Les sieurs Cheikh Ibrahima Niass, Cheikhou Khady Niass et Kéba Niass ont comparu, hier, au tribunal des flagrants délits de Dakar pour répondre des faits d’association de malfaiteurs et d’escroquerie. Il est reproché aux prévenus d’avoir fait des manœuvres frauduleuses, en se faisant passer pour des agents de la Sonatel, afin de soutirer de l’argent à des clients de l’opérateur de téléphonie.
Au courant de l’année 2020, plusieurs plaintes relatives à des systèmes d’arnaque via des opérations de transfert d’argent ont été déposées à la Section Recherches par des abonnés de la Sonatel. D’après celle-ci, 1 800 réclamations ont été reçues par ses services en 2019 et 3 000 en 2020. En l’absence des chefs de maison, des individus se faisant passer pour des agents de la Sonatel passent des appels téléphoniques, généralement, sur des numéros de téléphone fixe des utilisateurs ; ils demandent à leur interlocuteur le payement de factures impayées au risque de procéder à la coupure de la ligne, si l’argent n’est pas transféré aussitôt.C’est avec ce modus operandi que 132 000 000 de francs en 2019 et 117 000 000 de francs en 2020 ont été extorqués aux clients.
Suite aux investigations menées grâce à l’exploitation des numéros utilisés par les arnaqueurs, les nommés Cheikh Ibrahima Niass, Cheikhou Khady Niass et Kéba Niass, tous membres de ce réseau d’arnaqueurs, ont été interpellés. Une perquisition minutieuse a permis de saisir neuf téléphones portables utilisés pour leur entreprise délictuelle.
Il résulte de l’enquête que le numéro 78 1069343 est inséré dans les téléphones de tous les trois qui disent n’avoir rien compris à cela
Tous originaires de Taïba Niassène, les prévenus partageaient la même chambre à Gueule Tapée (Dakar). Interrogés sur les faits qui leur valent leur comparution, les prévenus ont tout nié. Toutefois, ils reconnaissent être les propriétaires des téléphones saisis. Mais, ils disent ne pas pouvoir justifier les puces insérées dans leurs téléphones. D’ailleurs, ils disent n’avoir rien compris au fait que le numéro 78 106 9343 soit commun à tous leurs téléphones.
Kéba Niass déclare que le portable dont ils se servaient appartenait à son frère, Sidy Mouhamed Niass qui est présentement en détention à la prison de Rebeuss. Néanmoins, il reconnaît avoir partagé sa chambre avec ses amis, mais rejette toute implication avec cette affaire d’arnaque. «Je me suis installé à Dakar depuis 2017. Quand Cheikh Ibrahima Niass, Cheikhou Khady Niass me sollicitaient pour partager ma chambre, j’ai, dans un premier temps, refusé. Mais à force de me mettre la pression, j’ai fini par les héberger. Toutefois, je les avais mis en garde contre leurs mauvaises pratiques», se blanchit l’étudiant qui déclare avoir été au courant des agissements de ses amis.
S’agissant de ses co-prévenus, ils ont tous réfuté les faits d’escroquerie. Selon eux, ils ne sont en rien mêlés dans cette affaire.
Aminata Barka Diagne, victime : «ma fille a effectué plusieurs dépôts dans divers points orange money au profit de l’arnaqueur. J’ai découvert que 2 000 000 de francs ont été déjà envoyés»
Deux victimes, en l’occurrence Aminata Barka Diagne et Fatou Sy, se sont également présentées à la barre. Selon la première nommée, c’est le 19 octobre dernier, vers les coups de 15 heures que sa fille de 14 ans l’a appelée pour l’informer qu’un individu se présentant comme un agent de la Sonatel a appelé pour savoir sa position. «Sachant que l’enfant était seule à la maison, il lui a demandé son numéro de téléphone personnel pour ensuite le rappeler en simulant une conversation avec moi. Sur ce, il a dit à la fille de se rendre dans ma chambre, à ma demande, pour m’envoyer de l’argent qui s’y trouve à un numéro qu’il lui a donné.
Ne se doutant de rien, le petite a effectué plusieurs dépôts dans divers points orange money au profit de l’arnaqueur. C’est à mon retour que j’ai découvert que la somme de 2 000 000 francs a été déjà envoyée!», raconte la victime. Non sans préciser que cette somme était destinée à l’approvisionnement de la pharmacie dans laquelle elle officie.
Fatou Sy, pour sa part, affirme avoir été escroquée de la somme de 1 300 090 francs.
À en croire le conseil de la Sonatel qui s’est aussi constituée partie civile, le préjudice causé est énorme et l’appréciation n’est pas exhaustive. Ainsi, la société réclame 50 000 000 pour combler le préjudice moral et matériel que les mis en cause leur ont fait subir. Il a aussi demandé au tribunal de les condamner à une lourde peine aux fins de dissuader ceux qui comptent les imiter.
À titre de dommages et intérêts, les parties civiles réclament le remboursement des sommes d’argent soutirées.
Outre les préjudices causés aux victimes, le procureur Ousmane Ndiaye déplore la manière dont les prévenus ternissent le nom ‘’Niass’’. Selon lui, à cause de ces arnaqueurs, personne ne fait plus confiance à ceux qui portent ce nom. Ainsi, il a requis la peine de trois ans de prison ferme qui, selon lui, va enrayer ce fléau.
Lors des plaidoiries, les conseils de la défense ont tenté de laver à grande eau les mis en cause. Car, plaident-ils, leurs clients ont déclaré n’avoir jamais reçu de transfert d’argent. À cet effet, ils ont demandé au tribunal de les relaxer au bénéfice du doute.
Les débats clos, l’affaire est mise en délibéré au 17 février prochain.
Adja Khoudia Thiam, (Stagiaire-Actusen.sn)