SOUVENIRS D ‘AVRIL 2007 : AU FOND DES PENSEES D’UN HOMME
Ils étaient tous là : Chefs d’Etat, de Gouvernement, Ambassadeurs, dignitaires de tous les ordres, venus des quatre coins du monde. Ils ont survolé montagnes, fleuves, lacs, mers et océans pour assister à cette cérémonie. Quelle cérémonie ? Ils n’étaient pas à Buckingham Palace pour les fastes nuptiaux de deux grandes familles royales. Ils étaient loin du Capitole ou de la Maison Blanche. Ils n’étaient pas non plus à l’Elysée pour les besoins d’un sommet France Afrique encore moins du Common -Wealth. Ils s’étaient donné rendez vous ce trois Avril au Sénégal, ce petit pays, de par sa taille et sa population, mais rayonnant partout dans le monde, de par son histoire et la qualité de ses hommes. Ils s’étaient donnés rendez vous au stade Léopold Sédar Senghor, du nom du mythique homme de lettres, académicien et Premier Président du Sénégal, prédécesseur de Monsieur Abdou Diouf , Président de la Francophonie, pour rendre hommage à un autre illustre fils du continent, lui témoigner une deuxième fois leur fierté d’être avec lui. Et communier avec lui et son peuple en cet instant solennel de prestation de serment , partager son bonheur. Mais qui était donc cet homme au port et à la carrure altiers, se demandaient ils, dont l’image, chaque fois qu’elle apparaissait sur les écrans disposés autour du stade, déclenchait une forte ovation ponctuées de délires et de scènes d’hystérie ? Il n’était pas Dieu. Il n’était pas non plus le roi Alexandre le Grand, Jules César, encore moins l’empereur Néron qui recevait les hommages de ses sujets dans le Colisée, au retour de ses campagnes guerrières victorieuses. Il n’a pas forgé l’admiration des autres par le glaive. Il n’a pas construit son respect par la terreur, le feu et le sang, lui qui a toujours refusé de marcher sur des cadavres pour aller au Palais de Roume. Sur sa tête, il ne portait ni diadème, ni couronne incrustée de diamants et de saphir. Tout au plus, il se contentait des salutations de son peuple et l’agréable sensation que lui procurait le zéphir du soir. Il était resté peuple en conseillant les rois et les grands de ce monde . Mais à quoi cet homme pensait lorsque ces acclamations, fusant de partout et se mélangeant avec la musique et les chants retentissaient jusqu’au tréfonds de son être ? Etait il emporté hors du temps par les envolées lyriques de sa griotte de naissance Lesson ,accompagnée par le célèbre ensemble traditionnel Daniel SORANO , magicienne du verbe et de la parole, qui égrenait sa généalogie patricienne, dont il ne s’est jamais prévalu, le transportant ainsi sur un somptueux tapis magique, tissé de mélodies nostalgiques au royaume de ses illustres ancêtres Bracks du Walo et du Gandiol ? Se remémorait il les épopées glorieuses de nos valeureux héros qui avaient défendu au prix de leur vie même, l’honneur, la dignité de l’homme noir contre l’envahisseur ? Du fond de son cœur, susurrait il à travers ses lèvres pincées, des prières à nos grands saints hommes musulmans ou chrétiens de ce monde, ou au delà pour un Sénégal de paix, d’unité et de prospérité ? Leur réitérait il son engagement ferme pour la consolidation du dialogue islamo chrétien si précieux, mais si fragile ? Se rappelait il au bon souvenir de ses aînés dont il était le digne héritier : les Apôtres de la paix et de la non violence, le Mahatma GANDHI, l’homme de Memphis, le Pasteur Martin Luther KING, les pionniers de l’Afrique et de la Diaspora du nationalisme et du panafricanisme : DUBOIS, Marcus GAVEY, Jomo KENYATTA , Kuamé KRUMAH, Seikhou TOURE, Modibo KEITA, NASSER, Cheikh Anta DIOP, et Léopold Sédar SENGHOR, chantre de la Négritude, de la civilisation de l’Universel et du métissage culturel ? A travers ce bruissement mélodieux, ne percevait il pas le sage de Yamassoukro, l’homme au sourire éternel « Merci d’avoir défendu mon café et mon cacao et œuvré pour éviter à mon pays le chaos » ? Ce regard tantôt mélancolique ne voyait il pas l’image d’une Afrique déchirée par des guerres fratricides au Darfour, au Congo et ailleurs, à la merci des dures lois du commerce international, marquées du sceau de l’iniquité et de l’injustice? A quand l’avènement des Etats unis de l’Afrique, et la concrétisation du Nepad qui constituent l’unique voie pour sortir l’Afrique du sous développement et de la pauvreté ? Pensait il à ces jeunes , espoir de demain, pris dans l’engrenage des mirages d’Espagne ou d’Italie et qui ont choisi la voie périlleuse des mers à bord d’embarcations de fortune, en quête d’un Eldorado illusoire ? Pensait il à cette image poignante qui a fait le tour du monde, de ce garçon s’accrochant désespérément à ses mains, comme une ultime bouée de sauvetage, les yeux en larmes pour s’évanouir dans ses bras ? Pensait il au plan Reva qui prendra en charge entre autres, l’avenir de cette jeunesse ambitieuse, pleine de volonté et de détermination ? Pensait il aux personnes du troisième âge qui ont repris goût à la vie, grâce au plan Sésame ? Pensait il à l’appel incessant adressé à ses frères de l’Opposition, pour construire ensemble un Sénégal de paix , de prospérité , qui ont brillé par leur absence à cette cérémonie nationale ? Pensait il à ses vaillants et fidèles chevaliers, compagnons des périodes de braise, frères et sœurs du parti disparus, les Boubacar SALL, Mass DIA, Meulo GUEYE, Nguissaly, Coumba BA, la lionne de Tamba, Aminata Samaké et autres, aujourd’hui grands absents hélas à cette grande communion. ? Suprême prodige !Se rappelait il que la Présidente de cette Cour Constitutionnelle qui avait le privilège sacerdotal de recueillir son serment devant Dieu et les hommes, était la veuve d’un de ses premiers compagnons de lutte ? Du haut de la tribune , voyait il les immenses champs de tabanani qui s’étendaient à perte de vue sur les plaines du Djolof, du Diéry, du Cayor, du Saloum, du Fouta et du Fogny et les unités de fabrication de bio carburant à partir de ces végétaux ? Dans son regard profond qui scrutait le ciel brumeux, ne voyait il pas un avion effectuer son atterrissage sur l’aéroport international Blaise Diagne de Diass ?
Enfin pourra t il nous livrer un jour l’intensité du frisson qui parcourait tout son être et l’émotion qui l’étreignait jusqu’à l’étouffement, lorsque devant ses illustres hôtes, le stade tout entier en apothéose, hommes, femmes, vieux, enfants, à l’unisson scandaient : « Gorgui dolli niou, Gorgui doyolou niou ! Abdoulaye WADE, donne nous en encore ! Nous n’avons pas encore assez de ton cœur d’or et de ton esprit génial » ?
Me Djibril WAR
CIS
wardjibril@yahoo.fr