Le dangereux PAP2A qui nous a été servi par les tenants du pouvoir risque d’être un plat mortel pour notre économie qui est déjà au bord de la dépression.
Il faut d’emblée signaler qu’il ne s’agit nullement d’un plan de relance, mais plutôt d’un plan de soutien avec des travaux à faire.
Un plan de relance vise principalement à stimuler la croissance inclusive et le développement endogène et s’appuie sur les moteurs de l’activité économique, particulièrement sur les secteurs à haute intensité de main d’œuvre et les secteurs qui ont un effet multiplicateur sur la croissance.
En outre, son efficacité dépendra de l’affectation des fonds par ordre de grandeur et de priorité et de la profondeur des réformes structurelles.
Un projet touchant tous les segments de la société devrait au moins épouser l’approche participative avec une consultation plus large de l’ensemble des acteurs politiques. La démarche solitaire du gouvernement montre à suffisance une tentative de saupoudrage.
Lancer 14712 milliards sur 3 ans sans perspectives à long terme ne sert techniquement à rien. A moins que l’état pense pouvoir régler tous nos problèmes avec les flux financiers issus de l’exploitation du pétrole à partir de 2023.
Le Sénégal étant en déficit public quasi chronique, il ressort que ce PAP2A sera financé par des emprunts. Le taux de surendettement est déjà à un niveau de détresse et s’établira à plus 100% de notre PIB. Cette stratégie politique pose particulièrement problème sur le bon diagnostic et l’efficacité des réponses apportées. Il faut juste rappeler que malgré les 1000 milliards d’apport pour lutter contre la COVID-19, le Sénégal reste très impacté contrairement à la moyenne de la zone UEMOA où le taux de croissance attendu pour 2020 est de 1,3% contre 1,8% pour la Cote d’Ivoire et seulement -0,7% pour le Sénégal.
Je rappelle que le taux de mobilisation de nos recettes fiscales n’est que de 17% du PIB. Si les cash-flows attendus en 2023 ne sont pas au rendez-vous, le pays ne sera ni solvable, ni liquide et sa capacité de remboursement sera terriblement faible.
Pire, la dette qui sera contactée pour financer ce fameux plan ne sera pas viable au grand dam des générations futures.
Le constat est très amer : le Sénégal est extrêmement vulnérable en matière de dette intérieure publique et dette extérieure privée. Les effets pervers dus à l’augmentation de la dette et de la pression fiscale seront fatals à notre économie.
Je rappelle que ce que le Sénégal dépense aujourd’hui, ce n’est pas de l’argent qu’il possède mais le peu de crédibilité qui lui reste. A l’heure actuelle, le pays est impécunieux.
Hélas ! L’Etat est en train de trouver des excuses bidon pour faire ses dépenses courantes.
Un appel du pied a été fait au secteur privé national pour une contribution à hauteur de 33% de ce plan. Seulement ce secteur privé national n’a pas les moyens de lever ces montants colossaux sans l’appui de partenaires financiers. Il faudra obligatoirement une implication des banques nationales pour les accompagner. Le seul bémol est qu’il faudra être très attentif à la dette intérieure et de son niveau de remboursement.
Le schéma de financement du PAP2A relève d’une escroquerie intellectuelle frauduleusement volontaire. Les prévisions irréalistes et utopiques dignes d’un marchand d’illusions meublent le contenu. L’exemple le plus patent est la projection du taux de croissance à 13% alors que l’échec du PSE est toujours frais dans nos mémoires surtout concernant l’objectif de la transformation structurelle de notre économie marquée par un taux de croissance totalement extraverti qui a fini de montrer ses limites dans ce contexte de COVID-19.
La rigueur et la prudence auraient commandé de poser une hypothèse de Down case avec des estimations sur le taux de croissance hors pétrole qui représente l’économie réelle.
Les conséquences que pourraient engendrer ce plan sont multiples :
- L’effet boule de neige avec un creusement continu et soutenu de notre déficit budgétaire sur une très longue période,
- L’effet d’éviction avec des risques probables de détournements
- Nous avons une économie ouverte au reste du monde et nos entreprises locales ne peuvent pas compétir avec les multinationales si elles ne bénéficient pas d’une discrimination positive de la part de l’Etat à travers les commandes publiques, ou les contrats de sous-traitances.
- Le déséquilibre de notre balance commerciale provoquée par une augmentation des importations, freinant ainsi le concept du « consommer local »
L’accélération de la souveraineté alimentaire exprimée par le gouvernement sonne comme un slogan creux au regard de la tenue de nos finances. Il faut souligner qu’entre 2019 et 2020, les importations de produits alimentaires (riz, sucre, produits laitiers et autres produits alimentaires) représentent 189,7 milliards de franc CFA, soit 3,8% des importations. Il est le troisième poste d’importation après les biens d’équipements (4,4%) et les produits pétroliers. Les importations de produits alimentaires représentent 64,7% des recettes externes du budget (LFI2020). Selon la LFI de 2020, les recettes externes du budget (tirage sur don en capital et dons budgétaires) sont projetées à 293,5 milliards. Ce qui signifie que sur les dons en capital et dons budgétaires reçus de nos partenaires extérieures, il y a une ristourne de 64,7% à travers nos importations de produits alimentaires.
Il est important de faire remarquer que le montant de nos importations en produits alimentaires (189,7 milliards de franc CFA), c’est plus que, le budget du ministère de la justice (à peu près 102 milliards de franc CFA), le budget du ministère du développement industriel et de la petite et moyenne industrie (à peu près 116 milliards de franc CFA), le budget du ministère de la culture et de la communication (à peu près 60 milliards de franc CFA), le budget du ministère de la jeunesse (à peu près 105 milliards de franc CFA) etc…
L’économie doit être tenue à bout de bras par les PME et le secteur primaire, sinon elle s’effondre. Malheureusement le gouvernement manque d’ambition et est trop frileux sur la stratégie d’accompagnement des PME.
Il urge de mettre en œuvre un « Dispositif qui comporte quatre principaux axes, à savoir la promotion des PME et l’amélioration de l’encadrement de ces entreprises, le refinancement des créances bancaires sur les PME et enfin, la diversification des instruments financiers adaptés à leur financement ».
Eric NDOUR
Analyste financier
Cadre de banque
Secrétaire National Adjoint à la Jeunesse du parti Rewmi