Une nouvelle étape a été franchie dans les tensions entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. Les deux pays menacent de s’attaquer réciproquement. Juliette Morillot, historienne et spécialiste de la péninsule coréenne, analyse la rhétorique de Donald Trump face à Kim Jong-un. Mais selon elle, si ce ton est inapproprié car contre-productif, des discussions restent possibles.
Une réaction d’une ampleur que « le monde n’a jamais vue jusqu’ici », c’est ce qu’a promis mardi 8 août le président américain Donald Trump. La veille, la Corée du Nord avait promis de faire payer aux Etats-Unis « un millier de fois le prix de leurs crimes », après l’adoption par l’ONU d’un nouveau train de sanctions contre Pyongyang et son programme nucléaire.
La Corée du Nord menace désormais d’attaquer les bases américaines de l’île de Guam, dans le Pacifique, et précise que le locataire de la Maison Blanche est « dépourvu de raison ». Réponse du patron du Pentagone, le général James Matttis : toute décision de cette nature conduira « à la fin de son régime et à la destruction de son peuple ».
Pour Juliette Morillot, spécialiste de la péninsule coréenne, une nouvelle étape est ainsi franchie dans les tensions entre les deux pays, du fait d’une rhétorique américaine adoptant les codes de Pyongyang. « Très curieusement, fait-elle remarquer, cette rhétorique n’est pas sans rappeler la rhétorique habituelle nord-coréenne, qui est très violente et très haute en couleur. »
L’historienne doute cependant qu’il s’agisse de la meilleure stratégie à adopter face au remuant régime nord-coréen et son programme nucléaire et balistique : « Je ne suis pas sûre que ce soit le ton à adopter avec Pyongyang, parce que ça risque de faire monter les tensions inutilement », dit-elle. Ce que veut Kim Jong-un, estime l’historienne, « c’est avant tout un dialogue avec Washington ».
Crise dans la péninsule de Corée : comment sortir de l’ornière ?
« Nous sommes dans une impasse : les Etats-Unis souhaiteraient que Pyongyang arrête ses essais de missiles balistiques, à la suite de quoi un dialogue pourrait éventuellement être envisagé. Pyongyang souhaite exactement l’inverse. Donc, il va falloir qu’à un moment ou un autre, la situation se débloque et que le contact se crée, peut-être par l’intermédiaire de la Chine ou de la Russie. »
Et de rappeler que Moscou et Pékin, qui ont tous deux voté les dernières séries de sanctions contre Pyongyang, « particulièrement dures », « appellent à une discussion et pensent l’un comme l’autre qu’il n’y a qu’un dialogue avec Washington et un retour à la table des négociations à six qui pourraient permettre d’apaiser les tensions sur la Péninsule ».
Mme Morillot espère – « imagine » même – que « des tractations en sous-main » ont déjà lieu. Elle évoque la possibilité d’un « double freeze » : « freiner d’une part les essais de tirs balistiques nord-coréens en échange d’un arrêt des manœuvres militaires américano-sud-coréennes ». Et de rappeler que la Chine et les Etats-Unis peuvent s’entendre à tout moment :
« Il y a peut-être aussi d’autres négociations en cours avec la Chine. On peut imaginer, mais ce n’est absolument pas sûr, que Pékin éventuellement arrêtait de soutenir Pyongyang, en échange de quoi les Etats-Unis renonceraient à reconnaître Taïwan. » « Mais j’ai du mal à y croire », conclut-elle, car « la Chine a besoin de l’Etat tampon nord-coréen ».
Rfi