Si le Bâtonnier Mamadou Seck n’a pas manqué d’interpeller le Chef de l’Etat sur les conditions de travail des avocats sénégalais, ainsi que le défaut d’organisation du concours d’aptitude à ladite profession, malgré les règles établies, le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, a tenu, pour sa part, à lever toute équivoque sur ces questions.
« Le Barreau du Sénégal, que je représente, est une institution républicaine qui entend respecter et faire respecter les principes de l’Etat de droit dans l’exercice de sa mission de service public et d’acteur majeur de la justice dans notre pays. Nous nous permettons toutefois de rappeler que le Barreau est une institution du service public de la justice, une institution qui n’est pas toujours mise dans les conditions d’exercer pleinement sa mission au service de la société et d’une justice de qualité. » C’est par cette note que le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Sénégal a interpellée le Chef de l’Etat, sur le sort de ses confrères et consœurs, à l’occasion de la rentrée solennelle des Cours et Tribunaux.
Me Mamadou Seck à Diomaye : « Nous sommes confrontés aux exigences des nouvelles règles communautaires qui nous imposent la mise en place d’une École d’Avocats pour la préparation à l’examen du CAPA, la formation initiale et la formation continue… »
« Monsieur le Président de la République, poursuit Me Mamadou Seck, la dotation annuelle à l’assistance judiciaire d’un montant de 800.000.000 FCFA n’a pas été payée depuis plusieurs années, laissant subsister un encours de plus de trois milliards (3.000.000.000) de francs. » Poursuivant, il ajoute : « nous sommes confrontés, aussi, aux exigences des nouvelles règles communautaires qui nous imposent la mise en place d’une École d’Avocats pour la préparation à l’examen du CAPA, la formation initiale et la formation continue ». De plus, renchérit Me Mamadou Seck, « nous avons relevé et salué tous les efforts consentis par l’Etat pour mettre à notre disposition un terrain d’un hectare à Diamniadio et une aide financière de cinq cent millions de francs CFA qui représente le quart du budget de financement des constructions. »
Le chef de l’Etat de répliquer : « Il est nécessaire de formaliser l’assistance judiciaire qui fonctionne jusqu’ici, provisoirement, sur le fondement d’un protocole d’accord du 07 avril 2005 entre le Barreau et les ministères en charge de la justice et du budget »
Ainsi, ajoutera-t-il, « par le mécanisme de la dotation à l’assistance juridictionnelle, en tenant compte des études qui ont été faites pour évaluer les besoins, le Barreau pourra, non seulement augmenter durablement ses effectifs pour permettre un maillage national conforme à la carte judiciaire ». Cependant, déplore le Bâtonnier, « c’est un véritable challenge pour notre Barreau de trouver les moyens financiers complémentaires, alors que notre préoccupation est, à la fois, de mettre à la disposition des justiciables, des avocats en mesure de les défendre et, surtout, d’augmenter notre contribution à l’emploi des jeunes. » Car, explique la robe noire, « l’Ecole a en perspective, pour ses débuts, le recrutement et la formation d’au moins 100 jeunes pour la préparation à l’examen du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat. »
Diomaye : « l’article 8 dudit Règlement permet, en l’absence d’un centre de formation, de recourir à une structure d’enseignement supérieur en droit reconnue par le CAMES ou à une structure nationale de formation judiciaire, pour la tenue des cours préparatoires que doit suivre chaque candidat avant de se présenter à l’examen d’aptitude à la profession d’avocat »
Disons que la réponse du chef de l’Etat ne s’est pas fait attendre. « Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, l’assistance judiciaire fonctionne jusqu’ici, provisoirement, sur le fondement d’un protocole d’accord du 07 avril 2005 entre le Barreau et les ministères en charge de la justice et du budget. Il est nécessaire de la formaliser », soutient Bassirou Diomaye Faye. A cet égard, il annonce qu’un projet de loi et un projet de décret ont déjà été élaborés pour une réglementation des modalités de l’assistance judiciaire qui, il faut le rappeler, doit bénéficier aussi bien aux victimes qu’aux mis en cause en matière pénale, ainsi qu’aux demandeurs et défendeurs en matière civile. « Le constat est qu’elle n’est appliquée qu’en matière pénale et au seul bénéfice des personnes poursuivies alors que des victimes ont souvent besoin de l’aide juridictionnelle, particulièrement en matière civile où la procédure est généralement plus couteuse qu’en matière pénale », constate Bassirou Diomaye Faye.
Diomaye invite toutefois le Bâtonnier « à prendre contact, dans les meilleurs délais, avec le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, afin de définir avec lui les modalités d’organisation de ces cours préparatoires, préalables à l’examen d’aptitude à la profession d’avocat »
En ce qui concerne l’accès à la profession d’avocat, il a rappelé les exigences des nouvelles règles communautaires, notamment le règlement d’exécution n°001/2019 de l’UEMOA qui prévoit la mise en place, dans chaque Etat de l’Union, d’un centre de formation professionnelle des Avocats. « Le délai de deux ans, prévu pour la mise en place de ce dispositif, est arrivé à terme depuis le 21 février 2021 », a-t-il remarqué, avant d’ajouter : « Pendant ce temps et ce depuis près de quatre (04) ans, de jeunes diplômés attendent de réaliser leur rêve d’embrasser la profession d’avocat. »
Pourtant, poursuit-il, l’article 8 dudit Règlement permet, en l’absence d’un centre de formation, de recourir à une structure d’enseignement supérieur en droit reconnue par le Conseil africain et malgache de l’Enseignement supérieur (CAMES) ou à une structure nationale de formation judiciaire, pour la tenue des cours préparatoires que doit suivre chaque candidat avant de se présenter à l’examen d’aptitude à la profession d’avocat. « Au demeurant, il résulte de l’article 3 du Règlement que les barreaux, en relation avec le Ministère en charge de la Justice, sont responsables de l’organisation du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat », reconnaît le Chef de l’Etat. « C’est pourquoi, Monsieur le Bâtonnier, je vous invite à prendre contact, dans les meilleurs délais, avec le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, afin de définir avec lui les modalités d’organisation de ces cours préparatoires, préalables à l’examen d’aptitude à la profession d’avocat », conclura-t-il.
Amadou Dia