Même si, selon certaines informations, l’affaire des 125 milliards, qui secoue le pays depuis dimanche dernier, serait comptabilisée dans les activités de la CENTIF courant 2024, selon une source au niveau de ladite cellule, le rapport d’activité de l’année dernière peut être disponible « d’ici juin ». En tout cas, selon Ramatoulaye Gadio Agne, Présidente de la CENTIF, l’année 2023 se traduit par une forte augmentation du nombre reçu de déclarations de soupçon qui passe de 330 en 2022 à 807 en 2023, soit une hausse de 145%. Dans la même année, l’impact de la dématérialisation s’est fait également ressentir sur le nombre de déclarations de transactions en espèces qui passe de 4 336 531 en 2022 à 16 993 410 en 2023 et sur le dynamisme noté dans le traitement de l’information financière en ce qui concerne les réquisitions qui passe de 343 à 1 186.
Sur le traitement des informations financières, en plus de la transmission de rapports au parquet, la dissémination aux autorités administratives a été développée compte tenu de certaines formes d’infractions sous-jacentes. En effet, dans son rapport d’activité 2023, le dernier en date, consulté par nos soins, la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) du Sénégal, autorité administrative placée sous la tutelle du Ministre chargé des Finances, et a pour mission, au sens de l’article 60 de la loi n° 2018-03 du 23 février 2018, de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, on peut lire qu’elle a aussi pour mission de recevoir les déclarations d’opérations suspectes des personnes assujetties à la loi n° 2018-03 du 23 février 2018 relative à la LBC/FT.
A ce titre, l’activité déclarative a connu une forte croissance. En effet, huit cent sept (807) déclarations de soupçon ont été reçues par la CENTIF en 2023 contre 330 en 2022 soit une progression de 145%. Il s’agit de la croissance interannuelle la plus forte depuis la création de la CENTIF. Les banques et établissements financiers ont transmis 86% des déclarations (DOS). Viennent ensuite les établissements financiers décentralisés (8%), suivis par les établissements de monnaie électronique (2 %). Les autres secteurs tels que les systèmes de transfert d’argent, les sociétés de courtages assurances et réassurances, les agents immobiliers, les matériaux et métaux précieux, les notaires et les agréés de change sont concernés respectivement par 1.6 %, 0.7 %, 0.4%, 0.2% et 0,1%, lit-on dans le rapport. A eux seuls, les banques et les établissements financiers ont transmis 695 déclarations de soupçon, détaille le document.
Par ailleurs, le nombre de dossiers examinés s’établit à 138, soit une progression de 3% par rapport à l’année précédente. Le nombre de dossiers transmis au parquet qui s’établit à 43, contre 35 en 2022, connaît une hausse de (+23%) tandis que les dossiers faisant l’objet de classement observent un repli de 13%.
En 2023, la répartition du nombre de déclarations de soupçon (DOS) reçues par la CENTIF par infractions sous-jacentes est cependant diversifiée. Les montants mis en cause ne devraient pas être analysés, selon la CENTIF, comme des avoirs issus d’activités de blanchiment de capitaux. Ils correspondent simplement à des transactions, exécutées ou rejetées, au sujet desquelles les entités déclarantes ont eu des doutes sur la licéité des sommes en cause. Les catégories d’infractions déclarées les plus importantes au cours de la période sous revue sont la fraude (473), les infractions fiscales pénales (41) et les infractions à la réglementation des changes (33), précise-t-elle.
Toutefois, 22 déclarations de soupçon sont relatives au détournement de fonds par des personnes exerçant une fonction publique, contre 131 liées à la corruption. En ce qui concerne la déclaration des transactions en espèces (DTE), son nombre a également connu une hausse considérable de 292% passant de 4 336 531 à 16 993 410. Sur le nombre de transactions atteignant le seuil des 15 millions en une seule opération, une très légère baisse de 0,4% est notée. La situation s’établit à 133 420 en 2023 avec une moyenne mensuelle de 11 118 transactions. Le niveau des transactions fractionnées reste relativement élevé, renseigne le rapport.
En outre, l’analyse comparative des exercices 2022 à 2023 fait ressortir que le nombre de réquisitions et demandes d’informations nationales initié par la CENTIF a été multiplié par plus de 3 passant de 343 à 1 186. Cette augmentation considérable de l’ordre de 246% résulte essentiellement de la mise en place d’un nouveau module « Réquisitions/Demandes d’informations » intégré à e-Delta, permettant les échanges d’informations entre la CENTIF, les assujettis et la BCEAO. Ainsi, en 2023, la part des réquisitions ou demandes d’information effectuées par la CENTIF à destination du secteur des banques et établissements financiers représente 63% du flux de transmission soit une proportion croissante par rapport à l’année précédente où elle s’établissait à 49%.
Toutefois, la CENTIF a constaté dans son rapport, une persistance de la fraude dans les opérations financières des entités déclarantes, notamment les assujettis du secteur des banques et établissements financiers. Cette fraude se manifeste le plus souvent par des mécanismes de fraude a coordonnées bancaires, l’hameçonnage, le vol des moyens de paiement, l’usurpation d’identité et les arnaques. Les profils des fraudeurs se révèlent diversifiés. Le dispositif intéresse de nombreux acteurs de la délinquance financière et notamment, au-delà de fraudeurs opportunistes agissant pour leur propre bénéfice, des réseaux de criminalité organisée. Dans la plupart des cas, les fraudeurs commettent une infraction ou un délit en réussissant à prélever, retirer de l’argent ou à effectuer des opérations financières.
Quant à la fraude fiscale, elle concerne principalement des dossiers de dissimulation partielle de revenus tirés d’une activité professionnelle ou d’identification de flux et revenus dont l’origine ne peut être déterminée. Et beaucoup d’entités créées recourent à des activités non déclarées à travers différentes réalités, soit une activité exercée de manière totalement occulte, soit une dissimulation partielle de chiffre d’affaires, souligne le document. En outre, certaines entreprises exercent des activités avec des chiffres d’affaires de plusieurs milliards, mais sont inconnues des services fiscaux. Elle peut résulter d’une activité exercée à titre individuel (commerçant, prestation de services, autoentrepreneur) ou bien sous forme de société. La majorité des investigations de la CENTIF portent sur des cas de minoration de chiffre d’affaires ou de défaillance déclarative dans le cadre d’impôts sur les sociétés et sur le revenu. Les secteurs les plus représentés sont le commerce, le BTP, l’entreprenariat numérique et l’inclusion financière.
Pour boucler la boucle, la CENTIF a observé durant la période sous revue, des mouvements de capitaux vers l’étranger et des exportations, en toute violation de la réglementation de change. Ces faits impliquent plusieurs acteurs économiques en relation d’affaires avec des filiales de sociétés étrangères installées au Sénégal.
Amadou DIA (Actusen.sn)