Au Soudan, les manifestants ne veulent pas se faire voler leur révolution par les militaires. Cela fait des jours et des jours qu’ils campent devant le quartier général de l’armée, pour obtenir la mise en place d’un gouvernement civil, après la chute du président Omar el-Béchir. Un accord a bien été conclu mercredi soir avec le Conseil militaire de transition. Mais l’opposition maintient la pression et une manifestation monstre est annoncée ce jeudi après-midi à Khartoum. Reportage.
c’est la liesse, les manifestants font du bruit sous un soleil écrasant à Khartoum. Ils tapent sur les barrières, ils entament des slogans. Le mot « révolution » fuite partout. L’ambiance est festive, de nombreux manifestants ont peint leur visage aux couleurs du drapeau soudanais. On entend partout de la musique, on danse, on chante.
Aujourd’hui, les protestataires sont venus de toutes les régions du pays, de Khartoum bien sûr la capitale, mais aussi des villes de province et de campagne pour soutenir la mobilisation nationale. Ils sont venus rejoindre le grand sit-in qui se trouve devant le quartier général de l’armée et qui a été mis en place depuis le 6 avril. Ils réclament que l’armée transfère le pouvoir à une autorité civile.
Dans la foule Abdallah Mohamed, 30 ans. Pour lui, c’est important d’être là : « On se rassemble dans cette marche du million pour demander nos droits et aussi pour que l’ancien régime rende compte de ses actes. On n’a pas envie qu’ils finissent dans des prisons luxueuses, mais qu’ils soient punis pour leurs crimes, leurs viols, leur génocide. La deuxième chose qu’on veut c’est un gouvernement civil. »
Maintenir la pression
Les Soudanais se réjouissent surtout de la destitution d’Omar el-Béchir le 11 avril dernier.Ils sont encore étonnés de pouvoir profiter de la liberté de manifester. « Cela fait 30 ans, disent-ils, qu’on n’a pas goûté à cette liberté ». Les manifestants se disent fiers d’avoir réussi à faire vaciller un régime corrompu. La jeunesse en particulier qui est née avec ce régime et sous lequel elle s’est marginalisée, mais qui prend aujourd’hui une revanche en donnant de la voix.
Les protestataires veulent maintenant continuer le processus enclenché en écartant « les responsables politiques liés à l’ancien régime ». Sur la pression de la rue, trois d’entre eux ont encore annoncé leur démission hier soir. Les partis d’opposition ont choisi de maintenir la pression avec la manifestation d’aujourd’hui.
Et devant toutes les entrées du quartier, les organisateurs ont mis en place des petits postes de contrôle pour être sûrs qu’aucune arme ne rentre dans la zone. Des cliniques et des ambulances sont également présentes sur les lieux. « Quand il y a des manifestations monstres comme celle-là, on a des préparations particulières, on fait venir beaucoup d’infirmiers et de médecins. Des médicaments et ce qui peut nous aider. De la nourriture aussi et des ambulances », explique Mohamed Abdel Ghaffar, jeune médecin, qui tient une clinique sur place.
rfi