Les combats se sont poursuivis toute la journée, dimanche 25 février, dans la Ghouta orientale de Damas, au lendemain du vote par le Conseil de sécurité d’une résolution réclamant un cessez-le-feu « sans délai » de 30 jours en Syrie. Duels d’artillerie, raids aériens et combats au sol ont fait des dizaines de morts et de blessés. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a par ailleurs rapporté 14 cas de suffocation, dont celui d’un enfant qui est décédé après un bombardement des forces du régime.
De violents combats ont embrasé dimanche les fronts du sud et du sud-est de la Ghouta orientale, où l’armée syrienne a commencé des opérations au sol, après un mois de pilonnage à l’artillerie et de raids aériens, rapporte notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh. Selon la chaine panarabe al-Mayadeen, les troupes gouvernementales ont progressé dans la localité de Nachabiya, face aux rebelles de Jaich al-Islam et aux jihadistes de l’ex-branche d’al-Qaïda en Syrie.
D’intenses affrontements ont également eu lieu à Harasta, au nord de Damas, où l’aviation syrienne est entrée en action. Les rebelles ont également poursuivi les tirs de roquettes sur la capitale, où une trentaine de projectiles se sont abattus dimanche. Un responsable des secours a affirmé que 36 civils ont été tués et 200 autres blessés ces derniers jours à Damas.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a rapporté la mort d’un enfant par suffocation après un raid aérien. L’ONG, basée en Grande-Bretagne, a indiqué que 13 autres personnes atteintes de troubles respiratoires ont été soignées. Le ministère russe de la Défense a nié l’utilisation de produits chimiques par l’armée syrienne et a mis en garde contre la préparation par les rebelles d’une attaque aux gaz toxiques pour l’imputer aux troupes gouvernementales.
La crainte d’un « nouveau carnage »
Pendant ce temps, le calvaire interminable des habitants de la Ghouta orientale se poursuit. Selon Abou Shadi Aadala, militant de l’opposition syrienne, les habitants de la Ghouta, qui ont vécu une attaque chimique en 2013, sont plus que jamais terrorisés, alors que les villes de la région son paralysées depuis plus d’une semaine.
« Lorsque le cessez-le-feu a été décrété par le Conseil de sécurité de l’ONU, les gens ici se sont réjouis. Il y a eu de l’espoir. Une trêve allait permettre à la population de la Ghouta de quitter enfin les caves et les sous-sols, où elle a trouvé refuge ces derniers jours, raconte-t-il à RFI. Les gens ont cru pouvoir sortir pour récupérer au moins de quoi nourrir leurs enfants. Mais en fait la population a très vite compris que cette trêve n’allait pas mettre un terme aux frappes aériennes. Au contraire, depuis la proclamation de la trêve une offensive terrestre s’est ajoutée aux raids aériens. »
Face à ces bombardements, les civils essayent tant bien que mal de se protéger. « Les gens sont toujours terrés dans les caves. Ils ont peur, ils craignent qu’un nouveau carnage soit commis, poursuit Abou Shadi Aadala. N’oubliez pas que la Ghouta est une région qui a vécu un violent traumatisme. Des armes chimiques ont été utilisées contre cette population qui est assiégée depuis cinq ans. »
L’utilité de l’ONU remise en question
La poursuite des combats en Syrie entraîne en tout cas un constat : l’impuissance de l’ONUà peser sur le cours de la guerre. L’autorité du Conseil de sécurité est une nouvelle fois contestée après le vote unanime d’une trêve dans la douleur, il y a 48 heures mais dont l’application sur le terrain est nulle Au point que certains s’interrogent ouvertement aujourd’hui sur l’utilité de l’ONU, relate notre correspondante à New York, Marie Bourreau.
Il y a quelques jours, trois panneaux publicitaires avaient été placés devant le siège de l’organisation à New York : « 500 000 morts en Syrie » disait l’un, « Pas d’action du Conseil de sécurité » disait l’autre. « Comment cela est-il possible ? » accusait le dernier.
La réponse tient évidemment au clivage du Conseil de sécurité qui compte parmi ses membres permanents la Russie, principale alliée de Damas qui dispose d’un droit de veto. A onze reprises depuis le début du conflit syrien, Moscou s’est opposée à des résolutions et a permis la poursuite du conflit et les sièges d’Alep, d’Idlib et de la Ghouta orientale, en violation du droit international et de toutes les règles de la guerre.
Il ne reste donc aux diplomates du Conseil de sécurité – que certains experts assurent être en « état de mort clinique » sur le dossier syrien – que les mots pour exercer une pression publique sur le Kremlin.
Depuis sept ans, les discours sont de plus en plus pessimistes sur la crédibilité de l’ONU. Que ce soit l’ancien secrétaire général Ban Ki-moon qui évoquait un carnage qui laisse « un trou béant dans la conscience mondiale » à l’ambassadeur français François Delattre qui prévenait ses pairs il y a encore quelques jours : « Prenons garde que la tragédie syrienne ne soit pas aussi le tombeau des Nations unies ».
Rfi.fr