Il fut petit de taille, mais grand d’esprit et de cœur. Le désormais ancien khalife général des «Mourides», rappelé à Dieu, dans la nuit de mardi dernier, était un homme multiple. Côté pile, Serigne Sidy Moctar Mbacké était un fervent défenseur de l’Islam, des couches défavorisées et un unificateur pur-sang.
Côté face, le Saint homme a su faire de l’endurance sa principale tasse de thé, pour survivre à Ngana, un ancien désert ô combien hostile à la vie humaine. Au point que Feu le 7ème khalife de Touba ait, au finish, réussi à faire de la localité une oasis de bonheurs. Avec à la clé, toutes les infrastructures qu’on n’aurait jamais cru voir, un jour, dans cette contrée. Bref, si c’était en Côte d’Ivoire, on aurait dit qu’il n’y a pas son deux.
Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké, que les musulmans d’ici et d’ailleurs vont encore pleurer pour longtemps, du fait du grand vide créé par sa disparition, est le 7eme fils de Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké. Lui-même fils de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du Mouridisme.
Le Saint homme est né en 1924 à Mbacké Kadior. Sa formation complète sur le mysticisme lui a permis, plus tard de mener des activités telles que l’élevage, l’éducation spirituelle sur les préceptes de l’Islam et les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba, l’agriculture et l’élevage.
Le 1er juillet 2010, Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké, aussi appelé Serigne Cheikh Maty Lèye, succède à son cousin Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké Falilou, et devient, ainsi, le 7ème Khalife général des Mourides et le deuxième petit-fils de Bamba à porter ce titre.
L’érudit a souffert le martyre à Ngana, mais a aimé, par dessus-tout, la localité
Fondé en 1950 par Ngana Khouma, le village de Ngana situé au cœur du Baol, devient, au fil des années, une figure emblématique du «Mouridisme», grâce à Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké. Cette localité, naguère inconnue, devient le lieu de recueil de ce dernier, qui s’y est installé en 1958. A l’époque, elle était presque déserte et très hostile. Et inutile de dire que ce fut éprouvant pour le marabout. Il parvenait, difficilement, à joindre les deux bouts. En plus de l’enseignement coranique, il cultivait la terre (qui ne rendait pas bien à cette époque) pour subvenir aux besoins du quotidien. Ce village, où il a vécu les moments les plus durs de son existence, était devenu son endroit préféré. En période de «Magal», Serigne Sidy Mokhtar se rendait à Touba en calèche. Le périple lui prenait deux jours.
En période de «Magal», le Saint homme ralliait Touba en calèche
Malgré ces multiples péripéties, Serigne Cheikh Maty Lèye est parvenu à faire de Ngana un havre de paix. Une oasis de bonheur. Aujourd’hui, cette localité figure parmi les villages les plus équipés en infrastructures. Comme l’avait prédit le défunt Khalife aux fidèles. « Tout ce dont vous aurez besoin, vous l’aurez », disait-il à ceux qui prévoyaient de quitter le village pour des terres meilleures. Et il n’avait pas tort. Car de Ngana, les populations peuvent transformer le plomb en or, l’impossible en possible et l’abattement en euphorie.
Pour cette raison, Serigne Sidy déconseillait les populations de Ngana de quitter la localité
Longtemps resté inconnu du grand public à cause des activités qu’il menait, Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké succède à son grand-frère, Serigne Abdoul Aziz Bara Mbacké, qui fut le successeur du premier Khalife de Serigne Mouhamadou Lamine Bara, Serigne Modou Bara. Il devient, le 22 mai 1990, le nouveau Khalife à avoir poursuivi les œuvres de ses prédécesseurs. C’est cette tâche qu’il accomplit, jusqu’à ce qu’il devienne le 7ème Khalife de Cheikh Ahmadou Bamba.
Ces qualités de Serigne Cheikh Maty Lèye qui ne courent pas les rues
Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké est un homme d’une grandeur inouïe. Il s’était, complètement, dévoué à la sauvegarde de l’œuvre de Serigne Bara. Il était un rassembleur et veillait à la protection et à l’unité de la famille. Il avait un grand sens de l’écoute, discutait avec tout le monde et prenait en compte les points de vue de tout un chacun.
C’est, d’ailleurs, ce qu’il a toujours fait avec les politiques, les invitant au calme, à la retenue, à la justice, la tolérance et au respect mutuel, toujours dans sa constante logique qu’il faut protéger les intérêts des Sénégalais. Il ne rechignait jamais à se prononcer, de la façon la plus juste qui soit, surtout quand la cohésion sociale est menacée.
« Je suis là pour tous les fidèles. Je ne saurai cautionner des actes de nature à saper la cohésion sociale. La paix sociale et l’union des cœurs constituent ma tasse de thé de tous les jours », disait-il.
Les réalisations et œuvres du Saint homme
Dès son accession au Khalifat de Serigne Bara, Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké a consolidé l’œuvre de son père et de ses deux grands-frères avant lui. Il s’est consacré à la pérennisation de l’enseignement coranique et de la pratique du Saint-Coran. Il a construit des Mosquées, créé des « Daara » et même des demeures dédiées à la mémoire de son défunt père. Et ce n’est pas tout. Car, le 7ème Khalife de Cheikh Ahmadou Bamba a, aussi, érigé une bibliothèque et une maison du Khalife à Gouye Mbinde, ainsi qu’une tente pour l’apprentissage du Coran. Sans oublier la maison du Khalifat de Serigne Bara qu’il a donnée comme « hadiya », construite à Mbacké Kadior. Et a rénové dans sa totalité le mausolée de Serigne Bara à Touba.
Architecte-bâtisseur
Le défunt Khalife de Bamba a porté les minarets de la grande Mosquée de Touba à 7, poursuivi les travaux de la Mosquée de Massalikul Djinane sise à Colobane (Dakar) ainsi que l’Université se Touba. Il a aussi réfectionné la résidence Khadim Rassoul de Touba et construit, par la même occasion, celle de Darou Marnane.
Toujours dans ses réalisations, le Saint homme a acquis une maison aux Hlm (Dakar), d’une valeur de 100 millions de francs Cfa, cédée aussi comme « hadiya » à son défunt père.
De ses œuvres sociales, on apprend que Serigne Cheikh Maty Lèye a amené beaucoup de personnes aux Lieux Saints de l’Islam de ses propres moyens et prenait, lui-même, en charge tous les frais. Alors, mieux vaut le dire : il n’y a pas son deux, pour paraphraser nos voisins ivoiriens.
Ndèye Aminata DIAHAM (Source A)