L’un a surmonté son épreuve, l’autre a survolé son match. Stan Wawrinka, tombeur d’Andy Murray en cinq sets, est donc aujourd’hui le dernier obstacle sur la route d’un 10e sacre parisien de Rafael Nadal, lequel a laminé Dominic Thiem. Le duel final entre l’Espagnol et le Suisse est le plus formidable match dont pouvait rêver Roland cette année.
Un combat et une promenade. Voilà, en cinq mots, le résumé de l’antépénultième journée de ce Roland-Garros 2017. Stan Wawrinka a eu besoin de cinq manches et plus de quatre heures et demie pour ramener Andy Murray à la raison.
Il a fallu deux sets et deux heures et demie de moins à Rafael Nadal pour mater Dominic Thiem. L’issue des deux demi-finales n’est pas surprenante, même si le scénario l’est peut-être davantage. Dans une certaine mesure en tout. Disons que j’avais plutôt imaginé deux matches en quatre sets plutôt que deux duels aux destins aussi opposés.
Au vu de ce qu’ils avaient montré depuis le début de la quinzaine, je pensais que Wawrinka connaitrait moins de frayeurs face au numéro un mondial. Je suis d’ailleurs convaincu qu’il aurait pu, qu’il aurait dû s’éviter un tel marathon. Il a eu la main sur le premier set, puis sur le troisième. Mais Murray s’est montré si coriace qu’il a trouvé le moyen de polluer l’esprit du Vaudois, au point de se retrouver à quelques points d’une deuxième finale consécutive.
De la même manière, je croyais Thiem en mesure, sinon de stopper Nadal, au moins de le freiner dans sa folle cavalcade. Parce qu’il l’avait bousculé à Madrid et battu à Rome, parce qu’il avait joué le feu lors de ses cinq premiers matches, parce qu’il avait déjà le vécu d’une première demi-finale l’an passé, l’Autrichien semblait apte à offrir son premier véritable test au Majorquin. Parce qu’il avait battu Novak Djokovic, peut-être, aussi ? Forcément, cela avait de quoi soulevé l’intérêt. Mais la manière dont le Serbe a lâché son quart de finale après la perte du premier set a donné un effet trompe-l’œil à la démonstration.
De l’Everest à l’Everest
Mais ce Djokovic-là n’arrive pas à au petit orteil de ce Nadal-ci. Face au rouleau-compresseur de Manacor, Thiem, passé les trois-quatre premiers jeux, a très vite eu l’air d’un petit garçon jouant dans une cour encore trop grande pour lui. Alors, y a-t-il encore quelqu’un pour nous dire que la 23e victoire de Nadal en 24 matches sur terre cette saison ne permet pas d’affirmer qu’il est revenu à un niveau exceptionnel ? Ou, mieux, qu’il n’a encore « affronté personne » ? Il est vraiment temps d’arrêter avec tout ça.
Je suis toujours bluffé de voir à quel point on parvient à minimiser ce qu’accomplit Nadal ces derniers temps. Sous prétexte que le type a gravi trois ou quatre fois l’Everest il y a une dizaine d’années, on se blase de le voir accrocher à nouveau un tel sommet.
La vérité, c’est qu’à cette date, Rafa, en ce printemps terrien, a battu Thiem trois fois, Goffin deux fois, plus Djokovic, Zverev et quelques autres. La plupart du temps, il ne les a pas seulement battus… mais désossés. Cela ne suffira probablement pas à certains qui pourront toujours avancer un dernier argument, abattre une ultime carte en répliquant : « oui, mais il n’a pas joué Wawrinka ».
Mais cet argument-là, en revanche, je veux bien l’entendre. Il pèse d’un certain poids. Et même d’un poids certain. Car je reste persuadé que Monsieur Stan est le seul joueur au monde capable ces temps-ci de battre Rafael Nadal en trois sets gagnants sur terre battue. On ne le saura jamais, mais je n’imaginais pas Murray priver le nonuple roi de Paris de sa fameuse decima dimanche sur le Chatrier. Wawrinka, c’est autre chose. Tout, dans son passé récent, nous dit qu’il est capable de réaliser pareille prouesse.
Wawrinka : la tête, le bras, les jambes
D’abord, il est un des rares champions pour qui l’adversaire dans ce type de match n’a pas franchement d’importance. Il sait que s’il joue son jeu, s’il fait son match, il aura une chance de gagner. N’importe où. Contre n’importe qui. Oui, même Nadal à Roland-Garros. Il a aussi pour lui cette extraordinaire confiance, née de ces trois finales de Grand Chelem gagnées en trois participations, avec une victoire à chaque fois contre le numéro un mondial.
Dimanche, il n’aura pas le numéro un du moment, mais celui de tous les temps sur terre. Ce n’est pas mal non plus. Il a déjà gagné à Roland-Garros. Il a déjà battu Nadal dans une finale majeure. Il coche toutes les cases.
Plus important encore, Wawrinka a les armes techniques et physiques pour contrer Nadal sur terre. Ce fameux revers au-dessus de l’épaule que Federer n’a jamais eu, cause de tous ses tourments terriens nadaliens. Dans la tête, dans le bras et dans les jambes, le « Stanimal » est équipé pour contrer Nadal.
Mais attention, de la théorie à la pratique, le fossé à franchir ne sera pas anodin. Pour tout ce qu’incarne Rafa ici, ce serait plus fort encore que d’avoir terrassé il y a deux ans un Djokovic invaincu depuis des mois. Je ne sais pas si Wawrinka arrêtera Nadal dimanche, mais je suis à peu près sûr que s’il est le dernier à pouvoir le faire, c’est bien parce qu’il était le seul.
Dimanche, l’homme qui n’a jamais perdu une finale à Roland-Garros sera défié par l’homme qui n’a jamais perdu une finale de Grand Chelem. Pour des raisons romantiques, le Federer-Nadal de Melbourne constituait le dénouement rêvé. Pour des raisons tennistiques, il en va de même pour ce Nadal-Wawrinka de Paris.
Eurosport.fr