ACTUSEN
Contribution

Macky Sall et le virus de la transhumance

Qui aurait pu penser que le président Macky Sall qui, en 2012, s’est présenté aux Sénégalais comme un évangéliste de la vertu, allait devenir, dès son arrivée au pouvoir, un promoteur invétéré de l’une des pires tares de notre système politique: la transhumance? En évoquant cette question, une anecdote me vient à l’esprit.

Il y’a quelques années, un élève m’a interrogé sur le sens du mot « transhumance » qui figurait dans un support de cours de géographie portant sur l’élevage au Sénégal. Pour coller au contexte, j’ai parlé des déplacements périodiques des troupeaux à la recherche de nouvelles prairies, en insistant sur le cas du Ferlo. Un autre élève de la classe m’ interpelle en ces termes: « Je pensais qu’on utilise le mot transhumance en politique pour parler de trahison ». Il me cita, en exemple, un leader de parti qui venait de quitter l’opposition pour rejoindre la mouvance présidentielle, un leader dont je tairai le nom par respect à sa mémoire. Pour convaincre cet élève à l’esprit si alerte, j’étais obligé de lui répéter ce que mon professeur de français au CEM Amadou Coly Diop de Thiès, Mr Anne, m’avait appris en  5e: « Un mot n’a de sens que dans son contexte ».

Voir un adolescent associer transhumance et trahison est l’illustration la plus éloquente que cette pratique est, à tout point de vue, contraire à nos valeurs sociétales.

Les méfaits de la transhumance doivent être évalués au delà de la dimension politique. Ce phénomène a des effets pervers pour notre société. Dans un contexte marqué par l’explosion des médias, comment les chefs de famille peuvent-ils éduquer leurs enfants sur la base des valeurs de droiture, de fidélité et de loyauté lorsque, tous les soirs, s’introduisent dans leurs salons, les images affligeantes d’un Chef d’Etat déroulant le tapis rouge à des individus qui sont l’incarnation absolue de la déloyauté, de la traitrise et de la tortuosité?

La situation aurait été moins dramatique si les transhumants se contentaient, sans tambour ni trompette, de quitter leur camp pour rallier la mouvance présidentielle tout en faisant profil bas. On aurait simplement admis qu’il s’agit d’individus incapables de survivre en dehors des lambris dorés du pouvoir, tout comme un crocodile ne pourrait s’épanouir hors de l’eau. Malheureusement, c’est non seulement au son des tam-tams que les transhumants sont accueillis dans le camp présidentiel, mais encore, et c’est plus grave, le Chef de l’Etat et ses partisans ne se privent jamais, pour justifier leur triste campagne de débauchage de responsables de l’opposition, et peut être pour se donner bonne conscience, de leur tresser des lauriers, voire même de les présenter comme les plus vertueux parmi les Sénégalais.

Nous concédons le droit à ces personnalités politiques de changer de posture et de discours au gré des vents et des marées. Par contre, nous trouvons scandaleux de voir décrits sous les traits de « patriotes », de « républicains » et de « serviteurs de l’Etat », des modèles achevés de renégat. Des individus qui, au nom de prébendes, sont capables de renier aussi facilement les principes qu’ils défendaient il ya encore quelques mois, ne peuvent être nullement des modèles de vertus à offrir en exemples à la jeunesse sénégalaise. Ce pays manque t-il tant de cadres à la probité morale et intellectuelle avérée, au point de dépendre d’une race d’hommes politiques dont la postérité ne retient que des actes de trahison? Il ne fait aucun doute que les Parcelles Assainies comptent, à suffisance, des cadres bien formés et vertueux qui auraient été plus utiles à la présidence du conseil d’administration du Port Autonome de Dakar que le transhumant qui vient d’y être promu.

Au total, la gouvernance scandaleuse et vicieuse du président Macky Sall ne produit pas seulement des dégâts matériels. Elle est facteur de déchéance morale.

Serigne Assane KANE, Porte parole de Fds (Forces Démocratiques du Sénégal)

Leave a Comment