tous responsables et coupables. La guillotine devrait valablement s’abattre sur nous tous.
Il faudrait aussi reconnaître que la peine de mort ne freinera aucunement cette tendance macabre, qui ira crescendo tant qu’on n’aura pas recentré l’homme au cœur de nos préoccupations et de nos politiques publiques. Il est impératif de repenser l’homo senegalensis, qui a perdu de sa superbe.
Par ailleurs, si l’application de la peine de mort devrait être effective, ne faudrait-il pas l’élargir aux crimes économiques qui sont tout aussi nocifs pour la collectivité que celui de sang ?
En attendant, il est venu le moment de faire un break, de reparler d’éducation, de panser et repenser la société sénégalaise afin de faire face aux défis qui nous interpellent !
Sénégalaisement vôtre !