Le juge du Tribunal des flagrants délits de Dakar s’est penché, hier, sur un dossier très embrouillé. Mouhamed Fall a été appelé à la barre pour répondre des faits de vol en réunion commis la nuit, détention illégale d’arme et rébellion par plus de trois personnes.
Le procès de Mouhamed Fall ne court pas les rues. Les faits qui lui valent sa comparution se sont déroulés au courant du mois de décembre dernier. Une demande d’intervention de la Brigade de Foire a été adressée au Groupement d’intervention nationale de la gendarmerie (Gign). Cette mission consistait à faire une patrouille de reconnaissance et d’observation, afin de collecter des renseignements dans les parages de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor de Yoff. Où des agressions récurrentes ont été notées, ces derniers temps.
Malheureusement, les investigations entreprises par le ‘’Gign’’ ont pris une tournure non souhaitable. Car le comparant, suspecté de faire partie des agresseurs, a reçu une balle qui lui a valu l’amputation de sa jambe droite. Ce tir lui a été administré par un officier de l’Unité d’intervention, Seydina Daouda Thioub.
Seydina Daouda Thioub, partie civile : ‘’Mouhamed Fall se dirigeait vers moi avec une machette. Pour l’immortaliser, je lui ai donné un coup au pied’’
Venu livrer sa version des faits sur le déroulement des opérations, ce jour-là, Pape Daouda Thioub, l’officier de l’Unité d’intervention du Gign mis en cause, a justifié son acte. «C’est suite à la demande de renfort de la Brigade de Foire que notre hiérarchie nous a délégués, 3 autres agents et moi, d’aller ausculter les lieux. C’était le 17 juin. On a quitté la caserne Samba Diery Diallo, vers 20 heures. Arrivés dans cette zone, nous nous sommes éparpillés. Je plongeais le mur de l’Aéroport de Yoff et j’ai rencontré un homme qui courait, tenant un sac. Je lui ai demandé ce qui lui arrivait et il m’a répondu qu’il a été agressé par un groupe d’hommes, en m’indiquant la direction où ils se trouvaient. Quand ils m’ont aperçu, ils croyaient que j’étais leur proie. Subitement, ils se sont mis à polir leur machette», narre-t-il.
‘’Si la balle a atteint son pied, c’est parce que je n’avais pas l’intention d’attenter à sa vie, mais j’avais l’intention de le maîtriser’’
Poursuivant, l’élément du Gign ajoute : «ils étaient au nombre de 6. Je leur ai fait savoir que je suis gendarme. J’ai fait deux coups de sommation. C’est lui-même, désigne-t-il le mis en cause, qui m’a répondu qu’ils n’en ont que faire, car ils sont déjà morts. Il se dirigeait vers moi avec une machette. Pour l’immortaliser, je lui ai donné un coup au pied. Si la balle a atteint son pied, c’est parce que je n’avais pas l’intention d’attenter à sa vie, mais j’avais l’intention de le maîtriser».
Mouhamed Fall, prévenu : «il a tiré sur ma jambe droite, au niveau de la cuisse. Je suis tombé et j’ai perdu 4 dents»
Selon la victime qui s’est présentée à la barre avec des béquilles, il n’y a pas de trace de vérité dans ce qu’elle qualifie d’allégations de l’officier du Gign. Tous les faits pour lesquels il est poursuivi ont été également niés. «Je suis marchand ambulant. J’avais vendu 2 paires de chaussures à un client à 24 000 F Cfa. Il m’a remis 19.000 francs et m’a dit de venir prendre les 5000 francs restants, après. Ce jour- là, je me rendais chez lui et j’ai vu un groupe de personnes se battre», a expliqué Mouhamed Fall.
Toujours au sujet de sa narration, la victime dit au juge : «je suis descendu de ma moto pour intervenir. Lui, il est sorti de je ne sais où et a tiré un coup de feu en l’air et les jeunes se sont dispersés. Je suis parti à la boutique d’à-côté et je l’ai vu frapper Ibrahima Fall à la tête avec le pistolet qu’il détenait. Je lui ai demandé d’arrêter ce qu’il faisait».
Pour la balle que lui a infligée l’agent, il dira : «je suis ensuite monté sur mon engin pour partir. C’est là que cet homme a tiré sur ma jambe droite, au niveau de la cuisse. Je suis tombé et j’ai perdu 4 dents. Il dit que c’est lui qui a appelé la Brigade de Foire pour qu’il m’amène à l’hôpital, mais c’est totalement faux. Après m’avoir tiré, il est entré dans sa maison qui était juste à côté et d’où il est ressorti avec une machette ».
Le Tribunal a décidé de se rendre sur les lieux le mardi 26 janvier et renvoie l’audience au 29.
A en croire la partie civile, sa maison doit faire à peu près 2 km du lieu où les faits se sont passés. «J’habite à Ouest Foire et c’est moi qui ai appelé les policiers, afin qu’ils l’acheminent à l’hôpital. Beaucoup d’hôpitaux avaient refusé de le prendre».
C’est à ce moment que les avocats de la défense ont demandé un transport du Tribunal sur les lieux, afin de voir la distance qui sépare le domicile de Seydina Daouda Thioub du lieu où l’incident s’est produit.
Après avoir obtenu l’aval du Ministère public qui dit être à sa disposition, le Tribunal a décidé de se rendre sur les lieux le mardi 26 janvier et renvoie l’audience trois jours plus tard, c’est-à-dire le 29 janvier prochain. Décidément, ce procès reste tout un livre à écrire.
Adja Khoudia Thiam, (Stagiaire-Actusen.sn)