La situation des finances publiques au 31 mars n’est pas du tout reluisante. En effet, des audits ont été menés sur la gestion des deniers publics, allant des finances publiques, du foncier, du patrimoine bâti, à la gestion des agences, mais les constats font froid dans le dos, à en croire les nouvelles autorités. « Les constats de ces audits font ressortir de la gabegie dans les dépenses tant dans leurs choix, leurs qualités, que dans leur effectivité et impact. Cette situation a induit des dérapages dans la gestion des dépenses publiques, et est favorisée par une mauvaise gouvernance, se manifestant notamment par la corruption, la concussion, les détournements de fonds et l’accaparement de biens publics par des privés et ce dans tous les domaines », a déploré le premier ministre Ousmane Sonko, lors de la conférence de presse du gouvernement, axée sur la situation des finances publiques, la redditions des comptes et les pistes de solutions.
«Le rapport sur la situation des finances a révélé que la dette publique du Sénégal et les déficits budgétaires ont été plus élevés que publiés par les autorités sortantes et communiqués à nos partenaires durant la période 2019 / 2023»
Selon le Ministre de l’Economie et des Finances, Abdourahmane Sarr, le rapport sur la situation des finances a révélé que la dette publique du Sénégal et les déficits budgétaires ont été plus élevés que publiés par les autorités sortantes et communiqués à nos partenaires durant la période 2019 / 2023. « Le déficit budgétaire a été annoncé à une moyenne de 5,5% du Pib, sur la période 2019 / 2023. Mais en réalité, il a été en moyenne de 10,4 % soit le double de ce qui a été annoncé. La dette publique, quant à elle, a été annoncée en moyenne à 65,9 % du Pib durant la période 2019 / 2023. Mais en réalité, elle a été en moyenne de 76,3% du Pib en raison des déficits publics plus élevés que publiés », dira le Ministre. Il en veut pour preuve, « la dette de l’Etat central en 2023, dans le secteur parapublic, qui est à 15 664 milliards, soit 83,7 % du Pib, alors qu’elle était avancée à 13 768 milliards.
«Sur la période 2019 / 2023, les tirages sur ressources extérieures non inclus dans les déficits budgétaires ont été en moyenne de 593 milliards annuellement ; et des prêts bancaires non inclus dans les déficits ont été en moyenne de 179 milliards annuellement. Tous ces fonds sont dépensés de façon non transparente.»
Pour le Ministre de Finances, il s’agit alors d’un supplément de dette contracté et non publié de près 1 892 milliards, soit 10 % du Pib, de plus. « Cette dette supplémentaire est principalement due à des tirages sous des traits projetés sur des financements extérieurs et contractés auprès des banques locales de façon non transparente », révèle Abdourahmane Sarr. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, il poursuit : « Sur la période 2019 / 2023, les tirages sur ressources extérieures non inclus dans les déficits budgétaires ont été en moyenne de 593 milliards annuellement ; et des prêts bancaires non inclus dans les déficits ont été en moyenne de 179 milliards annuellement. Tous ces fonds sont dépensés de façon non transparente. »
«Au-delà de ces chiffres sur le déficit de la dette, l’audit a également révélé que le surfinancement du Trésor public d’environ 605 milliards en 2023, un surfinancement qui avait été conclu avec le Fmi, a été utilisé pour payer des dépenses non budgétisées et des dettes connues de l’Etat, contrairement à ce qui avait été communiqué»
D’ailleurs, il a ajouté que le déficit budgétaire en fin 2023 s’établirait aux alentours de 10 %, alors que le déficit annoncé était de 4,9% du Pib, soit le double de ce qui a été rendu public. « Au-delà de ces chiffres sur le déficit de la dette, l’audit a également révélé que le surfinancement du Trésor public d’environ 605 milliards en 2023, un surfinancement qui avait été conclu avec le Fmi, a été utilisé pour payer des dépenses non budgétisées et des dettes connues de l’Etat, contrairement à ce qui avait été communiqué », regrette-t-il dans la foulée.
Sonko utilise un langage non codé : « Les autorités que nous avons remplacées ont menti au pays et aux partenaires en falsifiant des chiffres publics, en donnant des données erronées de 2019 à 2023. »
En langage plus simple, Ousmane Sonko dira : « Les autorités que nous avons remplacées ont menti au pays et aux partenaires en falsifiant des chiffres publics, en donnant des données erronées de 2019 à 2023. Le régime du Président Macky a menti pour donner une image économique, financière et budgétaire qui était loin de refléter la réalité. » Se voulant plus explicite, il poursuit : « Sur la question du surfinancement, cela veut dire que les partenaires avaient accepté que le Sénégal puisse aller, en termes de levée de fonds, au-delà de ce lui est annuellement autorisé. 600 milliards, qui devaient être dépensés qu’en 2024, ont été malheureusement dépensés avant notre arrivée, c’est-à-dire dans l’exercice 2023. Plus de 300 milliards ont été utilisés sans aucune justification. Des ministres ont été présentés comme étant des ministres que la République n’avait jamais connus. Les ministres Moustapha Ba, Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, jusqu’au Président Macky Sall, tout ce beau monde a menti aux Sénégalais, pour pouvoir simplement bénéficier de fonds et qui le plus souvent ont été détournés de leurs objectifs. »
« Plus de 2700 milliards ont été dépensés sur les 4 dernières années sous le sceau du secret défense pour échapper aux règles des marchés publics »
Parlant ensuite du modus operandi qui a été utilisé pour détourner cette manne financière, le premier ministre a pointé du doigt l’utilisation abusive du secret défense’. « Plus de 2700 milliards ont été dépensés sur les 4 dernières années sous le sceau du secret défense pour échapper aux règles des marchés publics. Ces pratiques ont facilité la corruption ; plus de 25 000 milliards ont été mobilisés, offrant un champ illimité à toutes les dérives, y compris celles consistant à contracter des crédits bancaires hors des circuits de contrôle budgétaire. Le Trésor public s’est retrouvé dans une situation où il n’est au courant de ces opérations qu’au moment de leur effectivité ou au moment des remboursements des prêts contractés. Ce sont les lobbies politico-affairistes qui se sont permis de détourner une bonne partie de ces financements en s’enrichissant indûment à coups de centaines de milliards », a dénoncé Ousmane Sonko.
« Il en va des pratiques de remises gracieuses, des fausses exonérations fiscales, celles des acquiescements ou autre rachat de créances, ou des certificats nominatifs d’obligation, de l’accaparement foncier, et la privatisation illégal du patrimoine bâti de l’Etat au profit de la famille, du griot, des amis »
« Il appartiendra aux Sénégalais d’apprécier le carnage qui a été organisé », ajoutera-t-il. Car, poursuit-il, « il en va des pratiques de remises gracieuses, des fausses exonérations fiscales, celles des acquiescements ou autre rachat de créances, ou des certificats nominatifs d’obligation, de l’accaparement foncier, et la privatisation illégal du patrimoine bâti de l’Etat au profit de la famille, du griot, des amis. » Selon lui, « il y a même lieu de s’interroger sur les conditions d’attribution des marchés d’approvisionnement du pays en hydrocarbure. » D’ailleurs, sur le surfinancement des 605 milliards de l’exercice 2023, il soutient qu’une bonne partie a été effectivement utilisée dans des opérations extrabudgétaires. « Nous n’avons pas retrouvé ces ressources dans les caisses », dira-t-il, avant de préciser : « Les responsabilités seront situées. Tous ceux qui ont eu à jouer un rôle vont répondre. J’ai parlé de Mamadou Moustapha Ba, Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Macky Sall, qui ne pouvait ignorer ces pratiques, ils devront expliquer aux Sénégalais pourquoi et comment ils ont pu plonger le pays dans une telle situation. »
« J’ai parlé de Mamadou Moustapha Ba, Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Macky Sall, qui ne pouvait ignorer ces pratiques, ils devront expliquer aux Sénégalais pourquoi et comment ils ont pu plonger le pays dans une telle situation. »
En effet, les conséquences sont dramatiques. Selon le Ministre Abdourahmane Sarr, la non disponibilité de ce surfinancement en 2024 a nécessité, « des emprunts non initialement programmés notamment en émission d’eurobonds par placement privé de 750 millions de dollars en juin dernier et de crédits commerciaux de 300 millions d’euros. » Pour le déplorer, il a ajouté que « ces 605 milliards ont été utilisés en bonne partie sans aucune trace. Cette manne financière a été utilisée pour enrichir des autorités politiques. »
D’ailleurs, à l’en croire, ce sont toutes qui ont fait que les autorités ont choisi, en juillet dernier, de ne pas porter le dossier du Sénégal au Conseil d’administration du Fonds Monétaire International pour l’édition 2023 / 2024. « La transmission de fausses informations pour bénéficier des tirages prévus sur les ressources du Fmi entraîne le remboursement des ressources mobilisées à moins de bénéficier d’une dérogation du Conseil d’administration du Fmi », soutient-il. Toutefois, il a souligné que le Fmi a été informé des résultats de ces audits et sera en discussion avec leurs services pour les mesures coercitives qui seront mises en œuvre. « Ainsi le gouvernement prend l’engagement de ramener la dette de l’Etat central de 83, 7% du PIB en 2023 à moins de 70 % dans des délais raisonnables », promet-il.
Pour sa part, Ousmane Sonko a invité les Sénégal à plus de patriotisme pour financer eux-mêmes leur développement, à travers notamment le civisme fiscal. « Notre décision sera de ne plus entendre, moyennant des financements, qu’on nous pose des conditionnalités qui sont des exigences que nous devrions nous même pouvoir adoptées. Il nous faut faire des sacrifices », soutient-il. Ainsi, il annoncé la disponibilité du nouveau référentiel des politiques publiques le 7 octobre prochain.
Amadou DIA (Actusen.sn)