Le parti de la République des valeurs ne lâche toujours pas l’affaire du scandale présumé relatif à l’attribution de marchés publics par l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas). A travers un long communiqué rendu public, Thierno Alassane Sall parle d’une mafia avant de tirer sur les nouvelles autorités du pays. «L’actualité relative à l’affaire de l’attribution litigieuse de marchés publics à l’Onas montre clairement que les hautes autorités de notre pays concourent à empêcher l’éclatement de la vérité sur ce dossier polémique. Cette affaire est par ailleurs grave parce qu’elle semble accréditer l’idée profondément ancrée dans la mentalité collective que les pouvoirs publics, en dépit des changements de régimes, conservent le même système fait de mépris des difficultés des Sénégalais et de rivalités personnelles pour des prébendes. Une analyse holistique du dossier révèle, à tout le moins, une gestion corrompue ; l’histoire, les faits et le droit convergent vers un scandale», souligne le document.
«Cheikh Tidiane Dièye, ne dispose juridiquement d’aucune prérogative lui permettant d’intervenir directement dans la procédure d’attribution de marchés publics par l’Onas. Il s’est arrogé un pouvoir que la loi ne lui donne pas»
Le député a également fustigé l’intervention du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement dans le dossier d’attribution de ces marchés qu’il juge illégale. «Il est indéniable que l’intervention du ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement dans le dossier d’attribution de marchés publics par l’Onas est illégale, à plusieurs égards. Le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Cheikh Tidiane Dièye, ne dispose juridiquement d’aucune prérogative lui permettant d’intervenir directement dans la procédure d’attribution de marchés publics par l’Onas, en particulier d’en imposer l’arrêt. En dehors de l’autorité contractante, ici l’Onas, seul le Comité de règlement des différends (Crd) de l’ARCOP (ex. ARMP) peut suspendre une procédure de passation de marché public. Il en résulte que le ministre Dièye s’est arrogé un pouvoir que la loi ne lui donne pas», martèle l’opposant.
«Il est évident que le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement a violé la loi en attribuant litigieusement les marchés publics de l’Onas»
En outre, poursuit Thierno Alassane Sall, le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement ne disposait pas de la compétence pour sélectionner deux entreprises en vue de l’attribution directe d’un marché public de l’Onas. «Selon l’article 77 du Code des marchés publics, ‘’les marchés sont passés par entente directe lorsque l’autorité contractante engage directement les discussions avec un ou plusieurs opérateurs économiques et attribue le marché au candidat qu’elle a retenu’’. L’autorité contractante étant l’Onas, le ministre Cheikh Tidiane Dièye n’avait ni le pouvoir de solliciter l’autorisation de la Direction centrale des marchés publics (DCMP), ni la compétence de choisir les entreprises attributaires. Tout l’argumentaire construit autour de l’urgence, des supposées surfacturations et de la mise en place d’une commission mixte (composée de représentants du ministère et de l’ONAS) n’y fait absolument rien. Il est évident que le Ministre Cheikh Tidiane Dièye a violé la loi en attribuant litigieusement les marchés publics de l’Onas», a-t-il dit.
«Les hauts fonctionnaires mandatés par le Ministre pour porter sa parole ont essayé de justifier les capacités singulières de ces deux entreprises à exécuter les marchés litigieux dans les délais prévus sans donner un seul élément technique»
A en croire Thierno Alassane Sall, il est légitime de poser la question des motifs qui auraient poussé Monsieur Dièye à se substituer à l’Onas dans cette affaire. «Aucun des arguments avancés pour justifier cette facturation n’est crédible. De plus, pourquoi DELTA et VICAS ? Les hauts fonctionnaires mandatés par le Ministre pour porter sa parole ont essayé de justifier les capacités singulières de ces deux entreprises à exécuter les marchés litigieux dans les délais prévus sans donner un seul élément technique ; tout ce que nos hauts fonctionnaires ont trouvé à dire c’est que VICAS et DELTA en ont les capacités au regard de la présence dans les rues de la ville de leurs véhicules et de leurs agents. Désormais, toute entreprise pourra prouver ses capacités à exécuter convenablement un marché public en distribuant plusieurs tee-shirts et en louant des véhicules sur lesquels sont floqués ses marqueurs d’identité. Quel désastre !», indique le document.
«Le Procureur de la République tient là une affaire grave qui doit être traitée avec le sérieux qui sied. Il avait fait preuve d’une diligence remarquée dans des affaires mineures pour réparer l’orgueil chatouillé du Président de la République ou du Premier ministre»
Pour tirer cette affaire au clair, Thierno Alassane Sall interpelle le procureur. «Le Procureur de la République tient là une affaire grave qui doit être traitée avec le sérieux qui sied. Il avait fait preuve d’une diligence remarquée dans des affaires mineures pour réparer l’orgueil chatouillé du Président de la République ou du Premier ministre. L’affaire qui défraie la chronique est un test bienvenu sur la volonté de rupture. Cette volonté ne saurait être que des incantations psalmodiées au cours d’Assises. La vraie rupture est d’instruire cette affaire dans la plus grande rigueur et le maximum de transparence pour redonner confiance en la Justice. Il s’agit d’une affaire grave en ce qu’elle engage les ressources publiques mais surtout, elle touche à la raison fondamentale d’être des pouvoirs publics : offrir des services de base aux populations, garantir leur confort et prévenir les maladies et épidémies qui peuvent survenir lorsque des eaux stagnent», indique-t-il.
«L’affaire qui défraie la chronique est un test bienvenu sur la volonté de rupture. La vraie rupture est d’instruire cette affaire dans la plus grande rigueur et le maximum de transparence pour redonner confiance en la Justice»
«Nous voulons bien croire à la justice de notre pays», ajoute-t-il. «C’est pourquoi nous avons déposé une plainte contre X au bureau du procureur de la République le 21 août 2024. Au-delà de la Justice, il est essentiel de mettre en place une culture de rigueur et d’orthodoxie républicaine dans notre administration. L’intégration d’une telle culture aurait évité à M. Cheikh Dieng de se lancer dans une procédure douteuse pour acquérir une voiture», martèle-t-il. Le candidat malheureux à la dernière présidentielle a rappelé des décisions de l’ARMP (actuelle ARCOP) et de la Cour suprême, cassant l’attribution de marchés aux sociétés DELTA et VICAS en 2019 et 2020, alors que l’Onas était dirigée par Lansana Gagny Sakho. «L’histoire nous offre des révélations inattendues sur ces deux entreprises, VICAS et DELTA. Nous avons été surpris de découvrir que pendant la période 2019-2020, lorsque l’ONAS était sous la direction de M. Lansana Gagny Sakho (actuel PCA de l’APIX), beaucoup de marchés publics attribués par l’ONAS à VICAS et DELTA ont été annulés, soit par le Comité de règlement des différends de l’ARMP (aujourd’hui ARCOP), soit par la Cour suprême», déclare TAS.
«Au-delà de la Justice, il est essentiel de mettre en place une culture de rigueur et d’orthodoxie républicaine dans notre administration»
Pour Thierno Alassane Sall, il est bon de se rappeler que ces affaires rocambolesques impliquant les entreprises VICAS et DELTA ont eu lieu, alors que Monsieur Lansana Gagny Sakho était le directeur général de l’ONAS. «On peut se demander qui étaient les fonctionnaires procédant aux évaluations/attributions des marchés alors invalidés par l’ARMP ? Serait-ce (en partie au moins) les mêmes qui portent la parole du Ministre ? Il est primordial de ne pas sous-estimer la probabilité qu’il y ait des lobbies qui pourraient mettre l’ONAS en échec. Deux entreprises qui ont été attributaires de l’essentiel des marchés publics de l’ONAS ces dernières années (sans résultats probants au regard de l’état des ouvrages confirmé par les inondations chroniques) ont été subitement plébiscitées en grandes entreprises capables de procéder au curage des canaux à Dakar et dans les régions en un temps record. M. Cheikh Dieng, ex. DG de l’ONAS, a pourtant fait état de l’existence de défaillances graves dans l’exécution des marchés au cours de ces dernières années», conclut la note.
Mansour SYLLA (Actusen.sn)