Connu pour son engagement intellectuel et son amour pour les causes nobles, l’écrivain cinéaste, scénariste, réalisateur aura marqué son temps à travers des œuvres littéraires et cinématographiques de haute facture.
Le natif de Ziguinchor a toujours été constant dans ses prises de positions intellectuelles, politiques et culturelles. Le Sénégal et l’Afrique avant tout constituaient des priorités pour le monument du cinéma africain.
Sur le chemin de Popenguine pour répondre à l’invitation de Madame Viviane Wade épouse du Président Wade en 2004, Ousmane Sembene me raconte l’épisode de son ouvrage « Si les bougies se taisaient ». Un ouvrage censuré du temps du Président Senghor sans aucune justification.
Une œuvre qui passe aux peignes fins la problématique de l’inceste au Sénégal.
En 2005, alors que j’étais chargé de coordonner une équipe de journalistes invités à couvrir le festival du film de Paris par la Présidence de la République avec à l’honneur le cinéaste sénégalais Moussa Séne Absa en compagnie de Rokhaya Niang auteur du film « Madame Brouette », le défunt Cheikh Ngaido Ba me conseilla encore une fois de prendre contact avec le doyen Sembène Ousmane qui pouvait être très utile à cette mission. Après quelques échanges au téléphone, rendez-vous fut pris à son domicile à Yoff pour organiser les modalités du voyage. Des moments forts en émotions qui m’ont permis de mieux connaître et découvrir l’homme multidimensionnel Ousmane Sembene.
Dans cette équipe devant aller en France avec Madame Viviane Wade marraine de la cérémonie, il y’avait entre autres le journaliste Mamadou Malaye Diop de la télévision nationale, Omar Seck Directeur de la radio nationale, Mamadou Koumé Directeur de l’Aps, Maimouna Ndir de Walf et naturellement Sindjely Wade très intéressée par les questions culturelles.
Des moments de riches échanges avec le doyen Sembène qui tous les matins nous racontait des anecdotes. Exemple : A chaque fois qu’il se rendait dans une banque, les agents après les présentations lui disaient :« Ah vous êtes encore vivant ! »
Avec son sourire légendaire, Sembene Ousmane répondit : « Oui par la Grâce de Dieu » comme pour dire l’écrivain n’avait pas peur de la mort. Ousmane Sembene dont l’œuvre incommensurable est toujours célébrée un peu partout dans le monde est né en Casamance le 1 er Janvier 1923 et mort le 9 juin 2007.
Pourquoi Sembene Ousmane est l’absent le plus présent durant la cérémonie de commémoration du 80 ème anniversaire ?
C’est le doyen Sembene Ousmane qui pour la première fois de notre histoire politique a fait un film sur les événements douloureux de Thiaroye 1944. Alors que les tirailleurs sénégalais de retour de la guerre réclamaient leur argent sans violence ni effets de manche. Les troupes françaises ont préféré user de la violence pour les exterminer ou les réduire au silence. Cette histoire tragique méconnue des populations africaines a été révélée à l’écran par cet homme de dimension internationale engagé qui mérite tous les honneurs. Tout ceci dans un contexte historique chargé avec à la clé la colonisation et ses avatars. Un hommage digne de son élan devrait lui être consacré.
Aujourd’hui Sembene Ousmane nous a quitté mais son œuvre littéraire et cinématographique demeure intemporelle.
Adieu le monument du cinéma africain
Mbaye Diouf
Ancien conseiller à la Présidence