Au Soudan, le nouvel homme fort du pays promet la rupture avec le régime d’Omar el-Béchir. Samedi, quelques heures après avoir été nommé à la tête du Conseil militaire – chargé de la transition – Abdel Fattah Abdelrahman Burhan a fait une série d’annonces, parmi lesquelles la promesse d’ouvrir un dialogue avec les partis politiques pour examiner comment « gérer » le Soudan. Résultat, une première rencontre a eu lieu dès hier entre l’opposition, l’Association des professionnels soudanais, fer-de-lance de la contestation, et les militaires.
La rencontre a duré un peu plus de deux heures. L’occasion pour les forces de liberté et de changement, coalition qui regroupe l’opposition et l’Association des professionnels soudanais, de lister les chantiers prioritaires.
« Nous avons proposé qu’il y ait un conseil civil qui travaille en parallèle du conseil militaire, explique Sarah Abdelghalil porte-parole de l’Association des professionnels soudanais à Londres. Le gouvernement, lui, serait essentiellement composé de civils. Il y a une requête : que tous les prisonniers, dont ceux du Darfour, soient libérés. Enfin nous avons demandé de garantir qu’une justice transitionnelle soit mise en place. »
Une première rencontre utile selon ses participants, car la méfiance vis-à-vis de l’armée et de ses intentions est grande ; alors qu’elle est au cœur du pouvoir depuis 30 ans.
Pour Rachid Saeed Yacoub, l’un des porte-parole du mouvement de la société civile, le vrai test est la mise en application de ces engagements. « Pour le moment, ce ne sont que des promesses, dit-il, on a des craintes que le Conseil militaire essaie de gagner du temps pour essayer de grignoter le plus de pouvoir (…) Ça serait inacceptable. Il y a des vrais doutes sur les intentions des militaires aujourd’hui. »
La crainte c’est qu’avec ces annonces l’armée cherche à diviser le front de la contestation, l’affaiblir pour mieux contrôler cette transition. Dans l’immédiat opposition et société civile doivent remettre une liste de membres potentiels de ce nouveau gouvernement à l’armée. À voir ce qu’elle en fera.
■ Témoignage : espoirs et craintes d’un manifestant
Pour Hamid, l’un des nombreux manifestants à Khartoum, il faut aller plus loin et, surtout, il faut des actes concrets.
« L’armée veut toujours diriger la transition, avec un conseil militaire qui est au-dessus du gouvernement, c’est clair. Or, selon nous, le conseil qui chapeaute le gouvernement doit être composé de civils et de militaires, mais pas de militaires uniquement.
L’autre inquiétude c’est sur la volonté ou non de poursuivre d’anciens responsables du régime. Par exemple, les services de renseignement, le NISS, une institution qui a soutenu le régime et qui a commis de terribles violations des droits de l’homme contre les citoyens soudanais, tuant des manifestants, torturant des détenus politiques.
Il n’y a aucun plan clair de ce qu’ils vont faire de cette structure. Leurs responsables vont-ils être jugés ? Cette institution sera-t-elle dissoute ?
Pour le moment ces agents de renseignements sont toujours là, ils sont libres et armés. Donc, les annonces de l’armée sont positives, mais nous ne pouvons pas faire confiance à l’armée. L’armée a été politisée, elle a été au pouvoir ces 30 dernières années, donc nous ne pouvons pas garantir leurs bonnes intentions.
Nous nous sommes battus ces 4 derniers mois pour voir ce moment arriver et nous ne sommes pas prêts à nous le faire confisquer par l’armée. »